Année politique Suisse 1998 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Trafic aérien
Concernant le dossier «transport aérien» relatif aux négociations bilatérales, voir supra, politique des transports: relations avec l'UE.
Le Conseil des Etats s'est penché sur le message de l'exécutif concernant la révision partielle de la loi sur l'aviation. Les sénateurs se sont prononcés en faveur d'une libéralisation de la navigation aérienne et d'une ouverture à la concurrence internationale en Suisse. L'entrée en matière a été décidée sans opposition. Dans l'examen de détail, les parlementaires ont souhaité donner plus de clarté à l'octroi de concession pour les entreprises ayant leur siège en Suisse. Le Conseil national avait réclamé, dans la mesure du possible, une exploitation écologique des aéronefs. La majorité de la CTT du Conseil des Etats a préféré parler d'exploitation aussi respectueuse que possible de l'environnement, renforçant ainsi le critère écologique. Cette modification a été approuvée par 20 voix contre 16. Pour les demandes de concessions concernant les entreprises ayant leur siège à l'étranger, les sénateurs ont souhaité introduire la même précision. La CTT proposa que les gouvernements des cantons concernés et les entreprises publiques de transports, dont les intérêts sont touchés, soient consultés avant qu'une décision soit prise pour une demande de concession. Les sénateurs ont suivi la commission, créant ainsi une divergence avec la Chambre basse.
Les débats se sont ensuite intensifiés au sujet de la
clause de multiples désignations. Cette clause permet à plusieurs compagnies étrangères de venir opérer en Suisse et aux compagnies suisses d'utiliser les routes faisant l'objet d'un accord international. La majorité de la CTT était d’avis que la clause n'avait pas sa place dans la loi. Quant à la minorité, composée essentiellement de représentants romands, elle plaida en faveur de son inscription dans la loi. Pour elle, la suppression de cette clause laisserait penser que la Suisse ne souhaite pas véritablement ouvrir le marché. Le plénum a suivi cette argumentation en adhérant par 20 voix contre 19 à la version du Conseil national. Finalement, une minorité romande retira une proposition de limiter toutes les concessions existantes à cinq ans au maximum, en raison du gain déjà extrêmement serré du maintien de la clause de multiples désignations. Ainsi, concernant la durée de la concession pour
Swissair, on en reste à la version du National: le
monopole de la compagnie sur les lignes qu'elle exploite aujourd'hui sera
supprimé à la fin 2008 [84].
Saisi à nouveau du dossier, le
Conseil national a maintenu sa version concernant les critères pour l'octroi de concession pour des entreprises ayant leur siège en Suisse. Il a refusé la version plus écologique de la petite Chambre. Pour les entreprises ayant leur siège à l'étranger, la grande Chambre a accepté de parler d'exploitation aussi respectueuse que possible de l'environnement, mais elle a souhaité que cela se fasse en vertu des standards minimums convenus sur le plan international. Suivant la majorité de la CTT, les députés ont supprimé la modification relative à la consultation des cantons et des entreprises publiques pour l'octroi de concession à des entreprises ayant leur siège en Suisse. Ils ont souhaité garantir la flexibilité de la loi, afin de permettre à la Suisse de s'adapter au droit européen
[85].
De retour au
Conseil des Etats lors de la session d'avril, le dossier fut classé rapidement. Les sénateurs se sont ralliés à la version du National pour les deux dernières divergences
[86].
L'Union européenne et l'Italie ont signé un accord concernant le transfert progressif des vols des compagnies étrangères de l'
aéroport
de Milan-Linate au nouvel aéroport de Milan-Malpensa, ouvert en octobre. Malpensa, distant de 53 km de Milan, n'était alors toujours pas desservi, ni par l'autoroute, ni par le rail. Les autorités italiennes ont signé un décret d'application de l'accord avec l'UE, excluant les compagnies ne détenant pas majoritairement leur capital au sein des pays membres de l’UE. Swissair n'a pas obtenu le droit de maintenir 34% de ses vols à l’aéroport de Linate. La compagnie s'est insurgée, qualifiant la mesure de discriminatoire. L'ambassade de Suisse à Rome et l'Office fédéral de l’aviation civile (OFAC) ont soutenu Swissair et demandé aux autorités italiennes de surseoir à cette mesure. Swissair, tout comme d'autres compagnies aériennes extra-communautaires, a déposé un recours qui a été rejeté par le Tribunal administratif de Lombardie. Par la suite, la compagnie a déposé un second recours auprès du Conseil d'Etat italien. Elle a estimé avoir perdu près de 30% de ses passagers entre Zurich et Milan depuis le transfert à Malpensa
[87].
Un avion MD-11 de Swissair, qui effectuait le parcours Genève – New York, s'est
écrasé au début septembre au large des côtes est du Canada, faisant 229 victimes. L'enquête canadienne, chargée de déterminer les causes de l'accident, s’est penchée sur les systèmes de divertissement individuel qui pourraient être à l'origine de l'incendie à bord. Le vice-directeur de l’OFAC a accusé Swissair d'avoir fait pression sur son office pour obtenir une autorisation provisoire de voler avec ces nouveaux systèmes de divertissement. Le conseiller fédéral Leuenberger a ordonné une
enquête administrative au sein de l'OFAC, afin de faire toute la lumière sur cette procédure d'autorisation. Les résultats de l'enquête administrative ont démenti ces accusations. Les autorisations pour les systèmes de divertissement ont été délivrées par l'OFAC selon la procédure autorisée, et les contrôles nécessaires ont été effectués correctement. Les accusations du vice-directeur de l'OFAC s'étant révélées infondées, Moritz Leuenberger ordonna contre ce dernier une procédure disciplinaire
[88].
Concernant le projet d'intégration des services de contrôle aérien civil et militaire de l'OFAC, de Swisscontrol et des forces aériennes, voir supra, part. I, 3 (Organisation militaire).
En mars, le ministre français des transports, Jean-Claude Gayssot, a communiqué à Moritz Leuenberger que
la France renonçait à un centre franco-suisse de contrôle aérien, qui aurait dû s'établir à Genève en 1999. Quelques jour plus tard, le Conseil fédéral a obtenu du ministre français de la Défense la garantie que la question serait réexaminée
[89].
En septembre, la nouvelle compagnie romande Swiss World Airways (SWA) a obtenu du DETEC une concession pour six liaisons par semaine entre
Genève-Cointrin et New York-Newark pour une année. Le premier vol s’est concrétisé le 10 septembre. Mais la société manquait de fonds propres, alors qu’elle souhaitait augmenter son capital de 35 millions à 60 millions de francs. Des rumeurs concernant une mauvaise gestion de l'entreprise se sont rapidement répandues dans la presse. Les cantons romands qui avaient engagé 7 millions de francs dans le projet, à titre de solidarité, dont 5 millions de Genève, ont fait savoir qu'ils ne participeraient pas à une augmentation de capital. Les autorités genevoises ont refusé d'investir les 3 millions supplémentaires nécessaires à la compagnie qui se trouvait face à un besoin urgent de liquidités. Par la suite, le conseiller national Jean-Charles Simon (pdc, VD), pionnier de l'aventure, a quitté précipitamment le conseil d'administration de SWA. En décembre,
la compagnie a suspendu ses activités et licencié ses 110 employés, n'ayant pas trouvé d'investisseur privé. SWA a ensuite réclamé, auprès de l'OFAC et du DETEC, une suspension temporaire de l'autorisation générale d'exploitation et de sa concession aérienne. Le tribunal de première instance genevois lui a finalement accordé
un sursis concordataire de six mois. La compagnie aura jusqu'au 15 juin 1999 pour trouver un repreneur et pour proposer un concordat à ses créanciers
[90].
Le parlement zurichois a adopté une motion demandant de mettre à l'étude la
privatisation de l'aéroport de Zurich-Kloten en vue de la déréglementation du trafic aérien. Le gouvernement zurichois a publié, à la fin du mois de juin, un projet de loi sur la privatisation de l'aéroport. Ce projet prévoit la fusion, en une SA d'économie mixte et cotée en bourse, des deux entités qui actuellement gèrent le site de Kloten: la direction de l'aéroport (FDZ) et la Société immobilière de l'aéroport (FIG). Le canton sera assuré d'une participation au capital de 33% à 49%, les autres actionnaires singuliers ne pourront pas détenir plus de 5% du capital. Concernant la décision du Tribunal fédéral demandant à l'aéroport de remettre un nouveau rapport d'impact sur l'environnement, voir infra, part. I, 6d, (Lutte contre le bruit)
[91].
[84]
BO CE, 1998, p. 296 ss. Voir également
APS 1997, p. 202 ss.84
[85]
BO CN, 1998, p. 616 ss.85
[86]
BO CE, 1998, p. 467 s. et 841;
BO CN, 1998, p. 1640;
FF, 1998, p. 3161 ss.86
[87] Presse des 15.10 et 22.10.98;
LT, 4.11.98;
NZZ, 9.12.98.87
[88] Presse des 4.9 et 24.11.98;
24 Heures, 10.9.98;
NZZ, 5.12.98.88
[89]
LT, 31.3.98; presse du 1.4.98. Voir également
APS 1997, p. 204.89
[90] Presse des 19.2 et 3.12.98;
TG, 12.8.98;
NZZ, 10.9.98;
24 Heures, 19.11, 20.11, 16.12 et 24.12.98;
LT, 24.11.98. Voir également
APS 1997, p. 204 (note 77 en bas de page).90
[91]
TG, 9.6.98; presse du 29.7.98.91
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