Année politique Suisse 1999 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie / Energie nucléaire
print
Déchets nucléaires
En janvier, le Conseil fédéral a publié des chiffres concernant la mise hors service des centrales nucléaires suisses: la sortie du nucléaire devrait coûter 16,2 milliards de francs pour la démolition des centrales et l’entreposage définitif de leur combustible radioactif usé. Le stockage des déchets a été estimé à 13,7 milliards de francs. Le Conseil fédéral a précisé qu’en ce qui concerne la démolition des bâtiments, le fonds spécial prévu à cet effet se montait alors à 688 millions de francs. Pour le traitement des déchets radioactifs, les centraliers disposaient alors de réserves s’élevant à 6,25 milliards de francs. L’exécutif n’a toutefois pas exclu l’éventualité que des sociétés exploitantes ne soient pas en mesure d’assumer les coûts de désaffectation dans toute leur ampleur. Dans ce cas, certaines compagnies pourraient mettre à contribution leurs installations non nucléaires [44].
En mars, un recours administratif a été déposé par le Comité d’action de la Suisse du Nord-Ouest contre les centrales atomiques et par la Fondation suisse de l’énergie contre le Conseil fédéral pour n’avoir pas encore contraint les exploitants de centrales nucléaires à financer l’élimination de leurs déchets nucléaires. Le recours hiérarchique a été déposé auprès des commissions de gestion des Chambres fédérales. Selon les plaignants, les coûts pour l’élimination des déchets, jusqu’alors non financés, menacent d’être à la charge du contribuable. Les recourants réclament à l’exécutif d’ordonner la mise en place d’un fonds d’élimination des déchets. L’OFE a jugé le recours inutile, l’exécutif ayant prévu de mettre en consultation une ordonnance sur le sujet dans le courant du mois de mai, une nouvelle loi sur l’énergie atomique prendra ensuite le relais [45].
Par la suite, le Conseil fédéral a effectivement ouvert une procédure de consultation relative à une ordonnance sur le fonds pour la gestion des déchets radioactifs provenant des installations nucléaires. L’ordonnance prévoit que le fonds couvre tous les coûts d’évacuation des déchets survenant après l’arrêt définitif d’une centrale nucléaire. Les exploitants devront verser chaque année des contributions afin que les montants nécessaires soient réunis après 40 années de fonctionnement. Les besoins du fonds ont été estimés à 13,7 milliards de francs et devront être assurés annuellement par les exploitants des centrales. En outre, l’exécutif a renoncé au retraitement des assemblages combustibles usés. Toutefois, les contrats de droit privés déjà engagés pourront être honorés: les transports d’éléments radioactifs usés vers l’étranger ont donc pu reprendre dans la seconde partie de l’année. Selon les autorités de sécurité, la fréquence et l’ampleur des dépassements des valeurs limites pourront à l’avenir être significativement réduites [46].
Le Parti socialiste a vivement réagi à l’avant-projet de l’exécutif, qualifiant d’insuffisante l’ordonnance sur le fonds pour l’élimination des déchets nucléaires. Il a exigé que les exploitants des centrales prennent en charge, en l’espace d’une année, les milliards que coûte l’élimination des déchets. Le fonds devrait couvrir également les frais engendrés par les déchets durant l’exploitation et lors d’une désaffectation prématurée. Comme base de calcul, il faudrait partir d’une durée de vie des centrales de trente ans. Le PS a également demandé que les exploitants prennent en charge de manière solidaire les coûts [47].
Suite à la décision du gouvernement de reprendre le transport d’éléments radioactifs usés vers l’étranger, l’OFEN a délivré une autorisation pour le transport de quatre convois d’éléments irradiés de la centrale nucléaire de Gösgen (SO) à destination de la Hague (F). Ce fut la première autorisation depuis l’interdiction des convois en mai 1998, suite à l’affaire des wagons contaminés. Les mesures de protection du personnel ont été renforcées pour les opérations de chargement et de déchargement des combustibles irradiés. Les wagons seront désormais surveillés et contrôlés en permanence par des spécialistes, et tout incident devra être déclaré. A Gösgen, les transports ont effectivement repris à la fin août. Des activistes de Greenpeace ont tenté d’empêcher, sans succès, l’entrée en Suisse du wagon passant par la gare de Bâle. Le 1er septembre, une partie des éléments irradiés de Gösgen a quitté la centrale par le rail à destination de La Hague, suite à la libération par la police soleuroise de la voie ferrée à laquelle s’étaient enchaînés des militants de Greenpeace. Par la suite, d’autres transports d’assemblages combustibles épuisés sont partis de centrales suisses. L’organisation environnementale Greenpeace a déposé un recours administratif contre le conseiller fédéral Leuenberger, jugeant illégale la procédure d’autorisation de concession suisse délivrée pour ces transports vers l’étranger [48].
Greenpeace a en outre publié des documents montrant que l’industrie nucléaire suisse souhaitait envoyer des déchets hautement radioactifs en vue de leur entreposage et de leur retraitement vers la Russie. Cette information émanerait d’un entretien de 1998 entre des représentants du ministère russe de l’énergie atomique et des exploitants de centrales suisses (NOK et EGL), avec l’intermédiaire d’une firme allemande. Greenpeace a demandé que le Conseil fédéral s’engage formellement à exclure toute collaboration avec la Russie dans ce domaine. Au nom des exploitants des centrales, les NOK ont expliqué qu’il s’agissait d’une déclaration d’intention, et non d’un contrat, traitant de l’éventualité d’un dépôt final international pour déchets hautement radioactifs en Russie [49].
 
[44] LT, 21.1.99. 44
[45] Presse du 30.3.99. 45
[46] Presse du 8.6.99. Voir également APS 1998, p. 172 ss. 46
[47] 24h, 7.9.99. 47
[48] Presse des 19.8, 2.9 et 14.10.99; DETEC, communiqués de presse des 13.8 et 21.10.99; TA, 13.12.99. 48
[49] Presse du 13.1.99. 49