Année politique Suisse 2000 : Chronique générale / Défense nationale / Défense nationale et société
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Réduction ou suppression de l’armée
Le peuple s’est prononcé en novembre sur l’initiative populaire « Economiser dans l’armée et la défense générale – pour d’avantage de paix et d’emplois d ‘avenir (initiative en faveur d’une redistribution des dépenses)». Il l’a rejeté à 62,3% contre 37,7%, suivant ainsi les recommandations émises conjointement par le Conseil fédéral et l’Assemblée fédérale. Cette initiative avait été déposée par le parti socialiste en 1997. Elle avait pour but de réduire de moitié les dépenses militaires par rapport au compte de 1987 et d’allouer les économies ainsi obtenues à la promotion d’une politique de paix et à la reconversion civile des entreprises d’armement. Le Conseil des Etats a, comme le Conseil national en 1999, suivi l’avis du gouvernement en acceptant son arrêté défavorable à l’initiative (36 contre 6) [11].
La campagne autour de l’initiative s’est cristallisée en un axe gauche-droite traditionnel. Redistribution sociale des dépenses, promotion des droits de l’homme et prévention des conflits devaient constituer les véritables enjeux de la votation selon les arguments socialistes, écologistes et groupements syndicaux. Pour les cent-cinquante parlementaires radicaux, libéraux, PDC et UDC réunis dans le comité «Non à une Suisse sans sécurité», l’initiative était superflue, mal adaptée et sans considération pour les importantes réductions budgétaires déjà réalisées, reprenant par ces arguments les positions du Conseil fédéral [12].
Au sein du gouvernement, Adolf Ogi s’est personnellement investi et a joué un rôle prépondérant dans la campagne contre l’initiative socialiste. Selon lui, cette dernière heurtait de front la réforme de l’armée. Ses prises de position furent au centre des débats, constamment mises en exergue par les journalistes et abondamment commentées. De l’avis des médias, le rejet de l’initiative constitua aussi bien un aval populaire accordé à la politique de défense du conseiller fédéral qu’une victoire personnelle pour Adolf Ogi.
Deux mois avant la votation, la campagne a été animée par un postulat déposé par Susanne Leutenegger (ps, BS) demandant que le Conseil fédéral évalue périodiquement le coût de la défense nationale en termes de travail, de capital et de biens fonciers, qu’il établisse périodiquement une comparaison internationale sur la base de relevés ciblés et qu’il en publie les résultats. Le Département de la défense avait par ailleurs déjà réalisé une telle étude, démontrant que les chiffres réels de l’armée, si l’on prend en compte les coûts à la charge des cantons, des communes et de l’économie, s’élèvent à 9,3 milliards de francs au lieu des 5 milliards traditionnellement déclarés [13]. Alors que, dans un souci de transparence motivée par la campagne en cours, le Conseil fédéral s’est déclaré prêt à accepter le postulat, ce dernier a occasionné une levée de boucliers massif de la part des partis bourgeois. La Chambre du peuple l’a finalement rejeté par 77 voix (radicaux, démocrates-chrétiens, démocrates du centre) contre 74 (socialistes, verts, libéraux). Alimentant la campagne, ce postulat a été l’occasion pour les partisans de l’initiative socialiste de stigmatiser le caractère tabou des chiffres de la défense dans le débat politique [14].
Initiative populaire « Economiser dans l’armée et la défense générale – pour d’avantage de paix et d’emplois d’avenir »
Votation du 26 novembre 2000

Participation: 41,2%
Oui: 885 636 (38,0%) / 4 cantons
Non: 1 198 688 (62,0%) / 22 cantons

Mots d'ordre:
Oui: PS, PEP (2*), PE, PdT ; USS.
Non: PRD(1*), PDC, UDC, PL, PdL, Lega, DS, UDF ; Economiesuisse, USAM, USP.
– Liberté de vote: CSC.

* Recommandations différentes des partis cantonaux
Le résultat des votations a fait apparaître un fossé important entre la Suisse alémanique et le reste du pays. Alors que quatre cantons romands ont accepté l’initiative (Jura avec 62,6% de oui, Genève, Neuchâtel et Vaud), elle est rejetée par tous les cantons alémaniques, avec un record de 80,3% de non à Uri. Au total, l’initiative a été acceptée par 50,3% des voix dans l’ensemble des cantons romands et le Tessin, alors qu’elle n’a recueilli que 33% des suffrages positifs outre-Sarine [15].
Ce résultat indiquait toutefois que l’armée suisse avait conservé un prestige important aux yeux de la population helvétique. Elle a fait apparaître des lignes de forces inchangées depuis 1989, lorsque l’initiative populaire «Pour une Suisse sans armée» avait été rejetée à 64,4% de non par les électeurs. En parallèle à cette votation, le Conseil fédéral a proposé aux Chambres le rejet des deux initiatives déposées par le GSSA en 1999. La première, intitulée «Pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée», propose la disparition pure et simple de l’armée et la promotion d’une politique active de paix sociale; le seconde, sous le titre «La solidarité crée la sécurité: pour un service civil volontaire pour la paix (SCP)», représente le corollaire de la première par la création d’un organisme civil de promotion de la paix [16].
 
[11] BO CE, 2000, p. 227. Cf. APS 1999, p. 114.11
[12] Lib., 12.10.00 (gauche); TG et Lib., 30.9.00 (droite).12
[13] «Coûts de la défense nationale» du DDPS, disponible en allemand, presse du 5.10.00.13
[14] BO CN, 2000, p. 1136 ss.14
[15] FF, 2001, p. 1177 ss.; presse du 27.11.00. Voir aussi Andreas Siedler e.a., Analyse des votations fédérales du 26 novembre 2000. Analyse VOX no 72, Zurich 2001.15
[16] FF, 2000, p. 4463 ss. (Suisse sans armée) et 4511 ss. (service civil volontaire); cf. APS 1999, p. 114.16