Année politique Suisse 1997 : Infrastructure, aménagement, environnement / Protection de l'environnement
 
Protection des sites et de la nature
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Droit de recours des organisations
Le Conseil fédéral a procédé à la consultation des milieux intéressés concernant son intention d'élargir la liste des organisations de protection de l'environnement auxquelles est reconnue la qualité de recourir en matière de préservation de la nature. La volonté des autorités fédérales d'étendre ce droit à neuf nouvelles organisations, dont Greenpeace Suisse et l'association "Médecins en faveur de l'environnement", a néanmoins rencontré l'opposition des milieux économiques - Vorort en tête - qui ont redouté que cette disposition se traduise par une recrudescence des oppositions à l'encontre de projets de construction [44].
Persuadé du bien-fondé de ce type de procédure, le gouvernement a par ailleurs proposé de rejeter une motion déposée par le conseiller national Hans Fehr (udc, ZH). Fort du soutien de 85 cosignataires, le député zurichois revendiquait la suppression du droit de recours des associations - en particulier des organisations écologistes - en matière de constructions et de planification, prétextant que ce dernier freine par trop le développement économique et la création d'emplois. Dans sa réponse, le Conseil fédéral a argué que cet instrument a fait ses preuves du fait qu'il constitue une incitation à mieux tenir compte de la législation environnementale. En outre, le gouvernement a tenu à préciser qu'une petite partie seulement des oppositions et des recours déposés à l'encontre de projets proviennent des organisations environnementales, la plupart émanant de particuliers, des communes et des cantons [45].
La Ligue pour la protection de la nature (LSPN) a été rebaptisée "Pro Natura". Bien plus qu'une simple mesure cosmétique, ce changement de nom symbolise la volonté de l'association écologiste d'élargir et de renforcer son champ d'activités. Celui-ci couvrira à l'avenir les quatre domaines suivants: la protection de la nature, la politique de la protection de l'environnement, l'éducation et la sensibilisation ainsi que les relations publiques. En outre, "Pro Natura" entend renforcer ses collaborations avec des organisations partenaires, notamment à l'échelon international [46].
L'OFEFP, l'Association suisse de l'industrie gazière et l'Association suisse des sables et graviers ont conjointement mis sur pied la "Fondation Nature et Economie". Doté d'un capital de 1,2 million de francs dont le tiers est supporté par la Confédération, cet organe s'est fixé pour objectif d'assurer la diversité de la faune et de la flore en faisant verdir à cet effet un dixième des sites industriels et commerciaux de Suisse d'ici l'an 2000, soit une surface de quelque 25 km2. Le président de cette fondation, le conseiller national Christoph Eymann (pl, BS) a évalué entre 60 et 100 millions de francs le volume des investissements nécessaires à cette action [47].
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Protection des zones humides
Dix ans après l'acceptation par le souverain de l'"Initiative Rotenthurm" relative à la protection des marais, les organisations de protection de l'environnement WWF et Pro Natura ont estimé que sa concrétisation laisse pour l'heure à désirer. Reconnaissant que l'initiative a permis de sauver de nombreux sites marécageux, les deux associations ont toutefois déploré le fait que plusieurs cantons ne respectent pas les délais d'application de la protection des tourbières et des bas marais. Dans l'optique de combler ces lacunes, le WWF et Pro Natura ont publié un manifeste requérant l'allocation de 25 millions de francs par année pour la protection des sites marécageux [48].
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Convention sur la protection des Alpes
L'attitude conciliante adoptée en 1996 par les cantons de montagne à l'égard de la Convention alpine a permis une rapide avancée du processus de ratification de cet accord. Réunis à la fin du mois de mars dans le cadre du groupe de travail paritaire Confédération-cantons alpins, les représentants des deux parties ont oeuvré conjointement à la finalisation du message relatif à la convention ainsi qu'à ses cinq protocoles d'application: "aménagement du territoire et développement durable", "agriculture de montagne", "protection de la nature et entretien des paysages", "forêts de montagne" et "tourisme". Après avoir été formellement approuvé par la majorité des exécutifs des cantons alpins à l'occasion d'une conférence qui se tint en mai à Sarnen (OW), le message sur la Convention alpine et sur ses protocoles additionnels a été transmis aux Chambres fédérales au début du mois de septembre. Conformément aux grands principes énoncés à Arosa (GR) en 1996, ce document mentionne à maintes reprises la volonté du Conseil fédéral de tenir compte de façon équilibrée tant de la protection de l'espace alpin que de son exploitation par les populations résidantes lors de la mise en oeuvre de l'accord. Par ailleurs, le message précise que l'application de la convention et de ses cinq protocoles sectoriels ne nécessitera la modification d'aucune loi ou ordonnance en vigueur à l'échelon national, les bases juridiques helvétiques satisfaisant d'ores et déjà à l'ensemble des exigences imposées par le traité. Enfin, les autorités fédérales ont tenu à souligner que la ratification de la convention par la Suisse n'entraînera aucun transfert de compétences entre la Confédération et les cantons concernés qui, au demeurant, seront responsables de son exécution dans une très large mesure. Hormis ces considérations d'ordre général en l'absence desquelles les cantons alpins auraient refusé d'apporter leur soutien à cet accord, le message du Conseil fédéral rappelle que ce traité vise à conserver de manière durable les multiples fonctions de l'espace alpin en tant que cadre de vie, espace naturel à protéger et zone économique. Au vu de la généralité des dispositions consacrées par la convention, cinq protocoles sectoriels ont été conclus par les parties contractantes dans les domaines énoncés ci-dessus. Trois protocoles additionnels relatifs aux transports, à la protection des sols et à l'énergie sont par ailleurs en cours de négociations.
Ces développements dans le sens d'une rapide ratification de la convention par la Suisse ont cependant été subitement stoppés par une décision de la Commission de l'environnement du Conseil national. Par 15 voix contre 10, celle-ci a en effet adopté une proposition recommandant de ne poursuivre l'examen de cet accord qu'une fois que les lois sur l'aménagement du territoire et sur l'énergie seront entrées en vigueur, ce qui pourrait dès lors se traduire par un retard de plus d'une année sur le calendrier de ratification arrêté en 1996 si la Chambre du peuple venait à satisfaire cette requête. Bien que motivée officiellement par la volonté de ne ratifier un accord international qu'une fois connu l'ensemble des dispositions du droit interne qui s'y rapportent, cette décision émanant des rangs bourgeois a en fait été interprétée comme une manoeuvre stratégique visant à contraindre l'aile rose-verte du parlement à accepter la révision de la loi sur l'aménagement du territoire, sous peine de renvoyer la ratification de la Convention des Alpes aux calendes grecques [50].
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Protection du paysage
Ouverte en 1996 auprès des milieux de l'administration fédérale, des cantons, des partis politiques et des organisations directement concernées, la procédure de consultation relative au projet "Conception paysage suisse" a été étendue en début d'année à l'ensemble de la population suisse. Ce document - qui trouve ses fondements légaux dans les lois sur la protection de la nature et du paysage et sur l'aménagement du territoire - a pour but d'établir les bases d'un développement durable du paysage. A cette fin, le concept construit sous l'égide de l'OFEFP autour des mots d'ordre "conserver" et "valoriser" table sur la fixation d'objectifs et l'adoption de mesures dans des domaines aussi divers que le tourisme et les loisirs (restrictions concernant les installations de transports), l'agriculture (retrait de 65 000 hectares de la production intensive), les transports (promotion des transports publics, des sentiers pédestres et des pistes cyclables), la sylviculture (détermination de zones forestières protégées), les constructions fédérales, l'énergie, l'aménagement du territoire, la politique régionale, l'utilisation de la force hydraulique, l'aménagement des cours d'eau, l'aviation civile, la défense nationale ainsi que la protection de la nature, du paysage et du patrimoine à proprement parler. Contraignante pour la Confédération, la "Conception paysage suisse" ne vise en revanche qu'à orienter l'action des cantons dans les domaines où ceux-ci sont compétents.
Les opinions des acteurs ayant pris part à la procédure de consultation ont été pour le moins contrastées: Si la grande majorité des cantons a globalement salué le projet des autorités moyennant certaines nuances, les deux Appenzell, Nidwald, Vaud, Zug, Zurich et les Grisons l'ont toutefois rejeté, craignant que celui-ci n'empiète de manière trop importante sur les prérogatives cantonales. Sur les 67 organisations consultées, 43 d'entre elles ont apporté leur soutien au concept de l'OFEFP. Les 24 organisations restantes ont pour leur part témoigné une antipathie plus ou moins prononcée à son égard, les plus critiques se recrutant parmi les milieux économiques (Vorort, USAM, Centre patronal) et les associations d'automobilistes (TCS et ACS). Quant aux partis politiques, seuls les libéraux ont catégoriquement refusé d'entrer en matière sur les propositions des autorités fédérales. Ce rejet cinglant a d'ailleurs été relayé à l'échelon parlementaire via le dépôt d'une interpellation du conseiller national F. Leuba (pl, VD). Les griefs formulés par ce dernier ont principalement porté sur la faiblesse de la base légale à partir de laquelle a été développé ce concept, sur sa compatibilité avec le programme de revitalisation de l'économie suisse ainsi que sur les coûts qu'il induira [51].
Dans le courant du mois de décembre, le gouvernement a fait part de sa décision d'étoffer une quatrième et dernière fois l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d'importance nationale. Ainsi, 9 nouveaux sites dignes de protection y seront inscrits à partir du 1er avril 1998, portant à 161 le nombre des objets contenus dans cet inventaire [52].
La Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national a décidé par 14 voix contre 2 de déposer une initiative parlementaire demandant que le fonds pour la protection du paysage en Suisse - approuvé par les Chambres fédérales à l'occasion du 700e anniversaire de la Confédération - soit réactivé pour une nouvelle période de dix ans à partir de l'an 2001. Une seconde enveloppe de 50 millions de francs a été requise à cet effet [53].
A l'initiative du nouveau directeur du Parc national, Heinrich Haller, la surface de celui-ci devrait tripler à l'horizon de l'an 2000. A cette fin, un projet prévoyant l'établissement d'une zone mixte d'exploitation durable et de protection attenante au domaine actuel a été mis sur pied [54].
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Protection des espèces
La Conférence des Etats parties à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) qui s'est tenue en juin à Harare (Zimbabwe) a été à l'origine d'une vive polémique entre la Confédération et Greenpeace Suisse. Critiquant l'attitude de la Suisse durant cette réunion, l'association écologiste s'en est ouvertement prise au chef de la délégation helvétique, Peter Dollinger, l'accusant de favoriser la disparition d'espèces menacées et exigeant en conséquence sa démission immédiate. Plus précisément, Greenpeace a reproché à la délégation suisse d'avoir non seulement émis des réserves à la protection de 18 espèces menacées, mais surtout d'avoir voté une levée partielle du moratoire sur le commerce de l'ivoire provenant des défenses d'éléphants. Faisant l'objet d'une campagne d'affichage dirigée contre lui, le haut fonctionnaire fédéral a alors décidé de porter plainte contre ses détracteurs. Ceux-ci n'ont toutefois pas désarmé puisqu'ils ont fait parvenir une pétition munie de 15 000 signatures aux autorités fédérales exigeant que la Suisse modifie sa politique en matière de protection des espèces. Saisie de l'affaire à deux reprises, la justice bernoise a pour sa part fait interdire la campagne d'affichage à l'encontre du haut fonctionnaire à titre de mesure provisionnelle [55].
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Protection du patrimoine
Dans le cadre des réflexions menées sur la Nouvelle péréquation financière, le groupe de travail chargé de plancher sur la conservation des monuments historiques et la protection du patrimoine culturel a émis une proposition en vertu de laquelle ce domaine pourrait à terme être placé sous la seule responsabilité des cantons. Ce désenchevêtrement des compétences - qui permettrait à la Confédération d'économiser quelque 34 millions de francs par année - a cependant été vivement rejeté, tant par les conservateurs cantonaux que par l'Office fédéral de la culture [56].
Les Chambres fédérales ont décidé de classer une pétition de l'association "Action patrimoine vivant" concernant la restauration du Palais Wilson à Genève. Inquiets de la façon avec laquelle les travaux de réfection sont menés, les auteurs de ce texte demandaient au parlement d'intervenir pour que la restauration du bâtiment se fasse dans le respect des principes reconnus de la protection du patrimoine. Sur la base d'un examen attentif effectué par la Commission des constructions publiques du Conseil national, les députés des deux Chambres ont estimé que les craintes exprimées par l'association étaient d'ores et déjà prises en considération dans la conduite des travaux [57].
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Catastrophes naturelles
Pour la première fois, des formations militaires suisses et françaises ont accompli un exercice commun de lutte contre les catastrophes naturelles destiné à développer la coopération et la coordination transfrontalières. Le scénario envisagé à cette occasion a porté sur un séisme dans la région d'Annecy nécessitant des actions dans les domaines du sauvetage de personnes ensevelies et de la protection face à la montée des eaux du Rhône. Quelque 500 militaires helvétiques ont été engagés dans cet exercice [58].
Au début du mois de mai, le Conseil fédéral a nommé une commission spécialisée dans le domaine des catastrophes naturelles en vue d'en améliorer la prévention. Composé de 19 membres issus des milieux de la science, de l'administration et de l'économie, cet organe de conseils a reçu pour mandat d'établir une analyse et un inventaire des risques auxquels est confrontée la population helvétique [59].
En collaboration avec l'Institut de recherche Kurt-Bösch de Bramois (VS), le Centre de recherche sur l'environnement alpin (Crealp) de Sion et l'Institut fédéral de recherche sur la forêt, la neige et le paysage, les autorités valaisannes ont décidé de créer le Centre alpin universitaire pour les dangers naturels (Cadana). Situé à Sion, cet établissement aura pour tâche de dispenser une formation continue à des non-universitaires afin de mieux coordonner la prévention et la recherche en la matière [60].
Dans un arrêt rendu dans le courant du mois d'avril, le Tribunal fédéral a déclaré que les hommes et les femmes doivent être traités de manière égale devant l'obligation de servir dans la lutte contre le feu. Le fait d'astreindre les seuls citoyens masculins d'une commune à ce service ou à un impôt de remplacement a en effet été jugé contraire au principe de l'égalité des sexes [61].
 
[44] NQ, 4.7.97; SN, 3.9.7; presse du 2.10.97; NZZ, 15.10.97. Cf. aussi APS 1995, p. 212.44
[45] Délib. Ass. féd., 1997, IV, partie II, p. 117; presse des 3.9 et 1.10.97.45
[46] Presse du 7.5.97.46
[47] Presse du 15.3.97; NZZ, 7.7.97.47
[48] SGT, 5.12.97; presse du 6.12.97; NZZ, 22.12.97. Voir également APS 1987, p. 177.48
[50] Presse du 23.10.97; BüZ, 27.10.97; TA, 31.12.97.50
[51] NZZ, 18.2 et 12.7.97; BüZ, 18.4.97; SGT, 25.4.97; NLZ, 20.5.97; Délib. Ass. féd., 1997, IV, partie II, p. 106 s. (interpellation Leuba).51
[52] BaZ et NZZ, 24.12.97. Cf. également APS 1996, p. 220 s.52
[53] Délib. Ass. féd., 1997, V, partie I, p. 31; NZZ, 14.11.97. Voir aussi APS 1991, p. 198 s. et 1996, p. 221.53
[54] BüZ, 10.4, 12.7, 14.7 et 27.12.97; TA, 25.7.97; SGT, 4.9.97; BZ, 10.9.97; BaZ, 30.10.97. Cf. également APS 1995, p. 210.54
[55] Presse des 3.6, 15.7 et 14.8.97; NQ, 21.7.97; TA, 19.7, 24.7, 2.8 et 8.8.97; Bund, 14.10.97. Il est à relever que le CE a décidé de prendre acte de la pétition de Greenpeace Suisse sans toutefois y donner suite: BO CE, 1997, p. 1369 ss.55
[56] JdG et Lib., 18.9.97; BaZ, 11.11.97.5
[57] BO CN, 1997, p. 513 s.; BO CE, 1997, p. 708.57
[58] Presse du 3.7.97; NF, 14.8.97.58
[59] Bund, 2.5.97.59
[60] 24 Heures et JdG, 18.4.97.60
[61] Presse du 14.5.97.61