Année politique Suisse 1997 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
 
Trafic aérien
Le Conseil fédéral a publié son message concernant la révision partielle de la loi sur l'aviation. Conformément à ce qu'il avait annoncé l'année précédente suite à la décision de Swissair de supprimer la plupart des vols intercontinentaux en partance de l'aéroport de Genève-Cointrin, le gouvernement propose de supprimer les dispositions de la loi accordant à Swissair la priorité en matière de trafic aérien. A l'avenir, n'importe quelle compagnie aérienne sise en territoire helvétique devrait pouvoir offrir ses services sur des vols au départ de la Suisse. Restriction d'importance, cette libéralisation ne s'étendra cependant qu'après 2008 aux lignes occupées actuellement par Swissair, ce afin de respecter les termes et l'échéance de la concession octroyée à la compagnie. Autrement dit, seules seront dans un premier temps concernées par la libéralisation les nouvelles liaisons ou les lignes que Swissair a délaissées, à l'instar des vols supprimés au départ de Genève.
Outre ces dispositions s'appliquant aux entreprises aériennes sises en Suisse, le projet de l'exécutif prévoit également de nouvelles dispositions en ce qui concerne les compagnies étrangères désirant effectuer des vols avec des destinations helvétiques. A ce sujet, les dispositions du projet gouvernemental sont encore plus restrictives. Outre la limitation susmentionnée valable pour les transporteurs indigènes et s'appliquant a fortiori aux entreprises étrangères, ces dernières ne pourront obtenir de concession que si aucun intérêt suisse essentiel ne s'y oppose. De plus, la concession pourra être refusée si l'Etat dont la compagnie est originaire n'autorise pas dans une mesure équivalente les entreprises suisses à offrir leurs propres services sur le marché aérien concerné [75].
Réagissant à la publication du projet gouvernemental, les autorités cantonales genevoises, appuyées par les autres cantons romands, ont vivement regretté la version proposée, à leur goût très en-deçà des promesses faites par l'exécutif en 1996. Critiquant plus particulièrement l'intention de maintenir jusqu'en 2008 la concession accordée à Swissair, le Conseil d'Etat genevois et la direction de l'aéroport ont relevé qu'une telle mesure équivaudrait à préserver de facto le monopole de la compagnie aérienne pendant une période beaucoup trop longue et sans aucun doute fatale à l'aéroport genevois. Les autorités genevoises ont également dénoncé comme injustifié le projet d'exiger une stricte réciprocité de la part des Etats étrangers lors de la négociation de droits de trafic, cette condition nuisant à l'établissement de nouvelles liaisons.
Faisant part de son incompréhension face à ces critiques, le ministre des transports M. Leuenberger a répondu qu'à ses yeux le projet constituait un juste compromis entre les intérêts de la Suisse romande et ceux du pays tout entier. Selon le chef du DFTEC, il serait particulièrement malvenu de libéraliser unilatéralement le ciel helvétique au moment où la Suisse tentait âprement de négocier avec les Etats européens l'obtention des cinquième et septième libertés pour la flotte indigène. Au sujet du maintien jusqu'en 2008 de la concession accordée à Swissair, M. Leuenberger a souligné qu'annuler des droits acquis obligerait la Confédération à verser à Swissair des indemnités d'un montant prohibitif. Relativisant par ailleurs la portée de la concession octroyée à la compagnie, le ministre des transports a notamment rappelé que celle-ci ne portait pas sur les espaces aériens libéralisés - ce qui était le cas par exemple des vols entre la Suisse et les Etats-Unis - et qu'en cas d'accord avec l'UE, l'étendue de la concession serait restreinte en conséquence (et ce sans compensation financière). Enfin, le chef du DFTCE a relevé que certaines des critiques émises par les autorités cantonales de Suisse occidentale avaient été prises en compte dans le projet final. Ainsi, la disposition comprise dans l'avant-projet exigeant que les sociétés aériennes sises en Suisse soient à majorité en mains indigènes avait notamment été assouplie, le projet laissant au gouvernement la liberté de déterminer par voie réglementaire dans quelle mesure exacte les entreprises doivent être en mains suisses [76].
Lors de la session d'automne, le Conseil national s'est penché sur le message du gouvernement. Si, lors du vote sur l'ensemble, la grande chambre a adopté très largement le texte proposé, les discussions n'en furent pas moins vives et, de la part de la députation romande, les critiques acerbes, certaines conduisant par ailleurs à des modifications d'une certaine importance.
Principal objet du courroux des représentants romands, le projet de maintenir jusqu'en 2008 le monopole de Swissair fit l'objet d'une proposition Christen (prd, VD) exigeant que la durée soit ramenée à cinq ans. Estimant que le délai prévu par le Conseil fédéral vidait de sa substance la révision de la loi sur l'aviation, les députés francophones furent nombreux à relever, face à ceux qui arguaient que l'annulation de la concession obligerait la Confédération au versement d'indemnités très importantes, qu'un délai plus court ne justifiait nullement un quelconque dédommagement, les 5 ans suggérés étaient amplement suffisants pour que la compagnie rentabilise les différents investissements consentis. Un versement d'indemnités était par ailleurs, aux yeux des partisans d'une libéralisation accélérée, d'autant plus illégitime que Swissair avait violé la première les termes de la concession qui lui était octroyée, la compagnie faisant fi, lors de la suppression des vols intercontinentaux en partance de Genève, de ses obligations nationales. Soutenus par seule une minorité de députés alémaniques - la plupart radicaux et démocrates-chrétiens - la députation romande ne put obtenir gain de cause, une majorité très nette rejetant la proposition Christen ainsi d'ailleurs qu'une solution de compromis (7 ans) suggérée par le député bernois Seiler (udc). Une proposition du Zurichois Müller (prd) de maintenir au contraire la concession jusqu'en 2011 - date souhaitée par la compagnie - fut également rejetée, même si avec un score moins net.
Outre la question de la durée du sursis accordé à Swissair, les débats portèrent également sur les conditions prévalant lors de l'octroi des concessions de vols aux compagnies aériennes ainsi que sur les négociations des droits de trafic avec des pays tiers. La loi prévoyant de manière assez floue, au sujet du premier point, que le Conseil fédéral prenne en compte l'intérêt public, les conseillers nationaux ont voulu préciser cette notion. Sur proposition d'une minorité romande de la commission des transports, ils ont en effet tenu à ce que le département concerné accorde, à qualifications égales, les concessions en priorité aux compagnies desservant, outre l'aéroport de Zurich, ceux de Genève et de Bâle également. A cette modification s'est notamment opposé le chef du DFTCE, qui estimait que ce genre de dispositions visant à défendre les aéroports genevois et bâlois ne pouvait que créer de faux espoirs, le marché décidant en dernier lieu des aéroports les plus fréquentés. Une proposition similaire du radical Vogel (NE) demandant en outre que les intérêts des aéroports régionaux (Lugano, Berne, Sion, etc.) soient également pris en compte lors de l'octroi des concessions fut en revanche rejetée, les parlementaires étant de l'avis que l'on devait éviter de trop phagocyter la libéralisation par des considérations de politique régionale. Concernant les négociations des droits de trafic avec des pays tiers, les parlementaires ont adopté une proposition du démocrate-chrétien Simon (VD) invitant le gouvernement à inclure, dans les accords bi- ou multilatéraux, une "clause de désignation multiple". De l'avis d'une large majorité de la grande chambre, ce genre de dispositif, qui permettra à plus d'une compagnie d'exploiter les vols entre deux pays, allait dans le sens de la libéralisation souhaitée [77].
Le conseil d'administration de la société de contrôle aérien Swisscontrol a décidé en septembre d'établir à Genève, et non pas à Zurich, autre prétendante, son centre opérationnel principal ainsi que son siège d'administration. Selon de nombreux commentateurs, cette décision, importante en termes de création d'emplois pour le canton de Genève, aurait été prise tant pour des raisons techniques que pour des motifs plus politiques, le DFTCE, détenteur à 99% du capital, voulant à tout prix éviter un nouveau psychodrame semblable à celui de 1996. Le choix de Genève devrait également favoriser l'établissement d'un centre de contrôle franco-helvétique de l'espace aérien [78].
A l'instar de ce qu'avait décidé la grande chambre en 1996, le Conseil des Etats a transmis comme postulat une motion de la commission de gestion du Conseil national demandant que les opérations de recherche d'aéronefs civils soient confiées non plus à l'OFAC, mais à la société privée Rega. La majorité des sénateurs a en effet estimé que les informations à disposition ne permettaient pas clairement de conclure qu'une telle solution optimaliserait le dispositif de secours, voire abaisserait ses coûts. Choisissant la forme du postulat, elle a cependant invité le gouvernement à examiner plus en profondeur cette question. La petite chambre a en outre transmis comme recommandation une motion Spoerry (prd, ZH) demandant à l'exécutif d'accorder à l'OFAC les moyens supplémentaires en personnel afin que les autorisations délivrées en matière d'aménagement d'infrastructures aéronautiques soient plus promptement délivrées. Estimant que la gestion des ressources humaines était de la compétence du gouvernement, la majorité de la chambre des cantons a préféré transformer la motion en recommandation [79].
 
[75] FF, 1997, III, p. 1058. Voir également APS 1996, p. 197 s. Pour ce qui concerne la procédure de consultation: JdG, 27.2, 2.4 et 3.4.97; NQ, 27.2, 20.3 et 1.4.97; 24 Heures, 15.3 et 11.4.97; NZZ, 29.3.97.75
[76] Presse du 29.5.97.76
[77] BO CN, 1997, p. 1664 ss.; presse des 24.9 et 25.9.97. Notons encore qu'une nouvelle compagnie aérienne (Swiss World Airways), destinée à pallier à la suppression des vols Swissair depuis Genève, s'est constituée. Ayant réuni son capital de départ grâce notamment à des contributions des collectivités publiques romandes, SWA n'a pas pu cependant, contrairement à ses plans, faire décoller son premier avion pendant l'année sous revue. L'Office fédéral de l'aviation civile a en effet jugé incomplet le dossier qui lui avait été soumis: presse des 19.9, 7.10, 25.10 et 11.11.97.77
[78] Presse du 26.9.97.78
[79] BO CE, 1997, p. 507 ss. Voir également APS 1996, p. 199.79