Année politique Suisse 1997 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Chemins de fer
Lors de sa session d'automne, le Conseil des Etats a approuvé très facilement et sans grandes modifications le vaste projet de réforme des chemins de fer présenté l'an dernier par le Conseil fédéral. Nombreux furent les orateurs qui soulignèrent la nécessité de cette réforme afin d'accroître la compétitivité des CFF et de permettre ainsi à ces derniers de regagner des parts de marché par rapport à la route. Le souci de voir baisser de manière substantielle les charges pesant sur les finances publiques fut plus d'une fois mentionné par les sénateurs.
En ce qui concerne plus particulièrement le premier volet de la réforme, à savoir la libéralisation du réseau ferroviaire (loi sur les chemins de fer), peu nombreuses furent les discussions, les sénateurs étant notamment convaincus que la Suisse ne pouvait se permettre de constituer un îlot dans une Europe communautaire au sein de laquelle cette "révolution" du rail entrera en vigueur le 1er janvier 1998. Sur proposition de l'Obwaldien Küchler (pdc), les sénateurs ont néanmoins tenu à introduire dans la loi une disposition prévoyant que soit mise sur pied, à l'image de ce qui existe dans le secteur de l'aviation, une commission indépendante chargée de mener les investigations lors d'accidents ferroviaires. Contrairement à l'opinion d'une majorité de la commission des transports (CTT) jugeant une telle structure trop coûteuse, les représentants des cantons ont en effet estimé, de concert avec le ministre des transports, qu'il fallait à tout prix se doter, dans un environnement désormais concurrentiel, d'une instance dont l'impartialité ne pourrait être mise en doute en cas de litige sur les causes d'un accident. Une seconde proposition du démocrate-chrétien Danioth (UR) demandant que l'introduction de nouvelles technologies ferroviaires puisse recevoir une aide de la Confédération fut en revanche rejetée, ce malgré le soutien des sénateurs socialistes et démocrates-chrétiens. Une majorité de la petite chambre a en effet estimé que dans un marché libéralisé, les gains de productivité que permettent ces nouvelles technologies devraient être suffisants pour inciter les entreprises ferroviaires à se montrer innovatrices en la matière. Les sénateurs ont également fait part de leurs craintes quant aux conséquences que de telles subventions pourraient avoir pour les finances de la Confédération.
En ce qui concerne le second volet de la réforme - la restructuration des CFF (loi sur les chemins de fer fédéraux) - les débats furent un peu plus nourris. Si les principales modifications - séparation de l'infrastructure et de l'exploitation, transformation de la régie en société anonyme de droit public, privatisation éventuelle d'une partie du capital de la future SA et instauration d'un contrat de prestations quadriennal entre l'Etat et les CFF - ont été acceptées très aisément, il n'en est pas allé de même au sujet de la question du financement du déficit de la caisse de pension de la régie. Alors que le projet de l'exécutif, soutenu par une majorité de la CTT, prévoyait de ne pas assainir avant 6 ans le trou de 5 milliards et de laisser prendre en charge aux CFF la moitié du service de la dette (soit 100 millions par an), une minorité de la commission, emmenée par les démocrates-chrétiens Danioth (UR) et Maissen (GR), proposait que la Confédération comble sans attendre ce déficit. Ne manquant pas de rappeler que les chemins de fer allemands avaient bénéficié d'un tel traitement lors de leur privatisation, la minorité socialiste et démocrate-chrétienne de la CTT était de l'avis que les CFF ne pourraient, sans cet assainissement, affronter la concurrence à armes égales. Selon les partisans du projet de l'exécutif, la Confédération ne pouvait au contraire absorber une telle charge supplémentaire vu l'état de ses finances. Ceci était d'ailleurs d'autant plus vrai qu'il était à craindre qu'une telle décision ne crée un précédent fâcheux, la Poste ainsi que les entreprises d'armement, secteurs de l'Etat également en voie de restructuration, pouvant alors légitimement exiger la prise en charge des déficits de leur caisse de pension respective. Après de longues discussions et un vote ne départageant pas les deux parties, la voix du vice-président de la chambre, le Bernois U. Zimmerli (udc), a finalement fait pencher la balance du côté des partisans du projet du Conseil fédéral.
Concernant le troisième volet - à savoir le
refinancement de la régie - les sénateurs ont approuvé à l'unanimité le plan de désendettement présenté par le gouvernement. Ils ont en effet donné leur aval à ce que sur les 14 milliards de francs de dettes, 8 milliards soient épongés et transformés en capital propre de la nouvelle SA, le solde étant maintenu sous forme de prêts avec et sans intérêts (respectivement 4 et 2 milliards). La petite chambre a estimé qu'une telle mesure s'imposait puisque la perspective de voir les CFF être à même de rembourser grande partie des investissements consentis était quasi nulle. La nécessité pour les CFF de pouvoir démarrer sur de bonnes bases financières fut également invoquée
[53].
Le Conseil fédéral a transmis un
message comprenant, outre le budget 1998 de la régie (cf. supra), un projet de
modification de la loi sur les CFF ainsi qu'un
nouveau mandat de prestations pour l'année 1998. La réforme des chemins de fer n'ayant pu être mise sous toit cette année et les CFF ayant procédé d'ores et déjà à la séparation des secteurs de l'exploitation et de l'infrastructure, il est nécessaire - afin de jouir des bases légales adéquates - de modifier, sous forme d'arrêté urgent, la loi actuellement en vigueur. Les mêmes raisons prévalent pour l'autre objet compris dans le message: le mandat de prestations, datant de 1987 et arrivant à échéance en 1997, ne pouvant être prolongé puisque non conforme à la nouvelle organisation interne des CFF, un nouveau document a dû être établi. Tout comme l'arrêté urgent qui sera caduc dès l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les CFF, le nouveau mandat sera remplacé, dès l'entrée en vigueur de la réforme des chemins de fer, par une convention de prestations quadriennale. Le parlement a très facilement approuvé les deux objets
[54].
Le parlement s'est par ailleurs penché sur un certain nombre de
postulats et motions ayant trait à la réforme des chemins de fer. Le Conseil des Etats a ainsi transmis une motion de la CTT demandant au gouvernement de présenter au parlement, trois ans après l'entrée en vigueur de la réforme des chemins de fer, un projet relatif aux modifications légales nécessaires afin d'assurer une conception coordonnée et globale du financement des transports publics. Le Conseil national a pour sa part adopté un postulat Alder (ps, SG) enjoignant le gouvernement d'examiner s'il n'y a pas une distorsion de la concurrence au détriment de la régie au vu des conditions parfois différentes auxquelles sont soumis les CFF et les entreprises des transports concessionnaires. Le cas échéant, l'exécutif est invité à proposer les modifications légales nécessaires. La grande chambre a en revanche rejeté une motion Béguelin (ps, VD) demandant que le plan de désendettement de la régie soit avancé d'une année. Selon les conseillers nationaux, le refinancement étant une des nombreuses mesures de la réforme des chemins de fer, il serait erroné de le mettre en vigueur de façon isolée
[55].
[53]
BO CE, 1997, p. 861 ss.; presse des 2.10 et 3.10.97. Voir également
APS 1996, p. 189 ss. Notons encore que, saisie à son tour du message, la CTT du CN a proposé que les intérêts de la dette de la caisse de pension des CFF soient à 100% pris en charge par les finances fédérales durant les trois premières années de la libéralisation:
Bund, 27.11.97.53
[54]
FF, 1997, IV, p. 1217 ss.;
BO CE, 1997, p. 1036 ss., 1236, 1307 et 1376 s.;
BO CN, 1997, p. 2468 ss., 2769 et 2917;
FF, 1997, IV, p. 1424; presse des 3.12 et 5.12.97.54
[55]
BO CE, 1997, p. 892 s.;
BO CN, 1997, p. 2485 (Alder) et 535 s. (Béguelin).55
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