Année politique Suisse 1998 : Economie / Agriculture / Politique agricole
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Initiative populaire du VKMB
Le peuple suisse a rejeté en septembre l’initiative «pour des produits alimentaires bon marché et des exploitations agricoles écologiques» lancée par le VKMB (Association des petits et moyens paysans) et à laquelle les chambres fédérales, le gouvernement et la majorité des partis politiques s’étaient fermement opposés. Plusieurs organisations écologiques avaient même décidé de ne pas la soutenir. Il faut dire que les autorités mettaient simultanément sous toit le concept de «Politique agricole 2002» qui abondait dans le même sens, mais de façon plus mesurée. Seuls les Démocrates suisses et le Parti écologiste suisse ont combattu pour l’acceptation du projet, le PS préférant pour sa part laisser la liberté de vote. Déposée en 1994, cette initiative demandait notamment que la tendance à la libéralisation du marché soit accentuée et que les paysans se reconvertissent à une agriculture plus écologique. Pour les inciter à faire le pas, le projet prévoyait que la politique des revenus paysans ne soit plus réalisée qu’à l’aide de paiements directs d’un maximum de 50 000 francs par exploitation, à condition que soient utilisées des méthodes respectueuses de la nature et des animaux. Quant aux mesures de protection contre les produits étrangers, elles auraient désormais été limitées aux simples droits de douane [6].
Cette initiative a provoqué une véritable levée de boucliers chez la grande majorité des agriculteurs. Un peu partout dans la campagne suisse on a vu apparaître des calicots ou des NON géants construits avec des bottes de paille. Le monde paysan, malgré des moyens financiers trois fois moins importants – selon les chiffres articulés dans la presse – que ceux des initiants soutenus par la maison Denner, a conduit une campagne extrêmement active. Au fil des mois précédant la votation, les écologistes et le président du PES Ruedi Baumann en tête se sont peu à peu distancés du grand distributeur, revenant même sur des déclarations de ce dernier. L’initiative a finalement été largement rejetée par 1 793 591 non (77%) contre 535 873 oui (23%), ainsi que par la totalité des cantons. La Suisse romande avec cinq cantons (VD, JU, VS, FR, NE) dépassant les 80% de non et la Suisse centrale avec quatre cantons (OW, NW, SZ, LU)ont été particulièrement vigoureuses dans leur refus [7].
Initiative populaire «pour des produits alimentaires bon marché et des exploitations agricoles écologiques»
Votation du 27 septembre 1998

Participation: 52%
Oui: 535 873 (23,0%) / 0 canton
Non: 1 793 591 (77,0%) / 20 6/2 cantons

Mots d'ordre:
Oui: PES (1*), DS (1*), Lega.
Non: PRD, PDC, UDC, PL, AI (1*), UDF, PdL, PEP, PCS, Vorort, USP, USAM, FSE.
Liberté de vote: PS (5*).

(* Recommandations différentes des partis cantonaux.)
L’analyse Vox a mis en évidence que l’initiative n’avait trouvé un écho favorable au sein d’aucune catégorie spécifique de la population. Les sympathisants du PDC, de l’UDC et du PRD ont suivi largement la consigne de vote négative de leur parti, alors que les sympathisants du PS ont également rejeté l’initiative, mais plus faiblement. C’est sur la gauche de l’échiquier politique que l’initiative a recueilli le plus de voix. Les caractéristiques socio-démographiques habituelles (âge, sexe, formation, salaire, résidence, région linguistique, etc.) ne permettent pas d’expliquer le comportement de vote. Parmi les personnes ayant voté oui, c’est l’argument de soutien aux petits paysans qui est le plus entré en ligne de compte pour la prise de décision. Par contre, le fait que l’entreprise Denner ait soutenu l’initiative semble avoir nui à celle-ci. Pour ce qui est des motivations des non, c’est le soutien aux paysans en général qui est ressorti du sondage. Une large frange des opposants a aussi exprimé qu’elle préférait la politique des autorités fédérales en la matière. Une analyse statistique mesurant le poids relatif des arguments a, en fin de compte, montré que les votants étaient restés sceptiques face à l’initiative et que c’était surtout les arguments «contre» qui avaient convaincu [8].
 
[6] Voir APS 1997, p. 131 s. (projet); cf. infra (analyse Vox).6
[7] Presse de août et septembre (campagne); LT, 19.8.98 (Baumann); FF, 1998, p. 4852 et 4854 et presse du 28.9.98 (résultats).7
[8] M. Delgrande / W. Linder, Vox: Analyse des votations fédérales du 27 septembre 1998, Berne 1998.8