Année politique Suisse 1997 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / PTT
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Libéralisation du marché des télécommunications
Dernier volet du triptyque, la libéralisation du marché des télécommunications a suscité de loin le plus de discussions au sein de la chambre des cantons, même si, au vote sur l'ensemble, les sénateurs ont tous approuvé, à l'exception des représentants socialistes, la nouvelle loi. A l'instar de ce qui s'était passé au Conseil national, ce sont les questions d'ordre social ainsi que celles relatives à la défense des régions périphériques qui ont été au centre de l'attention des conseillers aux Etats. Ainsi, concernant le premier point, les sénateurs ont supprimé, sur proposition de la CTT et malgré l'opposition socialiste, la disposition introduite par la grande chambre exigeant de la part des entreprises concessionnaires qu'elles respectent les pratiques usuelles de la branche en matière de salaires et de conditions de travail. Etant de l'avis que cette exigence obligerait les différents opérateurs à calquer leur politique salariale et sociale sur celle des Télécom, la majorité bourgeoise du Conseil des Etats a craint qu'elle ne repousse les entreprises.
Sur le second point - la défense des régions périphériques - les sénateurs ont eu à examiner une proposition de la commission de n'accorder, en ce qui concerne le service universel, qu'une seule concession obligeant à couvrir l'ensemble du territoire. Selon la CTT, le système alternatif adopté par la grande chambre - diviser le pays en différentes zones et accorder pour chaque région des concessions aux plus offrants - ne pouvait que conduire à une situation prétéritant les régions périphériques, celles-ci étant moins susceptibles, faute d'attractivité, d'attirer des entreprises. Relevant que la proposition de la CTT, défendue par de nombreux socialistes et démocrates-chrétiens, conduirait à consacrer de facto le monopole des Télécom, la majorité de la chambre a préféré s'en tenir à la mouture chère au Conseil national et au gouvernement. Afin de rassurer les représentants des régions de montagne, le conseiller fédéral Leuenberger a par ailleurs souligné que le découpage des différentes zones prendra en compte leurs préoccupations, l'exécutif veillant à ce que les régions les moins intéressantes économiquement soient rattachées à des zones plus rentables.
Outre ces deux questions, les sénateurs ont tenu à exprimer au sujet d'autres dispositions leur souci d'aboutir à une situation véritablement concurrentielle. Ainsi, par exemple, afin d'éviter que les intérêts que possède la Confédération au sein de l'entreprise des Télécom n'interfère avec le rôle de garant du bon fonctionnement du marché que celle-ci devra assumer, le Conseil des Etats a explicité les dispositions relatives à la commission de la communication: les sénateurs ont notamment pris soin de souligner l'indépendance de cet organe chargé de veiller à ce qu'aucun obstacle n'empêche la libre concurrence entre les différents acteurs économiques [67].
Lors de la procédure d'élimination des divergences, le Conseil national a avalisé la plupart des modifications proposées par la chambre des cantons. Seule exception notoire à cette convergence des points de vue, la suppression décidée par les sénateurs de l'obligation pour les employeurs de respecter les pratiques usuelles en matière de salaire n'a pas trouvé grâce auprès des conseillers nationaux. Selon une majorité de députés socialistes et démocrates-chrétiens, il était absurde de mettre en danger les quatre nouvelles lois par une consultation populaire, l'Union PTT n'ayant pas manqué de faire entendre qu'elle lancerait un référendum contre l'ensemble de la réforme en cas de suppression de la disposition concernée. A cette argumentation, certains parlementaires ont même ajouté que le seul report de la réforme impliqué par l'aboutissement du référendum serait très dommageable étant donné qu'il était impératif que celle-ci entre en vigueur au 1er janvier 1998, date de la libéralisation parallèlement prévue sur le marché européen. Devant à nouveau se prononcer sur la question, le chambre des cantons s'est ralliée à la position exprimée par les conseillers nationaux [68].
Contrairement au Tribunal fédéral qui, l'an dernier, avait blanchi la régie, la commission de la concurrence a estimé que l'offre des Télécom en matière d'accès au réseau Internet (Blue Windows) violait la loi sur les cartels, la régie ayant subventionné son offre très attractive - une tarification des communications au prix local pour l'ensemble du pays - grâce aux revenus provenant d'autres secteurs. A titre de mesures provisionnelles, la commission a exigé notamment que la régie tienne une comptabilité séparée pour Blue Windows et qu'elle propose aux autres fournisseurs le même numéro d'accès que celui prévu pour sa propre plate-forme [69].
Saisie d'une seconde affaire concernant les Télécom et ayant trait à la participation de ces derniers au capital du plus grand câble opérateur du pays (Cablecom), la commission a à nouveau estimé que la législation avait été enfreinte. Arguant que cette importante participation pouvait conduire, en contradiction avec la libéralisation à venir, à une situation de monopole privé dans le secteur clé du réseau téléphonique urbain, l'organe de surveillance a recommandé au Conseil fédéral de contraindre les PTT à se défaire de leur part au sein de Cablecom. Ayant à statuer sur la recommandation de la commission, le Conseil fédéral a décidé, en fin d'année et après longue réflexion, de ne pas suivre cette dernière. Rappelant qu'il ne devait pas, à la différence de la commission, examiner la question sous le seul angle de la concurrence, mais prendre en compte également les intérêts généraux du pays, l'exécutif a relevé qu'il n'avait aucune raison de désavantager par rapport aux concurrents internationaux - lesquels ne sont pas soumis à ce genre de restrictions dans leur pays respectif - une entreprise qui occupe quelque 20 000 personnes. Le Conseil fédéral a également ajouté que la Confédération avait, en tant que propriétaire de l'entreprise, un intérêt légitime à tout faire pour que l'entrée en bourse des Télécom se fasse le mieux possible [70].
 
[67] BO CE, 1997, p. 69 ss.; presse des 6.3 et 7.3.97. Voir également APS 1996, p. 195 s. Dans le cadre de la loi sur les télécommunications, les sénateurs ont par ailleurs adopté une recommandation CTT invitant le CF à prendre toutes les mesures afin de garantir la compatibilité (interconnexion) des infrastructures des différents opérateurs, ce dès l'entrée en vigueur prévue de la loi. Selon la majorité de la petite chambre, il est en effet nécessaire de mettre tout en oeuvre afin d'éviter que les clients d'un fournisseur X ne puissent communiquer avec les clients d'un fournisseur Y, faute de compatibilité technique entre les installations des deux opérateurs: BO CE, 1997, p. 109.67
[68] BO CN, 1997, p. 373 ss. et 836; BO CE, 1997, p. 330 ss. et 423; FF, 1997, II, p. 1420 ss.; presse du 21.3.97. Signalons que cette décision de maintenir certaines garanties contre le risque de dumping social a grandement contribué à la décision de l'Union PTT de ne pas soutenir le référendum lancé contre les quatre nouvelles lois: presse du 3.5.97. En ce qui concerne la législation d'exécution de la loi sur les télécommunications, voir presse du 7.10.97.68
[69] NQ, 20.5 et 11.6.97. Voir également APS 1996, p. 196. 69
[70] Presse des 1.2, 23.10 et 2.12.97. Voir également APS 1995, p. 189.70