Année politique Suisse 1998 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Trafic routier
L'
initiative
populaire «Pour un dimanche sans voitures par saison – un essai limité à quatre ans» a formellement
abouti en juin avec 111 718 signatures. L'initiative demande que quatre dimanche par année, de 4 heures à 24 heures, la population puisse librement disposer de toutes les places et voies publiques qui seront fermées au trafic motorisé privé. Si l’initiative était acceptée, après l’essai de quatre ans le peuple devrait se prononcer à nouveau sur l’article constitutionnel pour décider s'il sera définitif
[12].
Le
référendum contre la loi fédérale du 19 décembre 1997 concernant une redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP), lancé par l'Association Suisse des transports routiers (ASTAG), a
abouti au mois d'avril avec 189 707 signatures
[13].
Par conséquent, en septembre, les citoyens helvétiques ont été appelés à se prononcer sur la RPLP. Cette redevance est liée à la charge transportée et à la distance parcourue. Elle doit remplacer la taxe actuelle (un montant forfaitaire par année) dès 2001.
C'est avec une majorité de 57,2% que le peuple a accepté la RPLP, et avec 14 cantons et 4 demi,
au terme d'une campagne très disputée et d'un scrutin marqué par un taux de participation élevé. Les résultats de la votation ont montré un clivage entre les communes urbaines et les communes rurales. Les villes se sont prononcées nettement en faveur de la redevance (64% de oui), alors que les communes rurales l'ont franchement rejetée (45% de oui). Contrairement aux votations précédentes qui touchaient aussi la politique des transports, les différences entre les régions linguistiques ont été dans ce cas relativement faibles. La Suisse italienne a le plus fortement approuvé la RPLP (67%), précédant la Suisse alémanique (58%) et la Suisse romande (52%)
[14].
Loi fédérale concernant une redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP)
Votation du 27 septembre 1998
Participation: 51,0%
Oui : 1 355 735 (57,2%) / 14 4/2 cantons
Non : 1 014 370 (42,8%) / 6 2/2 cantons
Mots d'ordre:
– Oui : PDC (2*), PRD (13*), PS, PE, PdT, PCS, Adl, PEP; USS, UCAPS, CSC, Vorort.
– Non : UDC (1*), PL, PdL, UDF; ASTAG, USAM, Centre patronal, ACS.
– Liberté de vote : DS (4*).
* Recommandations différentes des partis cantonaux.
La campagne précédant le vote a été particulièrement intense et conflictuelle en raison de ses implications multiples et enchevêtrées. Les partisans ont estimé que la RPLP avait un rôle clé dans la politique suisse des transports, car elle permettait de rétablir l'équilibre des chances entre le rail et la route et de financer les nouvelles transversales. Ils ont rappelé que la RPLP autoriserait un désengorgement des routes et préserverait l'environnement, en réalisant le principal objectif de l'Initiative des Alpes. Les partisans ont également insisté sur le lien entre la RPLP et la politique d'intégration européenne de la Suisse. Sans la taxe, il serait impossible d'abandonner la limite des 28 tonnes et donc de signer les accords bilatéraux avec l'UE. En outre, ils ont estimé qu’un refus mettrait en péril des milliers d'emplois dans la construction, l'industrie ferroviaire et les entreprises de chemins de fer.
Dans les rangs des
opposants, l'ASTAG a axé la campagne sur les répercussions économiques de la nouvelle taxe. L’association a estimé que la RPLP provoquerait une hausse de l'imposition d'un camion de 28 tonnes, de 4000 francs actuellement à 56 000 francs par année. Selon l'association des routiers, chaque ménage suisse devrait assumer cette hausse à hauteur de 500 francs par année. A cet argument, le Conseil fédéral a répondu par ses propres estimations (des experts du DETEC): la RPLP entraînerait une charge annuelle de 11 à 55 francs par ménage et un renchérissement minime pour l'économie en raison du gain de productivité lié à l'autorisation des 40 tonnes. Les opposants ont également douté des effets de la RPLP sur le transfert de la route au rail du trafic de marchandises. Ils ont craint que la taxe ait des effets négatifs pour les régions périphériques et de montagne. Ils ont refusé aussi toute implication européenne du scrutin et redouté le non respect de l'affectation des recettes prévue par la Constitution. Finalement, les opposants ont estimé que la RPLP mettrait en danger plus de 30 000 emplois
[15].
L'analyse VOX a révélé que l'appui apporté au projet s'amenuisait à mesure que l'on se dirigeait vers l'extrême droite de l'échiquier politique. Les sympathisants du PDC ont accepté le projet dans une moins large mesure que ceux du PS et du PRD, tandis que l'UDC est parvenue à mobiliser la majorité de ses troupes contre la RPLP. Les partisans ont justifié leur vote essentiellement par l'argumentation écologique de la politique des transports et par le principe du pollueur-payeur. Ils ont mentionné, en seconde position, l'argument de l'intégration européenne, puis celui du financement des chantiers ferroviaires. Les opposants, quant à eux, ont justifié leur vote par quatre arguments de même poids: le coût élevé pour les ménages, une baisse de la situation économique suisse en général (pertes d'emplois, difficultés pour les petites entreprises), la considération de la RPLP comme un nouvel impôt et le rejet de la politique des transports dans son ensemble
[16].
Le DETEC a ouvert une
procédure de consultation relative à la révision partielle de
l'ordonnance de 1963 de la
loi sur la circulation routière. Moritz Leuenberger a exprimé son intention d'abaisser le taux maximal d'alcoolémie de 0,8 à 0,5 pour mille et de s’aligner sur la plupart des pays européens. Cette modification est de la compétence du Conseil fédéral, mais le DETEC a souhaité procéder à une consultation auprès des cantons et milieux intéressés avant que l'exécutif ne prenne sa décision. Le projet vise également à renforcer la durée du retrait de permis pour les récidivistes et à introduire des contrôles systématiques. Les propositions ont eu dans l’ensemble des échos plutôt positifs. Toutefois, la plupart des cantons et le Parti radical ont demandé un assouplissement des mesures pour les chauffeurs dont le taux d’alcoolémie se situerait entre 0,5 et 0,8 gramme pour mille. Ils ont aussi demandé que le retrait de permis ne soit envisagé qu'à partir de 0,8 pour mille. On compta parmi les opposants fermes au projet trois cantons romands (Vaud, Neuchâtel et Valais), le TCS, l'ACS, l'ASTAG, le PdL, l'UDC, Gastrosuisse et la Fédération suisse des vignerons
[17].
Le DETEC a annoncé, suite à la procédure de consultation, que la limite du
taux d’alcoolémie autorisé sera abaissée effectivement à 0,5 pour mille. Toutefois, le DETEC tiendra compte des arguments des opposants et proposera au Conseil fédéral d'instaurer des peines plus légères pour la fourchette 0,5-0,8 pour mille. La nouvelle limite du taux d'alcoolémie devrait être introduite en même temps que la révision de la loi sur la circulation routière. La date dépendra de la durée des débats au parlement et d'un éventuel référendum sur cette loi
[18].
Le Conseil national a rejeté une initiative parlementaire Steinemann (pdl, SG) demandant de modifier la loi sur la circulation routière, afin que le premier retrait de permis soit limité aux périodes de non activité pour les
conducteurs professionnels et les personnes nécessitant une voiture pour leur travail. La majorité de la CTT a rejeté cette proposition. Elle a rappelé que le Conseil fédéral présentera un message relatif à la révision partielle de la loi fédérale sur la circulation routière en 1999, et qu’il n’avait prévu aucun privilège pour des catégories spécifiques. Les conseillers nationaux ont ainsi rejeté l'initiative par 82 voix contre 77
[19].
Le Conseil national a transmis un postulat Wiederkehr (adi, ZH) réclamant des mesures contraignantes en matière d’exigences techniques pour les
véhicules toutterrain afin de
réduire le degré de gravité des accidents en cas de collision avec des piétons. La grande Chambre a également transmis un second postulat du même intervenant. Il demande de créer des catégories spéciales de permis de conduire pour les véhicules à trois roues et side-cars, en raison du nombre important d'accidents causés par ces véhicules
[20].
[12]
FF, 1998, p. 2854 ss.; presse du 2.5.98. Cf. aussi
APS 1997, p. 183.12
[13]
FF, 1998, p. 2330 s. Cf. également
APS 1997, p. 186 s.13
[14]
FF, 1998, p. 4852 s.; presse du 28.9.98;
communiqué de presse de l'OFS du 22.10.98. Voir également
APS 1997, p. 184 ss.14
[15] Presse des 5.5, 13.5, 18.5, 20.6, 14.8, 17.8 et 28.8.98;
NZZ, 30.6.98;
BZ, 12.8.98;
24 Heures, 10.9.98;
LT, 16.9.98.15
[16] M. Delgrande / W. Linder, Vox: Analyse des votations fédérales du 27 septembre 1998, Berne 1998.16
[17] Presse des 2.4 et 7.7.98;
LT, 5.8.98.17
[18] Presse du 3.10.98. Le DETEC a publié son rapport sur la procédure de consultation relative à la loi (
NZZ, 24.4.98. Cf. aussi
APS 1996, p. 181 s.).18
[19]
BO CN, 1998, p. 2789 ss.19
[20]
BO CN, 1998, p. 2204 et 2856.20
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