Année politique Suisse 1999 : Economie / Agriculture
 
Expérimentation animale et protection des animaux
Les difficultés d’application dans la protection des animaux ont donné lieu à un rapport du Conseil fédéral à l’attention de la Commission de gestion (CGE) du Conseil des Etats. Cette dernière avait publié un rapport en 1994 où elle formulait 22 recommandations ayant trait à des domaines relativement précis (par exemple : élevage, détention, abattage, tâches de l’OFV et des cantons, formation et information, animaux de compagnie, commerce d’animaux), ainsi qu’une critique plus fondamentale sur les rapports entre l’être humain et l’animal, tout comme entre la Confédération et les cantons. Le Conseil fédéral a tout d’abord estimé que la bipartition du rapport de la CGE montrait que le droit sur la protection des animaux avait en grande partie atteint ses objectifs, mais qu’il avait besoin d’être complété par de nouveaux instruments législatifs plus modernes et de nombreuses améliorations de détail. Sur chacune des 22 recommandations, le gouvernement a donné son avis en mentionnant qu’il s’agissait pour la plupart des cas de remarques concernant les ordonnances, voire les directives de l’office fédéral concerné. Sur les problèmes plus fondamentaux, le Conseil fédéral a repris le constat du groupe de travail Langenberger, institué en 1997 par le DFE, qui mettait en évidence la contradiction entre les détenteurs d’animaux de rente désirant un maximum de souplesse et les protecteurs des animaux militant pour une réglementation stricte [56].
Le Conseil national a finalement refusé d’effectuer une modification du statut juridique de l’animal. Depuis plusieurs années, suite à deux initiatives parlementaires Loeb (prd, BE, 1993) et Sandoz (pl, VD, 1994), sa commission des affaires juridiques tentait d’élaborer un projet de loi qui tienne compte de la sensibilité nouvelle développée à l’égard du monde animal par la population. Malgré une procédure de consultation qui s’était révélée plutôt favorable, l’entrée en matière a été refusée par la chambre du peuple par 73 voix contre 58. Auparavant, le Conseil fédéral avait rejeté quelques-unes des dispositions contenues dans le projet, mais avait constaté que la notion de « chose » héritée du droit romain ne correspondait plus à la conception générale actuelle de l’animal. La distinction qu’effectuait le projet entre les animaux de compagnie et ceux gardés dans un but patrimonial ou de gain ainsi que les obstacles liés au droit successoral et à la liquidation du régime matrimonial ont été apparemment déterminants dans la décision du Conseil national de maintenir le statut quo. Une motion d’ordre Suter (prd, BE) qui demandait un second vote sur la question, a été écartée par 79 voix contre 85 et 6 abstentions [57].
L’initiative parlementaire Hans Meier (pe, ZH) intitulée « Animaux de rente. Elevage en liberté » n’a pas trouvé grâce devant la chambre du peuple, ceci malgré l’avis légèrement favorable (9 voix contre 8) de sa CER. Jugée par les opposants non nécessaire, peu réaliste et risquant de surcroît d’alimenter un marché insuffisamment important, cette initiative a été rejetée par 103 voix contre 58. Le texte exigeait notamment que tous les animaux d’une exploitation agricole puissent sortir tous les jours en plein air et passer l’été sur des pâturages, qu’ils soient maintenus dans des étables éclairées à la lumière du jour et nourris conformément aux besoins propres à leur espèce. L’initiative demandait également que l’abattage des animaux se fasse près du lieu d’élevage et que les manipulations génétiques, le clonage des animaux, les traitements à effet hormonal, les interventions douloureuses ainsi que l’élevage de races déficientes soient interdits. La modification de l’article constitutionnel sur l’agriculture serait devenue effective dix ans après l’entrée en vigueur de cette disposition, la Confédération cessant alors tout soutien aux éleveurs ne respectant pas les conditions préalablement définies [58].
A ce sujet, l’obligation des paysans de sortir leur bétail au moins 30 jours en hiver a finalement été maintenue suite à une procédure de consultation menée par l’administration fédérale auprès des cantons. Cette mesure est une des conditions d’obtention des paiements directs. Les éleveurs bernois avaient dénoncé une réglementation loufoque qui faisait courir, surtout dans les régions de montagne, le risque de nombreux accidents pour les animaux [59].
L’initiative parlementaire Haering Binder (ps, ZH) « Pas d’animaux transgéniques dans le secteur agricole » n’a pas rencontré plus de succès. A l’instar de sa commission, la majorité de la chambre basse n’a pas désiré revenir sur la décision populaire de 1998 qui rejetait l’initiative pour la protection génétique. Estimant que la mention « respect de la dignité de la créature et des animaux » était suffisante, le Conseil national a en effet refusé par 100 voix contre 66 de figer dans la Constitution l’interdiction des manipulations génétiques sur les animaux dans le secteur agricole, y compris la détention et l’utilisation d’animaux transgéniques. Par la voix du rapporteur Yves Guisan (prd, VD), la droite a notamment rappelé que le génie génétique agricole pouvait avoir d’autres fins qu’une seule augmentation de la production [60].
En attendant que le Conseil fédéral soumette au parlement le message « Gen-lex », le délai de traitement de l’initiative parlementaire Günter (ps, BE) a été prorogé jusqu’à la session d’automne 2000. Les objectifs de ce texte, auquel le Conseil national avait décidé de donner suite en 1997, devraient être atteints par la nouvelle législation sur la protection des animaux [61].
Le Conseil Fédéral a publié son message concernant un amendement de la Convention européenne sur la protection des animaux vertébrés utilisés à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques. La modification proposée vise à simplifier la procédure permettant des adaptations des deux annexes non contraignantes de la convention. Ces dernières contiennent les dispositions relatives à l’hébergement des animaux et aux soins à leur apporter, ainsi que des tableaux pour la transmission de données statistiques relatives à l’expérimentation animale. La Suisse fait partie de la consultation multilatérale qui a proposé ce protocole d’amendement. Les deux chambres ont accepté ce texte à l’unanimité [62].
La discussion sur un postulat de Hans Meier (pe, ZH) combattu par son collègue Föhn (udc, SZ) a été renvoyée. Le texte priait le Conseil fédéral de compléter l’ordonnance sur la protection des animaux par des dispositions applicables spécifiquement à la détention et au traitement des moutons, chèvres et chevaux (par exemple : liberté de mouvement plusieurs heures par jour). Ces trois catégories d’animaux domestiques ne bénéficient pas d’une protection autre que celle des dispositions générales, contrairement aux vaches ou aux cochons. Une pétition munie de 70'587 signatures demandant au Conseil fédéral de légiférer à ce sujet a été déposée par les protecteurs des animaux [63].
Dès le 1er avril de l’année sous revue, la vaccination obligatoire des chiens contre la rage a été supprimée par le Conseil fédéral. Cette mesure fait suite notamment à la décision de l’OMS de déclarer la Suisse libre de cette épizootie. Le dernier cas remonte à 1996. Certains cantons frontaliers ont fait savoir qu’ils maintiendraient probablement cette obligation en raison du risque plus élevé qu’ils affrontent [64].
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Chasse
La réintroduction du loup en Suisse a encore fait couler beaucoup d’encre en 1999. Au début de l’année, l’OFEFP a présenté un projet pilote comportant des mesures de soutien aux éleveurs de moutons, des facilités de défraiement et la possibilité de tuer les loups auteurs de trop nombreux dégâts. Concernant le lynx, l’OFEFP a finalement autorisé le tir de deux spécimens, coupables d’aimer un peu trop les moutons et a élaboré un autre projet pour mieux répartirces animaux sur le territoire helvétique [65].
Afin d’intégrer les besoins des milieux directement concernées et la volonté populaire d’accueillir à nouveau les grands prédateurs en Suisse, le radical John Dupraz (GE) a déposé une motion exigeant la révision de la loi sur la chasse. Cosignée par 48 députés, ce texte a finalement été transmis comme postulat par le Conseil national. Son auteur demandait la création d’une commission d’étude plurielle chargée de résoudre notamment le conflit de compétences entre les cantons et la Confédération [66].
 
[56] FF, 1999, p. 8822 ss. Voir aussi APS 1997, p. 143.56
[57] FF, 1999, p. 8118 ss. et 8880 ss. (CF); BO CN, 1999, p. 2489 ss. et 2538 ss.; LT, 14.12.99. Voir aussi APS 1998, p. 140 s.57
[58] BO CN, 1999, p. 439 ss.5
[59] LT, 17.2.99; TA, 19.2.99.59
[60] BO CN, 1999, 1285 ss.60
[61] BO CN, 1999, p. 1275 s.; voir aussi APS 1997, p. 143.61
[62] FF, 1999, p. 4521 ss.; BO CN, 1999, p. 1009 ss.; BO CE, 1999, p. 744 s.62
[63] BO CN, p. 2205; NZZ, 15.11.99 (pétition).63
[64] Express, 17.3.99 et 24h, 9.4.99.64
[65] Presse du 14.1 et 29.6 (loup); presse du 17.6, 26.6 et 8.7.99 (lynx).65
[66] BO CN, p. 1319 s.66