Année politique Suisse 1998 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Organisations internationales
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ONU
Lors d’une session spéciale, l’assemblée générale de l’ONU a sollicité la mise en place par la Suisse d’une commission d’experts chargée d’étudier la politique d’implantation de colonies menées par Israël. Cette requête de l’ONU a fait suite à l’adoption d’une résolution condamnant la politique de l’Etat hébreu et exigeant l’application de la quatrième Convention de Genève (protection de la population civile en temps de guerre) dont la Suisse est dépositaire. Le Conseil national a transmis à ce sujet un postulat de sa Commission de politique étrangère (CPE) qui demandait également que dans le cadre du processus de paix, le Conseil fédéral débloque un crédit permettant de poursuivre la coopération au développement ainsi que l’aide humanitaire avec la Palestine. Le gouvernement a toutefois précisé que la poursuite du programme spécial en faveur de la Palestine était intégrée dans la planification financière de la DDC et ne ferait pas l’objet d’un nouveau crédit [27].
Traités simultanément lors d’un débat collectif au Conseil national, une motion Gysin (prd, BL) demandant l’adhésion de la Suisse à l’ONU et un postulat Gross (ps, ZH) réclamant l’établissement d’un rapport sur les relations entre les deux entités ont permis de clarifier les positions des différents partis sur le sujet. Du côté des opposants à l’adhésion à l’ONU, la droite nationaliste, soutenue par plusieurs membres des trois partis gouvernementaux de droite, ont notamment argué du respect de la volonté populaire exprimée en 1986. Les partisans ont eux rappelé que la Confédération pourrait mieux défendre ses buts de politique étrangère en faisant partie de l’organisation. En votation finale, les députés ont accepté la motion Gysin par 98 voix contre 35 et le postulat Gross par 106 voix contre 25. Le Conseil des Etats a suivi l’avis de la grande chambre et a transmis la motion du radical bâlois [28].
En réponse au postulat Gross, le Conseil fédéral a rendu un rapport sur les relations entre la Suisse et l’Organisation des Nations Unies (ONU). Il y a confirmé qu’il souhaitait réaliser l’objet stratégique de l’adhésion à l’ONU aussi rapidement que cela était politiquement possible. Depuis le refus par le peuple de l’arrêté fédéral sur l’adhésion de la Suisse à l’ONU en 1986, les relations avec le système onusien ont été nombreuses. En matière de politique de la paix, la Confédération s’associe depuis 1990 à titre autonome aux sanctions économiques de l’ONU. Elle a également augmenté le personnel et l’aide qu’elle met à disposition de l’organisation (diplomates, experts pour l’UNSCOM, unités sanitaires, observateurs, inspecteur général de la FORPRONU, avions, contributions financières, organisation de cours de formation) et accordé des droits de survol à la FORPRONU et à l’IFOR / SFOR lors de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Depuis, 1996, la Suisse est aussi membre de plein droit de la Conférence de Genève sur le désarmement, une institution créée sur mandat de l’ONU. Elle a organisé des pourparlers de paix sous son égide et détient encore, sur le plan des bons offices, cinq mandats de protection. A Genève, elle a aussi inauguré cette année un Centre de déminage censé principalement soutenir l’ONU dans son action. Sur le plan des droits de l’homme, la Suisse a adhéré aux principales conventions et dans le cadre de l’ONU, a même participé à l’élaboration de certaines d’entre elles. Elle a joué un rôle actif au sein de la Commission des droits de l’homme et s’est vu confié plusieurs mandats de rapporteur spécial. Elle met également à disposition des Nations Unies des moyens financiers et humains (experts, observateurs) et soutient les tribunaux institués par l’ONU pour juger les criminels de guerre. Concernant l’accroissement de la prospérité commune et la réduction des inégalités, la Confédération soutient fortement les programmes d’aide humanitaire de l’ONU et leur consacre un tiers de son aide humanitaire totale (notamment PNUD, FNUAP, UNICEF). L’octroi de ces sommes – correspondant à 70% de ses dépenses au sein du système onusien – permet à la Suisse d’être presque toujours membre de plein droit des conseils d’administration des institutions concernées. Dans le domaine économique, la Suisse est membre à part entière de la CEE/ONU. Elle est également un pivot des relations entre l’ONU et l’économie privée de par les nombreuses institutions qu’elle héberge. Au sujet de la protection du milieu naturel, la Confédération a renforcé sa présence dans différentes institutions de l’ONU (Commission du développement durable, Bureau du PNUE) et a été une partenaire active à plusieurs reprises (Convention de Bâle, Sommet de la Terre, session spéciale Rio +5). Elle est aussi signataire de diverses autres conventions ayant trait à la protection de l’environnement.
Le rapport dresse un constat insuffisant du statut d’observateur que la Suisse fut la première à obtenir en 1948. Seul le Saint-Siège et de petits Etats du pacifique se trouvent actuellement dans une position similaire. Par contre, de plus en plus d’ONG et d’OI bénéficient de ce statut, ce qui marginalise encore plus la Confédération comme Etat observateur. Malgré des contributions substantielles (470 millions de francs suisses en 1997), le Conseil fédéral a rappelé que la Suisse n’a pas accès à de nombreux organes et ne peut ni voter ni intervenir lors des discussions du budget. Le gouvernement met également en garde contre les conséquences d’une non-adhésion à l’ONU pour la Genève internationale, face à l’émergence de nouveaux centres internationaux. Sur l’épineux problème de la neutralité, il précise clairement que l’appartenance à l’ONU y est compatible sans réserves et d’ailleurs reconnue et respectée par l’organisation et ses membres. Pour conclure, le rapport explique que les buts poursuivis par l’ONU coïncident avec ceux de la Suisse et qu’elle peut y trouver un lieu de réalisation de ses objectifs et de défense de ses intérêts. Selon le Conseil fédéral, la Confédération assume actuellement la plupart des obligations d’un membre sans bénéficier des droits essentiels [29].
Le «Comité d’initiative pour l’adhésion de la Suisse à l’ONU» a lancé une initiative populaire «pour l’adhésion de la Suisse à l’organisation des Nations Unies (ONU)». Ce comité intégrant notamment plusieurs parlementaires démocrates-chrétiens, radicaux et socialistes a jusqu’au 8 mars 2000 pour récolter 100’000 signatures. Un sondage paru au mois de mai laissait en tout cas percevoir un préavis favorable au sein de la population. Les personnes interrogées étaient favorables à 57,6% à une adhésion de la Suisse à l’ONU et rejetaient cette possibilité à 26,1%. Les 16,7% restants étaient indifférents à la question ou ne savaient pas. Par ailleurs, le Président de la Confédération Flavio Cotti a déclaré que le Conseil fédéral soutenait cette initiative [30].
L’arrêté fédéral concernant la convention de la CEE/ONU sur les effets transfrontières des accidents industriels a été accepté sans opposition par le Conseil national. Signée par le Conseil fédéral en 1992, cette convention vise à prendre les mesures nécessaires à la protection des êtres humains et de l’environnement contre les accidents industriels pouvant avoir des effets transfrontières. Elle a aussi pour but de promouvoir la coopération internationale en la matière et comprend quelques obligations de collaboration pour les cantons avec les autorités des régions frontalières [31].
La Suisse a largement soutenu la création d’une Cour pénale internationale lors d’une conférence qui s’est déroulé à Rome. A l’issue de celle-ci, le statut de la Cour a été adopté par 120 votes contre 7 (Chine, Etats-Unis, Irak, Israël, Libye, Qatar, Yémen). A ce sujet, la Confédération a inculpé un ressortissant rwandais de crime contre l’humanité. Elle sera ainsi le premier pays occidental à juger un criminel de guerre rwandais, puisque le Tribunal pénal pour le Rwanda, basé en Tanzanie, n’a pas demandé son extradition. En effet, cette cour onusienne était d’une part surchargée et d’autre part n’a démontré que peu d’intérêt pour cet accusé considéré par certains comme de «seconde catégorie». Initialement prévu à la fin de l’année devant la justice militaire helvétique à Lausanne, le procès se déroulera en 1999 suite à un délai requis par la défense [32].
La grande chambre a rejeté par 47 voix contre 31 une motion Ziegler (ps, GE) qui demandait que la Suisse prenne des mesures contre la nomination de l’ambassadeur iranien Sirous Nasseri à la présidence du Comité diplomatique des Nations Unies à Genève. Ce dernier avait été fortement suspecté d’avoir participé en 1990 à Coppet (VD) à l’assassinat du professeur Kazem Radjavi par les services secrets de son pays. La discussion sur cette motion intervenant après que le diplomate contesté ait quitté son poste aux Nations Unies et la mission iranienne de Genève, elle avait quelque peu perdu de sa substance. Sans succès, le socialiste genevois a toutefois tenté de la maintenir, arguant qu’ainsi la Suisse ne serait plus obligé d’accueillir sur son territoire des criminels bénéficiant de l’immunité diplomatique [33].
 
[27] BO CN, 1998, p. 1527; NZZ, 19.3.98.27
[28] BO CN, 1998, p. 1054 ss.; BO CE, 1998, p. 1115 ss.28
[29] FF, 1998, p. 4606 ss.; presse du 2.7.98.29
[30] FF, 1998, p. 3819 ss.; presse du 6.5 et 9.9.98; LT, 25.5.98 (sondage); Lib., 21.8.98 (soutien du CF).30
[31] FF, 1998, p. 4791 ss.; BO CN, 1998, p. 2619 ss.31
[32] LT, 25.7 et 23.10 (Rwandais), 24.8.98 (Rome).32
[33] BO CN, 1998, p. 374 s.33