Année politique Suisse 1999 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Europe: UE
Le gouvernement suisse souhaiterait se rapprocher de l’UE dans le
domaine de la sécurité afin de pallier aux inconvénients dus à son isolement dans le domaine des visas, de l’asile ou de la coopération policière et judiciaire. Le Conseiller fédéral Arnold Koller a affirmé vouloir réexaminer entièrement le système de sécurité intérieure suisse pour remédier aux limites actuelles dans la
lutte contre la criminalité internationale et la
maîtrise des problèmes migratoires. Une déclaration d’intention en vue de l’ouverture de pourparlers sur un accord parallèle de la Suisse à la Convention de Dublin (domaine de l’asile) aurait d’ailleurs dû être adjointe aux accords bilatéraux signés avec l’UE, mais les Quinze ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur un projet devant déboucher sur une convention permettant à la Suisse de sortir de son isolement en la matière. Par conséquent, Berne n’a pas souhaité entrer non plus en matière sur le thème de la fraude douanière comme le souhaitait Bruxelles. Au mois de novembre, la Commission européenne s’apprêtait à demander aux Quinze un mandat de négociation en vue de conclure avec la Suisse un accord d’entraide judiciaire en matière pénale pour protéger les intérêts financiers communautaires. La publication du rapport 1998 sur ce sujet a fait considérer à l’Unité de coordination de la lutte antifraude (UCLAF) – désormais rebaptisé Office européen de lutte anti-fraudes (OLAF) – que l’amélioration des instruments de coopération entre la Suisse et l’Union était une nécessité de première importance. En décembre, l’UE a finalement obtenu de la Suisse qu’elle ouvre des négociations sur le problème de la fraude douanière
[6].
Afin notamment de fournir une base solide aux débats parlementaires sur l’initiative « Oui à l’Europe ! » et au contre-projet qu’il y a opposé (voir infra), le Conseil fédéral a publié le très attendu rapport sur l’intégration 1999. Après un premier chapitre introductif et un deuxième très factuel qui donne un aperçu complet des répercussions sur la Suisse des politiques et programmes communautaires en cas d’adhésion à l’UE, de participation à l’EEE, d’entrée en vigueur des accords sectoriels ou de maintien du statu quo, c’est dans le troisième chapitre que le Conseil fédéral fait discrètement part de sa préférence à terme pour la voie de l’adhésion à l’UE. Selon lui, les développements de ces dernières années confirment et renforcent son opinion selon laquelle une pleine participation à l’Union européenne est dans l’intérêt prioritaire de la Suisse. Sans toutefois masquer certaines difficultés prévisibles comme un coût situé entre 3,1 et 3,9 milliards de francs suisses par an, le Conseil fédéral estime probable à long terme l’utilité d’une adhésion pour l’économie suisse. Par ailleurs, le fait que des questions importantes pour la Suisse (sécurité, concurrence fiscale, système social, cadre institutionnel de l’UE) ne soient toujours pas réglées sur le plan européen milite, selon lui, pour une adhésion prochaine de la Confédération afin qu’elle puisse faire entendre sa voix.
La
stratégie
du Conseil fédéral se résume ainsi à trois axes fondamentaux que sont le soutien du processus d’intégration, le désir d’améliorer l’accès au marché européen pour les exportations suisses tout comme la réduction des désavantages économiques subis et enfin la volonté d’agir contre l'isolement politique et culturel du pays. Pour ce faire, le gouvernement privilégie depuis 1991 la thèse de l’adhésion à l’UE comme la voie la plus adaptée pour la Suisse de défendre à terme ses intérêts sur le continent. Mais dans l’immédiat, il donne la priorité absolue à l’entrée en vigueur des accords bilatéraux et tant que celle-ci ne sera pas achevée, il n’a pas l’intention d'ouvrir des négociations d’adhésion. D’ailleurs, le Conseil fédéral continuera de suivre cette
voie sectorielle aussi longtemps que les deux parties en manifesteront l’intérêt, est-il mentionné dans le rapport, mais simultanément, il considère que cette dernière présente des limites bientôt atteintes. Le chemin de l’
adhésion à l’EEE n’est par contre plus celui préconisé par le Conseil fédéral. Il juge désormais que les faiblesses institutionnelles de l’accord EEE font que ce dernier ne peut plus être considéré comme une solution indépendante et durable pour les relations entre la Suisse et l’UE. A cet effet, le rapport rappelle que le pilier AELE au sein de l’EEE a perdu une grande partie de sa force depuis que l’Autriche, la Finlande et la Suède ont rejoint l’Union et que, surtout, cette tendance devrait encore se renforcer avec l’élargissement prévu de l’UE. Enfin, le Conseil fédéral rejette en bloc la
voie solitaire déclinée en trois variantes. Premièrement, la conclusion d’accords sectoriels sans but d’adhésion lui paraît peu réaliste dans la mesure où, comme le montre la situation actuelle, c’est précisément le fait d’avoir à terme un objectif d’adhésion qui a permis d’entamer avec succès des négociations avec l’UE. La deuxième variante de la voie solitaire avec alignement sur l’UE, notamment sur le plan législatif et juridique (par exemple reconnaissance des diplômes), est à exclure absolument pour des raisons de souveraineté politique et, également, car rien ne pourrait assurer à la Suisse un juste retour des prestations économiques fournies. Troisièmement, la voie d’une politique « offshore » (construction du pays quasi uniquement basée sur les activités tertiaires comme le secteur bancaire ou les sociétés financières) de la part de la Suisse est également rejetée pour des raison de politiques nationale, sociale et économique et également en raison du risque de représailles de la part des autres pays
[7].
La publication de ce rapport a suscité de nombreuses
réactions et commentaires relayés par la presse. Les pro-européens ont notamment salué le fait que le Conseil fédéral n’ait pas retardé la publication de ce rapport, malgré l’échéance proche de la votation populaire sur les négociations bilatérales et le désir de ne pas créer une confusion avec l’adhésion à l’UE. Du côté des partis gouvernementaux, les radicaux ont décrit le rapport comme une base de décision fondamentale pour le dialogue sur l’intégration, le PDC a souhaité voir les bilatérales sous toit avant d’entamer le débat sur l’adhésion, l’UDC a jugé le Conseil fédéral « europhorique » et le PS a regretté l’absence de scénarios temporels
[8].
Après un renvoi visant à ne pas interférer avec le paraphe des bilatérales, la Commission européenne s’est prononcée sur un document interne concernant les
relations futures entre l’Europe et la Suisse. En substance, elle a pris position contre un deuxième train de négociations sectorielles avec la Suisse tant que les accords bilatéraux n’auront pas été ratifiés. Passé ce cap, elle serait prête à entrer en matière sur un nouveau paquet d’accords, mais à condition que la Suisse coopère dans la lutte contre le crime organisé et en matière de fiscalité de l’épargne. L’organe exécutif a également affirmé que l’UE avait de toute façon peu à gagner d’un nouveau paquet d’accords surtout favorables à la Confédération et s’est refusé à accorder un « ticket gratuit au pays le plus riche d’Europe ». La Commission européenne préférerait de loin que la Suisse adhère à l’UE, notamment afin qu’elle participe financièrement au pot commun. Selon ses dires, l’obtention par la Suisse d’un accès sans limite (EEE à la carte) et avec peu de contraintes institutionnelles supprimerait tout stimulant à l’adhésion et ne favoriserait pas les forces pro-européennes. Le Conseil fédéral souhaiterait par contre entamer rapidement des négociations dans huit autres secteurs (accès au marché européen de l’électricité et des services, notamment financiers; libre-échange pour les produits agricoles transformés; participation aux programmes européens dans les domaines de la formation et de l’audiovisuel; coopération en matière de statistiques; adhésion à l’Agence européenne de l’environnement et accord parallèle à la Convention de Dublin sur le pays de premier asile). A l’occasion des entretiens trimestriels de Watteville qui réunissent les quatre partis gouvernementaux, la décision a été unanime pour reconnaître que les accords bilatéraux constituaient l’objectif prioritaire de la Suisse et qu’ils ne préjugeaient pas de l’adhésion ou non à l’Union. L’UDC, le PDC, le PRD et le PS ont également accepté les échéances majeures suivantes de l’agenda politique suisse, à savoir d’abord la votation sur les bilatérales (en cas de succès du référendum) et ensuite seulement les discussions parlementaires sur l’initiative « Oui à l’Europe »
[9].
Pour le
détail des accords bilatéraux avec l’UE, des
adaptations législatives et des
mesures d’accompagnement, voir, concernant les transports terrestres et aériens, infra, part. I, 6b (Politique des transports), sur la libre circulation des personnes, voir infra, part. I, 7a (Ausländerpolitik), sur la recherche, voir infra, part. I, 8a (Forschung), sur l’agriculture, voir infra, part. I, 4c, (Politique agricole)
[10].
Après la conclusion des négociations entre la Suisse et la Commission européenne intervenue au niveau politique en décembre 1998 à Vienne, l’année 1999 a été encore riche en rebondissements. Dès la fin du mois de janvier, alors que la signature était initialement programmée au printemps, certains éléments ont laissé supposer un
nouveau retard avec notamment le reproche de la France à la Commission européenne d’avoir interprété abusivement certaines dispositions de la législation communautaire dans le domaine de la libre circulation des personnes. En outre, un litige est survenu concernant la définition des marchandises légères pouvant être transportées par les poids lourds en Suisse. Du côté des autorités helvétiques, on a par contre plutôt tenté d’accélérer le processus. Au début du mois de février, les quatre partis gouvernementaux ont réaffirmé leur volonté d’achever la procédure de ratification avant la fin de la législature, quitte à organiser une session spéciale des chambres fédérales en août. Pour la majorité de la classe politique, le télescopage entre les débats parlementaires sur les bilatérales et ceux sur l’initiative « oui à l’Europe » devait être évité à tout prix. C’est à la fin du mois de février que les quelques 4000 pages des
accords bilatéraux, annexes et autres déclarations ont été
paraphés par les négociateurs des deux parties, sans d’ailleurs que le problème des marchandises légères soit réglé de façon définitive. A cette fin, un comité mixte a été chargé d’étudier le problème en détail et d’établir des critères à ce sujet. La Suisse contestait notamment le fait que les voitures soient considérées comme des marchandises légères. Quelques jours plus tard, une autre difficulté a fait son apparition. Suite à une erreur dans la version finale remarquée trop tardivement par l’administration suisse, les architectes ETS ont été privés de la reconnaissance de leur diplôme en Europe. Malgré le préavis favorable de la Commission européenne pour un arrangement à l’amiable, quatre pays (France, Espagne, Italie et Grèce) ont refusé de réouvrir le dossier, par crainte d’une concurrence extérieure renforcée. Ce n’est finalement qu’
au mois de juin que
les accords bilatéraux ont pu être signés par les deux parties au Luxembourg, après un retard supplémentaire causé par la nécessité de traduire le paquet dans les onze langues de l’UE. Il faut également noter que l’Allemagne, qui présidait l’UE lors du premier semestre 1999, a joué de son influence pour clore ce dossier avant de passer le témoin à la Finlande
[11].
Publié deux jours après la signature des accords au Luxembourg, le
message du Conseil fédéral relatif à l’approbation des accords sectoriels entre la Suisse et l’UE a recommandé d’accepter les sept accords, présentés en bloc selon la volonté des Quinze. Adjoints à ceux-ci, on trouvait également un arrêté fédéral sur le financement suisse aux programmes européens de recherche pour les années 2001 et 2002 (non soumis au référendum), trois mesures d’accompagnement concernant l’agriculture, le transfert du trafic transalpin de la route au rail, et les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse, ainsi qu’une quatrième mesure d’accompagnement sous la forme d’un arrêté fédéral sur le plafond de dépenses pour la promotion du trafic combiné (non soumis au référendum). En sus, douze adaptations législatives dans le domaine de la libre circulation des personnes, deux dans le domaine des transports et une relative aux denrées alimentaires et objets usuels étaient présentées pour être soumises au parlement
[12].
Lors de la
procédure de consultation relative aux accords, toutes les organisations consultées se sont prononcées en faveur de la ratification des sept accords sectoriels, qu’elles ont globalement qualifiées de positifs. Par contre, des critiques ont émané de divers milieux en ce qui concerne les mesures d’accompagnement. Brandissant l’arme du référendum, les syndicats et la gauche ont demandé des mesures plus concrètes contre le dumping salarial que celles préconisées par le Conseil fédéral. A cette menace est venue s’ajouter celle des écologistes et des défenseurs des Alpes, désireux d’endiguer l’afflux prévisible et massif des poids lourds. Ces derniers ont entre autres réclamé une augmentation des contrôles, afin de limiter les abus, et davantage de subventions dédiées au trafic ferroviaire. Même les cantons, qui se sont exprimés favorablement sur les bilatérales par la voie de la Conférence des gouvernements cantonaux (CGC), ont fait part de leurs doutes sur le sujet du trafic de transit des poids lourds. Le gouvernement tessinois a également exprimé ses préoccupations quant à un risque de dumping salarial et social majeur pour son canton. Par ailleurs, le Conseil fédéral a commandé plusieurs études qui ont toutes relevé que du point de vue économique, les accords bilatéraux seraient positifs pour la Suisse. A terme, une augmentation de 2% du PIB et une diminution du chômage sont même prévisibles. Selon le Conseiller fédéral Pascal Couchepin, le montant à gagner annuellement en cas d’acceptation des bilatérales serait de quelques deux milliards de francs, alors que le coût annuel est estimé à un milliard, dont environ 600 millions à la charge de la Confédération
[13].
Ce n’est finalement qu’à la fin du mois d’août lors d'une session extraordinaire que le parlement s’est saisi du dossier des accords sectoriels. Peu avant, un sondage réalisé par l’Institut GFS avait révélé qu’une large majorité des personnes interrogées (61%) voterait à ce stade oui aux bilatérales. Cette tendance était toutefois plus forte en Suisse romande (70%) qu’en Suisse alémanique (58%). Un autre sondage publié peu après a révélé les mêmes tendances mais avec un pourcentage d’opinions favorables moins élevé en moyenne suisse (55%). En outre, les sondés conditionnaient cette fois leur oui à des mesures d’accompagnement efficaces. Première chambre à traiter du sujet, le Conseil national se prononça, contre une proposition des Démocrates suisses, par 171 voix contre 3 pour l’entrée en matière. Lors du débat fleuve qui précéda cette décision, la quasi totalité des 75 orateurs salua la signature des accords bilatéraux. Le seul bémol à ce concert de louanges fut l’annonce, par le président des Démocrates suisses Rudolf Keller (BL), que son parti lancerait quoi qu’il advienne un référendum, principalement à cause des mesures sur la libre circulation des personnes. Lors de l’examen de détail, les députés rejetèrent (115 voix contre 57) une proposition de la gauche qui désirait lier la ratification des accords à l’adoption des mesures d’accompagnement et une proposition conjointe Maspoli (Lega, TI) et de la minorité UDC de la commission qui voulait instaurer le référendum obligatoire sur les accords. Par contre, la chambre du peuple se prononça favorablement à l’encontre de deux propositions minoritaires de la droite de la commission (UDC et PDL) allant dans le sens des intentions exprimées par le Conseil fédéral. La première, visant à ce que le parlement décide de la reconduction de l’accord sur la libre circulation des personnes au moyen d’un arrêté fédéral soumis au référendum, fut acceptée par 93 voix contre 71. La seconde, fixant que ce même accord n’était valable que pour les Quinze et pas pour d’éventuels nouveaux membres de l’UE, fut avalisée par 87 voix contre 81. A l’issue de cette première lecture, le conseil national se prononça sur l’ensemble du projet par 144 voix contre 3 (DS et Lega) et 28 abstentions (notamment UDC).
Devant le
Conseil des Etats, l’entrée en matière fut cette fois décidée sans opposition. La discussion porta essentiellement sur les deux modifications introduites par le conseil national concernant la libre circulation. Jugeant que la formulation déterminée par celui-ci était équivoque, le Conseil fédéral présenta deux nouvelles propositions précisant qu’il s’agissait du référendum
facultatif dont il fallait parler à propos de la reconduction de l’accord et de son extension à d’éventuels nouveaux membres de l’UE. Convaincu par cette version, la petite chambre y souscrivit sans opposition et se prononça à l’unanimité sur l’ensemble. En deuxième lecture, la chambre du peuple se rallia également à cette vision sans opposition. La possibilité que le peuple se prononce après une période d’essai était une des conditions de base pour que l’UDC ne lance pas un référendum. A l’occasion du vote final, le conseil national a accepté cet arrêté fédéral portant approbation des accords par 183 voix contre 11 (5 UDC, 2 PDL, 2 DS, 1 Lega et 1 PRD) et une abstention. Le Conseil des Etats a fait de même à l’unanimité
[14].
Parallèlement à cette discussion, le Conseil national a rejeté par 99 voix contre 75 deux postulats qui demandaient qu’en cas de
référendum sur les accords et les mesures d’accompagnement, le peuple se prononce en premier lieu sur ces dernières. Dans son rapport écrit, le gouvernement avait considéré que ces deux entités législatives distinctes constituaient une unité politique et, qu’en cas de double référendum, seule une votation séparée le même jour permettrait de ne pas prétériter l’une ou l’autre formation politique
[15].
Suite à l’adoption par le parlement des différentes mesures d’accompagnement rendant l’entrée en vigueur des accords bilatéraux plus acceptables pour certaines régions ou groupes sociaux, les partis de gauche et les syndicats, tout comme l’UDC, les défenseurs des Alpes et les écologistes, ont finalement renoncé à lancer un
référendum. Malgré ce large consensus, les Démocrates suisses ont tenu parole et ont confirmé qu’ils commenceraient la récolte des signatures à la fin du mois d’octobre, comme le leur a autorisé le gouvernement en raccourcissant le délai légal. Parmi les partis politiques d’une certaine envergure, seule la Lega a décidé de soutenir cette action. Les deux formations de droite ont choisi d’attaquer uniquement les accords par voie de référendum et non pas les mesures d’accompagnement. A la fin de l’année, les deux partis avaient obtenu environ 30 000 signatures sur les cinquante mille nécessaires. Bien que Pascal Couchepin ait exprimé ses inquiétudes vis-à-vis d’un scrutin populaire, un nouveau sondage publié mi-septembre faisait toutefois état d’un large soutien des citoyens suisses, 65% des personnes interrogées s’étant déclaré « franchement pour » ou « plutôt pour » la ratification des bilatérales. Préoccupé par la proximité avec la Lombardie, le gouvernement du canton du Tessin a fait part de ses revendications aux Conseillers fédéraux Couchepin et Leuenberger lors d’une entrevue à Berne. L’exécutif du canton italophone espérait notamment obtenir la construction anticipée du tunnel de base du Monte Ceneri, mais cette demande aurait été reçue avec peu d’enthousiasme à Berne, tout comme celles ayant trait à l’augmentation du nombre de fonctionnaires fédéraux dans ce canton ou à la création d’un observatoire sur l’application des accords avec l’UE. Par contre, des garanties ont été données aux Tessinois concernant des contrôles supplémentaires sur l’autoroute A2 afin de parer au déferlement des 40 tonnes
[16].
Le Conseil fédéral a transmis aux chambres son message relatif à l’
initiative populaire « Oui à l’Europe ! » en leur recommandant de la rejeter. Bien que le gouvernement partage largement la vision des promoteurs de l’initiative, il ne désire pas entamer immédiatement des négociations d’adhésion avec l’UE et veut surtout éviter toute confusion avec le dossier des accords bilatéraux qu’il considère comme prioritaire (voir supra). Comme contre-projet indirect à ce texte, le gouvernement a élaboré un arrêté fédéral simple (non soumis au référendum) en reprenant plusieurs éléments de l’initiative, notamment le premier article qui stipule que « la Suisse participe au processus d’intégration européenne et vise dans ce but à adhérer à l’Union européenne ». Dans ce projet, le Conseil fédéral mentionne toutefois clairement qu’il souhaite se réserver la décision de la réactivation de la demande d’adhésion en fonction des débats sur le rapport d’intégration (voir supra), de l’état des négociations bilatérales et sur la base des consultations. A la suite de la publication de ce message, le Nouveau mouvement européen suisse (NOMES) a annoncé qu’il ne retirerait pas son initiative tant que la procédure d’intégration ne serait pas entamée. Le parlement a jusqu’au 30 juillet 2000 pour se prononcer sur ce texte et au cas où il déposerait son propre contre-projet, le vote sur l’initiative pourrait être retardé d’un an et repoussé en 2002 ou 2003. Dans cet esprit, la discussion sur une motion Comby (prd, VS) demandant l’ouverture de négociations pour une adhésion à l’UE dès l’entrée en vigueur des accords bilatéraux a été combattue par le démocrate du centre Hanspeter Seiler (BE) et renvoyée par le Conseil national
[17].
Plusieurs
sondages ayant trait à l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne ont été publiés en 1999. Rendue publique à la fin de l’année par l’EPFZ, une enquête a mis en évidence que 79% des Suisses approuveraient l’adhésion si la votation était fixée en 2010. De janvier à août, les opinions favorables à une adhésion sont passées de 50% à 57%. Un autre sondage effectué dans les pays de l’UE a montré que la Suisse serait la bienvenue dans l’Union. Le septante pour-cent des personnes interrogées s'est prononcé positivement à l’égard d’une adhésion de la Suisse. Avec un score de 84%, les Danois et les Hollandais se sont montrés les plus favorables, alors que le Royaume-Uni (64%), l’Irlande (64%) et le Portugal (59%) ont été les plus sceptiques
[18].
Le conseiller national Christoph Blocher (udc, ZH) a proposé
un moratoire sur la question européenne jusqu’en 2005 si la Suisse accepte les accords bilatéraux. Ce délai permettrait de calmer le jeu entre les partis pour pouvoir ensuite reprendre sereinement le débat. Sur ce même thème, le Conseiller fédéral Pascal Couchepin a parlé lui d’un moratoire de fait rendant irréaliste un vote sur l’adhésion à l’UE avant 2008. Cette date correspond au début de la deuxième étape de l’accord sur la libre circulation des personnes contre laquelle un référendum sera possible. Le NOMES, par la bouche de son président Marc Suter (prd, BE), a réagi à ces déclarations et a affirmé pour sa part qu’il s’était fixé comme but une adhésion en 2006. Provenant même du parti radical, d’autres réactions furent émises les jours suivants pour regretter cette prise de position du ministre de l’économie
[19].
[6] Presse du 21.1.99;
Lib., 20.4, 4.5 (sécurité), 10.11 et 19.11.99 (rapport de l’UCLAF-OLAF);
LT, 8.12.99 (négociations).6
[7]
FF, 1999, p. 3600 ss.; presse du 4.2.99.7
[8]
LT, 28.1 et 4.3 (pro-européens); presse du 4.2.99 (partis).8
[9] Presse du 22.2, 25.2 et 4.3.99 (Commission européenne);
LT, 20.11.99 (Watteville).9
[10] L’expression UE (Union européenne) est utilisée ici au sens habituel et non juridique. En réalité, l’UE n’a pas la compétence de signer des traités internationaux. L’accord sur la libre circulation des personnes a été conclu par la Communauté européenne (ancienne CEE) et par ses Etats membres. L’accord sur la coopération scientifique et économique a été conclu par cette même CE, ainsi que par la Communauté européenne de l’énergie atomique. Quant aux cinq autres accords, ils ont été conclus par la seule CE. Pour mémoire, ces accords sont au nombre de sept et concernent les marchés publics, la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité, les échanges de produits agricoles, le transport aérien, les transports terrestres, la libre circulation des personnes et la recherche.10
[11]
Lib., 26.1 (France), 6.2 (partis gouvernementaux) et 13.4.99 (traduction); presse du 27.2 (accords parafés), 21.6 et 22.6.99 (accords signés);
LT, 11.3 et 12.5.99 (Allemagne);
24h, 25.3.99 (architectes). Afin de ne pas retarder davantage le travail des chambres, les commissions ont même entamé l’examen des accords en se basant sur un message provisoire du Conseil fédéral (
LT, 17.4.99).11
[12]
FF, 1999, p. 5440 ss. Voir aussi
APS 1998, p. 75 ss.12
[13]
FF, 1999, p. 5440 ss.;
Lib., 20.2 (menace de référendum); presse du 16.3.99 et
24h, 22.4.99 (consultation et dumping);
NZZ, 6.4.99 (CGC);
24h, 26.5.99 (études);
TA, 8.5.99 (Couchepin);
CdT, 27.8.99 (Tessin).13
[14]
BO CN, 1999, p. 1433 ss., 1691 s. et 2301 s.;
BO CE, 1999, p. 624 ss. et 991;
24h, 19.8 et 30.8.99 (sondages); presse du 31.8 au 4.9, du 20.9 au 31.9 et du 9.10.1999 (débats aux chambres fédérales).14
[15]
BO CN, 1999, p. 1497 ss.15
[16] Presse du 8 et 9.10.99 (référendum);
LT, 17.9 (sondage) et 19.11.99 (Tessin).16
[17]
FF, 1999, p. 3403 ss.; presse du 4.2.99 (initiative);
BO CN, 1999, p. 468 s. (motion Comby). Voir aussi
APS 1998, p. 77 s.17
[18]
LT, 7.7.99 (sondage UE);
Lib., 18.12.99 (EPFZ).18
[19]
TG, 28.8.99 (Blocher),
LT, 11.10 (Couchepin), 12.10 (NOMES) et 14.10.99 (réactions).19
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