Année politique Suisse 2000 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Europe: UE
print
Adhésion à l’UE
La législature 2003-2007 devrait voir l’ouverture des négociations concernant l’adhésion de la Suisse à l’UE, selon le Conseil fédéral. Celui-ci, par la voix de Joseph Deiss, a annoncé à maintes reprises qu’il examinerait rapidement les conséquences d’une entrée dans l’Union, dans des domaines comme le fédéralisme, les droits populaires, les impôts – avec une TVA qui passerait à 15% –, la politique économique et monétaire. La perspective d’une ouverture des négociations a traversé l’entièreté des interventions du gouvernement en matière de politique étrangère au cours de l’année sous revue.
Plus concrètement, l’année fut rythmée au pas de l’initiative populaire «Oui à l’Europe» que les chambres fédérales ont empoigné dans un débat haut en couleurs. Premier jalon au calendrier, le Conseil fédéral a rejeté le texte de l’initiative et a proposé au parlement un contre-projet indirect, non soumis au referendum facultatif et principalement caractérisé par la confirmation du gouvernement de se donner comme but l’intégration de la Suisse à l’UE, ceci sans qu’un délai soit fixé, ainsi que par une totale autonomie du gouvernement quant à l’éventuel dégel de sa demande d’adhésion déposée en 1992 – comme prévu par la Constitution [17]. Suite à l’annonce du contre-projet fédéral, les initiants l’ont jugé trop laxiste et ont refusé de retirer leur texte, fixant des modalités et des délais très précis. Soumise au Conseil national en session estivale, l’initiative a déchaîné les passions et entraîné de nombreux remous au sein même des partis. Le jour du vote, 70 orateurs se sont succédés à la tribune, durant plus de neuf heures de débat. Par 113 voix contre 61, les parlementaires ont rejeté l’initiative populaire avant de s’échauder autour des nombreux contre-projets présentés par les partis. L’acceptation d’une alternative jouait un rôle fondamental de l’avis des pro-européens, désireux, à défaut de voir l’initiative acceptée par le peuple, de lancer un débat de fond sur l’urgence de renouer avec une demande d’adhésion. Finalement, le contre-projet enfanté dans le douleur par le PDC a été retenu de justesse par 99 voix contre 84. Le texte du PDC, un peu plus contraignant que celui du Conseil fédéral, exhortait ce dernier à préparer les négociations et à soumettre un rapport sur les conséquences institutionnelles, économiques, monétaires, sociales et environnementales d’une adhésion suisse. Toujours selon le contre-projet, le gouvernement aurait aussi l’obligation de préparer les réformes nécessaires, gardant toute discrétion quant au choix du moment adéquat pour une réactivation des discussions avec l’UE. La Chambre des cantons a rejeté l’initiative (par 33 voix contre 9) et son contre-projet démocrate-chrétien (par 29 contre 16). La majorité était d’avis que la Confédération ne devait pas se focaliser sur l’unique voie d’une adhésion à l’UE, mais laisser aussi le chemin libre pour d’autres formes de collaboration. A la Chambre du peuple comme au Conseil des Etats, le contre-projet a pu compter sur l’appui des socialistes, des Verts, des libéraux, d’une majorité du PDC et d’une minorité des radicaux. Le refus alémanique fut très net à la Chambre des cantons: un seul sénateur germanophone s’est engagé en faveur du contre-projet [18].
Suite au refus des Etats, le Conseil national a rapporté à la session suivante le dossier européen, alors que les promoteurs de l’initiative «Oui à l’Europe» annonçaient qu’ils ne retireraient pas leur texte au cas où les Chambres ne parviendraient pas à s’entendre sur un contre-projet acceptable [19]. Au cours de la pause estivale, la commission de politique extérieure du Conseil national a confirmé son attachement au texte du contre-projet parlementaire, par 15 voix contre 8 [20]. A la session d’automne, la Chambre du peuple a maintenu son soutien au contre-projet, par 97 voix contre 83, selon la même découpe partisane qu’à la session précédente. Après que la commission de politique extérieure du Conseil des Etats eut à nouveau refusé le texte par 8 voix contre 5, la Chambre des cantons a définitivement enterré le contre-projet, à une majorité de 26 voix contre 15 [21]. Les initiants ont annoncé leur volonté de présenter malgré tout leur initiative au peuple, regrettant que le refus d’un contre-projet ne leur permettait pas de la retirer [22].
Face au maintien de l’initiative «Oui à l’Europe» par ses promoteurs, le Conseil fédéral a inscrit au 4 mars 2001 la votation populaire. A ce sujet, l’Union syndicale suisse et le Comité des syndicats chrétiens se sont prononcés en faveur du oui en toute fin de l’année [23].
 
[17] FF, 2000, p. 3322 ss.17
[18] BO CN, 2000, p. 538 ss.; BO CE, 2000, p. 327 ss. et 358 ss.; presse du 8.6 et 16.6.00.18
[19] LT, 3.7.00.19
[20] LT, 15.8.00.20
[21] BO CN, 2000, p. 920 ss.; BO CE, 2000, p. 623 ss.21
[22] NZZ, 23.10.00.22
[23] FF, 2000, p. 5384; TG, 19.12.00 (CSC); LT, 22.12.00 (USS).23