Année politique Suisse 1999 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie / Politique énergétique
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Ouverture du marché de l'électricité
Le Conseil national a transmis un postulat Rechsteiner (ps, BS) demandant à l’exécutif de favoriser une libéralisation anticipée du marché de l’électricité pour les nouvelles formes d’énergies renouvelables. L’exécutif s’est déclaré prêt à accepter le postulat [29].
Le Conseil fédéral a transmis au parlement son message concernant la loi sur le marché de l’électricité (LME). Il rappelle qu’il a décidé, début 1999, de soutenir l’introduction d’une taxe temporaire sur l’énergie et de compenser, de manière limitée, certains cas spécifiques d’INA de centrales hydrauliques. Cette question n’est pas traitée dans la LME. L’exécutif a décidé d’une ouverture sur six ans, alors que l’avant-projet en envisageait neuf. De plus, il a refusé de prévoir une pause de réflexion après six ans, ce qui aurait permis d’estimer la situation au niveau européen. Les exploitants des réseaux devront acheminer sans discrimination le courant des clients autorisés qui le souhaiteront. Pourront avoir accès au réseau, dès l’entrée en vigueur de la loi, les consommateurs dont la demande annuelle dépasse 20 gigawattheures (GWh), soit quelque 110 entreprises. En même temps, les entreprises de distribution auront également accès au marché, cela pour les quantités d’énergie fournies à des clients autorisés, ainsi qu’à hauteur de 10 % de leurs fournitures à des clients captifs. Cette première étape correspondra à une ouverture de 21 % du marché. Après trois ans, le seuil devrait s’abaisser à 10 GWh pour les clients, et la limite imposée aux entreprises distributrices sera relevée à 20 %. Après six ans, les entreprises de distribution et les consommateurs auront accès au libre marché sans restriction. Finalement, l’industrie de l’électricité devra instituer une société suisse pour l’exploitation du réseau de transport. Les exploitants auront trois ans pour convenir d’une solution [30].
Le président de l’Union des centrales suisses d’électricité (UCS) a réagi vivement au message de l’exécutif, jugeant trop rapide le projet de libéralisation en six ans. Toutefois, le conseiller fédéral Leuenberger a relativisé la situation, estimant que le parlement aura besoin au minimum de deux ans pour traiter le projet, si bien que la loi n’entrerait en vigueur qu’en 2002. L’ouverture totale du marché ne devrait donc pas être effective avant 2008. Par la suite, le président de l’UCS a rencontré, avec d’autres acteurs du marché de l’électricité, la Ceate du Conseil national en vue de l’examen du projet de l’exécutif. Le président de l’UCS a réclamé une adaptation au marché européen qui aura en 2007 des degrés d’ouverture divers: 33 % en France, 40 % en Italie, 50 % en Autriche et 100 % en Allemagne. Il souhaiterait que la Suisse ait la possibilité de réorienter sa politique en 2007, en fonction de la situation européenne. Il a également réclamé de régler au niveau de la LME la question des INA des centrales hydrauliques, pour éviter un vide juridique si les taxes énergétiques étaient rejetées en référendum [31].
En juillet, la Ceate du National s’est penchée sur le projet de loi de l’exécutif. Dans un premier temps, elle a souhaité attendre l’adoption de la taxe sur l’énergie par les deux Chambres, le projet devant régler la question de l’indemnisation des INA. La Ceate envisageait de laisser cet examen au nouveau parlement, élu en novembre. En septembre, elle est toutefois revenue sur sa décision, car sa remplaçante (nouvelle Ceate) n’aurait pas pu traiter l’objet avant décembre. En novembre, elle a proposé (12 voix contre 11) de lier l’entrée en vigueur de la LME avec l’acceptation populaire de la taxe d’incitation de 0,3 ct/kWh sur les énergies non renouvelables. De plus, elle a accepté l’idée d’une société nationale unique pour l’exploitation du réseau et refusé de traiter la question de l’indemnisation des INA dans la LME. Elle s’est prononcée pour une ouverture progressive sur six ans et pour l’accès immédiat au marché libéralisé des producteurs d’énergies renouvelables et des petites centrales hydrauliques [32].
Dans ce contexte d’ouverture prochaine du marché suisse de l’électricité et d’ouverture effective du marché européen en février, les producteurs suisses d’électricité ont accéléré leurs projets de restructuration et d’alliances nationales et étrangères. Notamment, quatre compagnies de la partie orientale du pays ont annoncé la mise en commun de leurs propres réseaux de transport au sein de Swissgrid SA. Il s’agit des Forces motrices de la Suisse centrale (CKW), d’Electricité de Laufenburg (EGL), des Forces motrices du Nord-Est de la Suisse (NOK) et des entreprises d’électricité de la ville de Zurich (EWK). Dans un premier temps, la nouvelle société sera chargée de l’exploitation et de l’entretien des réseaux. A terme, elle devrait devenir propriétaire des lignes de transport des quatre partenaires. Ce regroupement des réseaux des compagnies de l’Est fait suite à un processus identique de la part du groupe Ouest qui a constitué la SNG SA (société de réseau suisse) à la fin 1998. Ce groupe comprend Energie Ouest Suisse à Lausanne (EOS), Aar et Tessin SA d’électricité à Olten (Atel) et les Forces motrices bernoises (FMB). Ce sont donc dans les faits deux sociétés régionales de réseaux qui se sont constituées. Le Groupe Ouest s’est déclaré farouchement opposé à l’idée d’une société unique d’exploitation propriétaire des infrastructures, tandis que le Groupe Est a adhéré à cette proposition. Quant à l’Union des centrales suisses d’électricité (UCS), elle a proposé une sorte d’agence de coordination du réseau regroupant les différents propriétaires de réseaux, l’OSCAR (Office suisse de coordination d’accès au réseau) qui serait chargé de la distribution sur une base non discriminatoire [33].
Le mouvement de regroupement des compagnies électriques s’est encore amplifié en cours d’année. Trois des principaux fournisseurs d’électricité romands, CVE-RE (Compagnie vaudoise d’électricité et Romande Energie), les Entreprises électriques fribourgeoises (EEF) et Electricité neuchâteloise SA (ENSA) ont annoncé une alliance stratégique visant à développer des produits communs et de nouveaux marchés. La nouvelle alliance pourra compter sur 21 centrales hydroélectriques et 5 centrales thermiques. Toutefois, à terme, aucune fusion n’est envisagée, a déclaré le directeur d’EEF [34]. En novembre, les NOK ont constitué avec les entreprises électriques cantonales d’Argovie, Zurich, Schaffhouse, Thurgovie, Saint-Gall et des deux Appenzell, une société de vente et de commerce commune du nom d’Axpo. A long terme, elles ambitionnent de fusionner en un consortium d’électricité évoluant sur le marché international. Enfin, les entreprises électriques de 16 villes suisses ont annoncé leur alliance. Une société anonyme commune devrait voir le jour en février 2000 [35].
La Commission de la concurrence a annoncé l’ouverture d’une enquête contre les Forces motrices bernoises (FMB) qui ont refusé à un gros consommateur l’utilisation de leur réseau pour transporter l’électricité. Une plainte a été déposée par Swissmetal et EGL auprès de la Commission de la concurrence. Celle-ci a estimé que les entreprises en situation dominante sur le marché ne devaient pas refuser l’accès à leurs infrastructures. Les FMB ont riposté en déposant plainte auprès de la Commission de recours pour les questions de concurrence, afin d’obtenir l’ouverture d’une enquête sur la Commission de la concurrence, ainsi qu’un arrêt de la procédure [36].
 
[29] BO CN, 1999, p. 507. 29
[30] FF, 1999, p. 6646 ss. Voir également APS 1998, p. 169 ss. 30
[31] Presse du 8.6.99; Lib., 6.7.99. 31
[32] NZZ, 7.7, 8.9 et 24.11.99. 32
[33] Bund, 8.1.99; LT, 6.2.99. Voir également APS 1998, p. 170 s. 33
[34] Presse du 22.6.99; SHZ, 6.10.99. 34
[35] NZZ, 25.11.99; NLZ, 21.12.99. 35
[36] NZZ, 15.7.99. 36