Année politique Suisse 1998 : Economie / Agriculture / Politique agricole
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Nouvelle politique agricole
Le nouveau concept «Politique agricole 2002» a continué en 1998 son parcours devant les chambres fédérales. Le Conseil des Etats est entré en matière sans opposition en tant que deuxième chambre sur la loi fédérale sur l’amélioration de l’agriculture. S’agissant de l’examen de détail, il a apporté quelques 58 modifications à la version du Conseil national, revenant dans l’ensemble à une vision moins protectionniste de l’agriculture et plus proche des règles du marché et de l’écologie.
Dans ses corrections les plus importantes, la petite chambre a jugé tout d’abord que les enveloppes budgétaires votées par le parlement pour une période de quatre ans doivent être contraignantes. A savoir que contrairement à ce qu’avait désiré le Conseil national, le Conseil fédéral n’a pas la possibilité de transférer des crédits au sein d’une enveloppe budgétaire globale. Ainsi, des fonds destinés aux paiements directs ne peuvent, par exemple, pas être engagés pour des mesures de soutien du marché. Autre rectification de taille apportée par les sénateurs: dans un délai de cinq ans après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, les mesures de soutien au marché diminueront d’un tiers, ce qui représente une économie de quelques 400 millions de francs sur les 1200 millions affectés à cet usage en 1998. Concernant l’économie laitière, les conseillers aux Etats sont revenus sur une modification du projet du gouvernement effectuée par le National quant à une éventuelle réduction des contingents laitiers rendue nécessaire par une adaptation au marché. Une telle réduction ne donne, selon eux, pas droit à une indemnisation. Par contre, un supplément versé aux producteurs qui fabriquent du fromage sans ensilage a été maintenu par 22 voix contre 15, conformément à la volonté de la première chambre, mais contre l’avis du Conseil fédéral. Sur le plan des paiements directs, une proposition socialiste de la minorité de la commission de l’économie et des redevances (CER) de réduire les paiements directs à partir d’une fortune imposable de 700 000 francs ou d’un revenu de 80 000 francs a finalement été retirée et à l’opposé, la tentative des protectionnistes de maintenir des prix-seuils garantis par la Confédération a également échoué. C’est finalement à l’unanimité (27 voix) que le Conseil des Etats s’est prononcé en faveur de l’ensemble du projet et l’a transmis à la chambre du peuple [9].
A ce stade de l’élimination des divergences, la CER a proposé au Conseil national d’adhérer à 38 modifications, de camper sur sa position initiale pour 8 autres et de rectifier à son tour 12 points modifiés par le Conseil des Etats. Concernant les points sensibles, la grande chambre s’est rallié à ce dernier sur la diminution d’un tiers en cinq ans des mesures de soutien au marché. Des propositions de la gauche de réduire celles-ci de moitié, voir complètement à terme, n’ont pas trouvé grâce devant l’assemblée. La majorité a estimé nécessaire de prévoir une phase de transition suffisante pour s’adapter aux nouvelles structures, mais n’a pas désiré non plus en faire davantage que les pays de l’UE qui pratiquent également des mesures de soutien au marché. Le Conseil national n’a pas non plus suivi l’avis du gouvernement et de la petite chambre sur le sujet des contingents laitiers par 71 voix contre 60, n’entérinant pas la possibilité pour le Conseil fédéral d’exclure des transferts les contingents qui ne sont pas utilisés et de les réduire en cas de besoin. Sur le thème des paiements directs, il a confirmé la version du Conseil des Etats qui a apporté une exigence supplémentaire à l’octroi de ces paiements, à savoir des conditions de détention convenables pour les animaux de rente. Par contre, le Conseil national s’est opposé à l’attribution d’une enveloppe budgétaire pour une période de quatre ans qui ne permette pas au Conseil fédéral d’opérer des transfert de crédits entre différents secteurs. Il a également refusé par 82 voix contre 55 de suivre la chambre des cantons via une proposition de minorité Schmid (udc, BE), se prononçant pour une attribution de contributions écologiques qui concerne toutes les exploitations. Enfin, le Conseil national s’est déterminé en faveur de la minorité Binder (udc, ZH), qui désirait inscrire dans la loi l’obligation de prouver que la viande importée provient d’animaux affouragés sans antibiotiques comme stimulateurs de performance [10].
Il a fallu ensuite encore deux lectures devant le Conseil des Etats, une devant le Conseil national et une conférence de conciliation pour éliminer les dernières divergences. Concernant l’attribution d’une enveloppe budgétaire, c’est finalement la version plus stricte de la chambre des cantons qui l’a emporté. Sur les contributions écologiques, toutes les exploitations pourront en bénéficier, mais sous certaines conditions. Sur la question des contingents laitiers, la chambre du peuple s’est aussi ralliée à la vision initiale du gouvernement. A propos du thème des matières auxiliaires de l’agriculture, il a finalement été retenu que l’importation de celles-ci devait être libre. Quant à l’importation de viande produite sans antibiotiques, c’est en fin de compte la version plus souple du Conseil des Etats qui a prévalu, ceci afin d’éviter une interdiction totale d’importation pour certains produits qui aurait pu conduire à une violation des traités internationaux. Le Conseil national a finalement accepté la loi fédérale sur l’amélioration de l’agriculture par 102 voix contre 48 (PS et Verts) et 20 abstentions. Le Conseil des Etats a fait de même à l’unanimité [11].
Le passage d’une agriculture sous contrôle étatique à une situation plus proche de l’économie de marché est mise en évidence par la diminution du nombre d’ordonnances d’application de 106 à 56. Dans le secteur du lait notamment, le nombre d’articles fond de 831 (1989) à 176 (1999) et sera finalement de 133 en 2003 [12].
Deux projets de modification de loi compris dans le message du gouvernement relatif à la «Politique agricole 2002» se trouvaient également devant le parlement en 1998. L’objectif commun de ces deux projets était d’assouplir certaines mesures de politique structurelle et d’accorder ainsi une plus grande autonomie aux agriculteurs dans la gestion de leur entreprise. Celui concernant la loi fédérale sur le droit foncier rural a finalement été accepté par le Conseil national sur le score de 114 voix contre 57 (PS et Verts) et à l’unanimité par le Conseil des Etats. L’autre modification concernant la loi fédérale sur le bail à ferme agricole a été adoptée en vote final par 119 voix contre 55 dans la chambre basse et à l’unanimité dans la chambre des cantons [13].
 
[9] BO CE, 1998, p. 116 ss. et 146 ss. Voir également: APS 1997, p. 132 ss. (débat) et 1996, p. 128 s. (message); presse du 23.1.98; 24 Heures, 18.2.98.9
[10] BO CN, 1998, p. 295 ss.; presse du 5.3.98.1
[11] BO CN, 1998, p. 636 ss., 694 s. et 966 ss.; BO CE, 1998, p. 340 ss., 428, 444 et 500 ss.11
[12] LT, 16.6.98.12
[13] BO CN, 1998, p. 1638 s.; BO CE, 1998, p. 840.13