Année politique Suisse 1999 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Pays en développement
L’
aide publique au développement est tombée à son niveau le plus bas depuis le début de la décennie au niveau mondial. Par contre, les
investissements privés ont presque doublé. La Suisse ne fait pas exception à la règle et sa contribution étatique a régressé de 4% entre 1996 et 1997. A cette date (derniers chiffres de l’OCDE disponibles), elle occupait le septième rang du Comité d’aide au développement (CAD) avec 0,34% du PIB attribué à l’aide publique. A titre de comparaison, le Danemark est en tête de peloton avec 0,97% de son PIB, alors que la moyenne des pays de l’OCDE est de 0,39%. Sur ce point, Joseph Deiss a déclaré être certain qu’après le redressement des finances fédérales, l’engagement de la Suisse
pourra atteindre le montant désiré de 0,4% du PIB. Afin de renforcer ce secteur, la Confédération et des investisseurs privés ont lancé une société, baptisée « Swiss Development Finance Corporation »(SDFC) et destinée à promouvoir les investissements avec les pays en voie de développement et en transition
[51].
Ce n’est plus un seul département, mais désormais le Conseil fédéral au grand complet, qui décidera de suspendre la
coopération avec les pays qui ne respectent pas certaines règles élémentaires comme les droits de l’homme, la bonne gouvernance, ou rompent le processus de démocratisation. Le gouvernement espère ainsi donner une image plus cohérente à l’extérieur. A ce sujet, la DDC a confirmé qu’elle ne travaillerait plus avec les autorités étatiques de Madagascar et du Niger, mais uniquement avec les organisations locales et la société civile
[52].
Les chambres fédérales ont accepté le projet du Conseil fédéral concernant la
continuation de la coopération technique et de l’aide financière en faveur des pays en développement. Cette décision n’a toutefois pas été de soi. En premier lieu, le Conseil des Etats avait certes accepté à l’unanimité le projet du gouvernement sans en modifier une virgule, mais au Conseil national, la voix des partisans d’une augmentation des dépenses liées à la coopération (minorité du PDC, PS, PES, AdI/PEP) s’est fait fortement entendre. Pour ces derniers, la reprise conjoncturelle permettait dorénavant à la Suisse de tendre enfin à l’objectif d’une aide de 0,4% du PNB plusieurs fois réitéré par le Conseil fédéral. Face à eux, les partisans de la version dite « raisonnable » du gouvernement (majorité du PDC,PRD, PLS) ou de la réduction de l’aide (UDC et PDL) ont dû s’incliner lors de la première lecture. Après une entrée en matière adoptée sans opposition, la majorité des députés affirma sa préférence pour une augmentation du crédit cadre de 4 à 4,5 milliards de francs, plutôt que pour une réduction à 3,6 milliards (97 voix contre 37) ou un maintien à 4 milliards (78 voix contre 73). Par contre, lors du vote sur le frein aux dépenses (nécessaire pour tout objet de plus de 20 millions), la majorité nécessaire de 100 députés ne fut pas acquise (92 voix contre 52). A 112 voix contre 23 et 16 abstentions, le Conseil national renvoya donc le projet pour une deuxième lecture devant la chambre haute. Les arguments développés par la majorité de la chambre basse ne touchèrent pas les Conseillers aux Etats. Soucieux avant tout de préserver l’équilibre des finances fédérales, ces derniers souscrivirent à nouveau à la version prônée par le gouvernement. De retour, devant le Conseil national, cette optique finit par s’imposer et le vote sur le frein aux dépenses (126 contre 1) se déroula sans réelle opposition
[53].
Le premier
salon des marchés émergents s’est tenu à Genève. Plus de quarante pays et 15 organisations internationales étaient présents, regroupant quelque 1500 projets d’investissement d’une valeur estimée à 15 milliards de dollars. Une partie des frais de certains pays particulièrement démunis ont été pris en charge par la Confédération
[54].
Le
Corps suisse d’aide en cas de catastrophe (ASC) a été plus sollicité que jamais en 1999. Actif dans 44 pays, cet organe de la DDC a accompli 406 engagements contre 278 en 1998. Près de 60% de ceux-ci furent consécutifs au conflit dans les Balkans, mais l’ASC est aussi intervenue abondamment en Amérique centrale suite à l’ouragan « Mitch ». Sur place, l’aide suisse à la reconstruction s’est élevée à 83,4 millions de francs. Environ 1,2 million de personnes réparties dans 170 villages ont profité des projets suisses, selon la DDC. Dans cette somme sont compris 43 millions de l’aide publique, 35,1 millions de la Chaîne du bonheur et 5,3 millions fournis par les œuvres d’entraide actives sur place
[55].
La Suisse, la Grèce et la Russie ont mis sur pied à la fin du mois d’avril l’
opération humanitaire
« Focus » destinée à acheminer vivres et médicaments dans les différentes régions des Balkans ravagées par la guerre. L’Autriche a rejoint cette coalition au mois de juin et les quatre pays ont signé un protocole d’accord avec la République fédérale de Yougoslavie réglant les modalités du déroulement de l’aide humanitaire et les questions administratives. Les pays occidentaux ainsi que les dirigeants albanais du Kosovo ont donné leur accord à cette mission. Seul le CICR a critiqué le bien-fondé de cette opération et notamment le danger d’une politisation de l’humanitaire. Pour l’organisation qui ne voulait pas envoyer sur place ses délégués tant que le président Milosevic n’avait pas donné son accord par écrit, l’intervention de la Suisse était quelque peu ambiguë. Dans les faits, l’opération « Focus » a rencontré passablement de difficultés (notamment d’accès et de sécurité) dans la distribution de vivres et de produits de première nécessité et, avec la fin de la guerre, les membres de « Focus » ont décidé de concentrer leur action sur la reconstruction et la distribution de matériaux
[56].
A l’approche de l’hiver, la Suisse a décidé d’augmenter encore son aide au Kosovo et en Serbie en acheminant 730 tonnes de farine et 500 tonnes d’huile de colza. La farine a été offerte par la fédération suisse des producteurs et sa distribution sur place assurée par le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM). Au total,
l’aide alimentaire accordée par la Suisse à la Serbie et au Kosovo atteignait près de 5,6 millions de francs en novembre. Cinq cents vaches ont aussi été offertes au Kosovo afin de reconstituer un cheptel décimé et d’approvisionner la population en lait
[57].
La Confédération a accordé un crédit de1,5 million de francs aux victimes du conflit au
Timor Oriental. Cette aide sera directement attribuée au CICR, au Haut commissariat aux réfugiés (HCR) et au PAM. En outre, la Suisse fournira une contribution financière d’un demi million au Trust Fund de la Force internationale pour le Timor Oriental
[58].
Pour le détail des opérations suisses d’aide humanitaire qui ont impliqué l’armée, voir infra, part. I, 3 (Activité internationale).
En raison du conflit au Kosovo et de ses conséquences en Suisse et sur place, le parlement s’est penché à plusieurs reprises sur la situation humanitaire dans les Balkans et a en général exprimé son souhait de voir la Confédération collaborer à la
promotion de la paix et à la reconstruction dans cette région. Au mois d’avril, un petit groupe de députés représentant les quatre partis gouvernementaux se sont d’ailleurs rendus en Albanie. A leur retour, ils ont déposé avec succès dans chaque chambre deux textes demandant pour l’un au Conseil fédéral de tout mettre en œuvre pour tenter de parvenir à un cessez-le-feu au Kosovo et pour l’autre, que la Confédération continue d’accorder la priorité à l’aide sur place et renforce la coopération avec l’Albanie, le Monténégro et la Macédoine dans le cadre de l’aide aux pays de l’Est, ceci principalement par la voie de mesures sociales et d’investissements dans les infrastructures. Sur le même thème, la première partie d’une motion du groupe socialiste a également été transmise comme postulat. Ce texte proposait que le gouvernement alloue un crédit de 100 millions de francs aux programmes d’aide d’urgence, que les projets de reconstruction obéissent aux principes du développement durable et enfin qu’ils soient pris en charge par les Albanais du Kosovo contre rémunération (cash for work). La seconde partie de la motion a été classée, car considérée comme déjà réalisée. Elle demandait que le Conseil fédéral propose un crédit cadre pour la création d’un programme spécial destiné aux Balkans (le gouvernement avait débloqué à cette fin un deuxième crédit de 20 millions au début du mois d’avril). Par ailleurs, la petite chambre a transmis une recommandation Simmen (pdc, SO) qui demandait au Conseil fédéral d’apporter une aide à la reconstruction à la Serbie après les bombardements dont elle avait fait l’objet de la part de l’OTAN. Connaissant bien la situation pour s’être rendu sur place à plusieurs reprises, le Conseiller fédéral Joseph Deiss ne s’est pas opposé à une participation de la Suisse concernant l’apport d’une aide d’urgence. Mais il a rappelé qu’une aide à la reconstruction ou au développement était liée à certaines conditions, la Confédération ne désirant pas soutenir ou renforcer des régimes que simultanément elle condamne. Selon le rapport de gestion du Conseil fédéral, les coûts de toutes les mesures prises en relation avec le conflit du Kosovo se sont élevés en 1999 à quelque 1,2 milliard de francs
[59].
La Suisse a fait part de son désir de participer de plein droit au
Pacte de stabilité pour l’Europe du Sud-est, alors qu’elle ne jouit que d’un statut d’observateur avec droit de parole accordé par les Quinze. Dû à l'initiative de l'UE, ce pacte a été adopté au mois de juin 1999 par une trentaine de pays et d’organisations internationales. Par la reconstruction et la démocratisation, il vise à pacifier de manière durable la région des Balkans après la crise du Kosovo. Berne a notamment proposé de financer un des trois groupes thématiques du Pacte, à savoir celui consacré à la démocratisation et aux droits de l’homme. Lors du sommet de Sarajevo qui a lancé le Pacte, Joseph Deiss a plaidé une nouvelle fois pour le droit de la Suisse à y participer, étant donné les liens étroits qu’elle entretenait avec cette région et le fait que près de 400 000 ressortissants de l’ex-Yougoslavie vivaient sur sol helvétique
[60].
L’Allemagne, les Etats-Unis et l’OTAN ont présenté leurs excuses à la Confédération après que la résidence de l’ambassadeur de Suisse à Belgrade a été endommagée par les bombardements de l’Alliance visant un dépôt de carburant voisin
[61].
[51]
Lib., 9.2.99 (OCDE);
LT, 27.5.99 (investissements);
24h, 3.9 (Deiss) et 18.3.99 (SDFC).51
[52]
LT, 17.4.99 (Niger);
NZZ, 8.7 (Madagascar) et 21.9.99 (CF). Voir aussi
APS 1998, p. 86.52
[53]
BO CE, 1999, p. 268 ss. et 511 s.;
BO CN, 1999, p. 906 ss. et 1180 s.;
FF, 1999, p. 4780 s. Voir aussi
APS 1998, p. 86 s. (message du CF). A l’occasion de ce débat, les chambres fédérales ont également pris acte du rapport sur la politique suisse de coopération au développement 1986-1995.53
[55]
NZZ, 20.12.99 (bilan ASC);
TG, 2.11.99 (Mitch).55
[56] Presse du 30.4 et 6.7.99;
Lib., 7.6 et 1.7.99 (Focus);
Ww, 20.5.99 (CICR).56
[59]
BO CN, 1999, p. 2145 ss. (motion Aeppli), 2147 ss. (motion groupe socialiste) et 2191 (postulat Aeppli);
24h, 1.4.99 (20 millions);
BO CE, 1999, p. 532 ss. (recommandations Marty, prd, TI) et 622 s. (recommandation Simmen). En outre, une motion du groupe PDC intitulée « Réfugiés. Renforcer massivement l’aide sur place » a été en partie classée, car déjà réalisée, et en partie rejetée (
BO CN, 1999, p. 2164 ss.). Le CN a par contre transmis un postulat du PS visant à un renforcement de l’aide suisse dans les pays balkaniques à des fins de consolidation politique (
BO CN, 1999, p. 2192 s.).59
[60]
24h, 20.7.99;
LT, 31.7 et 19.10.99.60
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