Année politique Suisse 2000 : Economie / Agriculture
 
Production animale
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Lait
La Fédération des producteurs suisses de lait (PSL) a rendu un rapport positif pour l’exercice 2000. Les producteurs ont réalisé une production record de 3,2 millions de tonnes de lait. Les ventes de lait de consommation ont augmenté de 5% par rapport à 1999, et celles du beurre se sont maintenues. 146 000 tonnes de fromage ont été produit, soit 20 000 de plus qu’en 1990. La part des fromages indigènes sur le marché suisse a elle aussi augmenté. Malgré tout, ces résultats ne suffisent pas à assurer le revenu des producteurs qui, selon les représentants de la PSL, sont pour un tiers d’entre eux des «working poors». L’année précédente, 1571 paysans avaient abandonné la production laitière. Les représentants ont rejeté l’éventuelle baisse du prix-cible du lait et ont pronostiqué une hausse des prix à la consommation au cours de 2001 : selon eux, le kilo de beurre pourrait augmenter de 80 centimes à 1 franc, et les denrées à l’exportation comme l’emmental et le gruyère pourraient connaître un sort similaire [12]. Ces augmentations viendraient aussi compenser la suppression de 80 millions de francs annuels de subventions fédérales en faveur de la mise en valeur du lait [13].
Autre inquiétude: une étude publiée par l’OFAG ouvre les perspectives d’une libéralisation accrue du contingentement laitier actuel. Selon cette analyse, il faudrait que les producteurs de lait suisses réduisent leurs frais de production d’au moins 25 centimes par litre, afin de s’aligner sur le marché de l’UE. Cet effort impliquerait une augmentation de la production moyenne de 100 000 kilos par an, et une redéfinition de l’économie laitière en région de montagne, toujours moins compétitive par la taille réduite de ses exploitations [14]. Sans attendre le développement concret de ces projections, une délégation de l’UPS a bloqué une filiale de Migros pour protester contre la politique des prix fixés par les grands distributeurs [15]. En début d’année, le gouvernement avait pourtant fait un premier geste en renforçant son aide aux fromagers, en prenant en charge le 10% du prix payé par ceux-ci pour un litre de lait. En contrepartie, la Confédération a réduit, parfois de moitié, l’aide à l’exportation des fromages suisses [16]. A relever enfin le rejet au National d’une motion Baumann (pe, BE) qui proposait de supprimer purement et simplement le contingentement laitier, selon lui source d’iniquité en matière de commerce et de production du lait. Le Conseil fédéral avait contré cette initiative en rappelant que le contingentement laitier représentait un appui important aux modalités inédites du marché nouvellement libéralisé, principalement vis-à-vis de l’UE et de son propre régime de contingentements très strictes, et que ce système avait déjà bénéficié d’une souplesse accrue dans son fonctionnement avec la mise en pratique de la nouvelle économie agricole, en mai 1999. Ces arguments ont convaincu la Chambre du peuple qui a rejeté la motion Baumann par 79 votes contre 34 [17].
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Viande
Le phénomène de la «maladie de la vache folle» a pris une tournure jamais atteinte, plaçant la polémique dans une spirale de psychose grandissante du côté des consommateurs suite à de nouvelles découvertes de vaches malades en Suisse. Premier jalon d’une panique qui a eu de sensibles conséquences au niveau de la consommation de viande bovine, l’Office vétérinaire fédéral (OVF) a annoncé au début de l’année sous revue avoir dénombré 50 cas d’encéphalite spongiforme bovine (ESB) en 1999, alors que «seulement» 14 cas avait été détecté au cours de l’année précédente. En contrepartie, les producteurs et les autorités helvétiques ont pu se féliciter de la levée par l’Allemagne de l’embargo sur le bœuf suisse, décrété en 1996. Plus précisément, cette mesure saluée par le Secrétariat d’Etat à l’économie et l’OVF faisait suite à la classification de la Suisse par le comité scientifique de l’UE en catégorie 3 – risque probable mais non confirmé, ou confirmé mais faible – au «palmarès» des pays européens producteurs de bœuf. Rejoignant l’Allemagne, la France et l’Italie, ce rang a offert à la Confédération un argument de poids dans ses négociations avec les quarante pays qui boycottaient encore la viande bovine helvétique, faisant chuter les exportations suisses d’animaux vivants de 15 000 en 1995 à 11 en 1999 ! Autre bon point pour la Suisse : la France a choisi un test zurichois pour soutenir son vaste programme de dépistage de l’ESB à l’échelon national. L’entreprise Prionics a été préférée à deux autres tests français et irlandais. Ce choix marquait une reconnaissance des méthodes de dépistage helvétiques, dont les principales caractéristiques ont été utilisées par la France dans l’examen de 48 000 vaches sur l’ensemble de son territoire. Enfin, l’OVF a insisté plusieurs fois au cours de l’année sous revue sur la date probable de l’éradication totale des cas d’ESB dans le cheptel suisse : selon l’Office fédéral, la population bovine nationale (1,7 millions de têtes) devrait encore receler environ 150 cas de vaches atteintes par les germes de la maladie, mais dont l’infection n’a pas encore pu être détectée. 110 d’entre elles devraient être reconnues dans les années à venir, et la maladie devrait être éradiquée à l’horizon 2010 [18].
En fin d’année, l’Office vétérinaire fédéral a pris les devants en proposant au Conseil fédéral de bannir les farines animales de l’alimentation de tous les animaux d’élevage [19]. Jusqu’alors, les mesures d’interdiction touchaient uniquement les farines destinées aux ruminants. La Suisse produisait ainsi 200 000 tonnes de déchets carnés issus des abattoirs, dont la moitié était transformée en farine. Par ce biais, l’administration fédérale espérait rendre totalement imperméable la propagation de l’encéphalopathie spongiforme bovine. Allant encore plus loin dans ces mesures, et exploitant à bon compte la psychose ambiante, l’UDC a demandé au Conseil fédéral que la Suisse interdise le gros bétail étranger sur son territoire [20]. Dans la foulée, et afin de rassurer la population, l’OVF a annoncé renoncer à la diminution du nombre des tests, décidée quelques semaines plus tôt. L’Office avait en effet programmé de ne tester plus que 4000 vaches par année, au lieu des 7000 habituels. Le climat tendu a eu raison de cette proposition. A la même période, les ministres de l’Agriculture de l’UE réunis à Bruxelles ont aussi décidé d’une augmentation drastique du nombre d’analyses, de 170 000 à 400 000 par année [21]. Dans le même temps, les Pays-Bas, la Grèce et l’Allemagne ont fermé leurs frontières aux pays européens producteurs de farines animales, parmi lesquels la Suisse apparaissait en bonne place [22].
Apportant leurs voix dans un climat social déjà très tendu, l’Union suisse des paysans et l’interprofession Proviande se sont jointes à l’OVF pour réclamer l’interdiction des farines animales [23]. Le gouvernement a rapidement réagi en modifiant l’ordonnance sur les épizooties: dès le 1er janvier 2001, plus aucune farine carnée ne pourra être produite ou utilisée dans la chaîne alimentaire en Suisse. La production d’engrais, ainsi que toutes les graisses issues de la fabrication de ces farines, seront aussi prohibés. La Confédération prendra en charge les trois quarts des frais inhérents à l’incinération des stocks existants et des futurs déchets carnés, frais estimés à 40 millions de francs au total. L’USP a souhaité que les consommateurs paient les 10 millions restants : selon elle, le remplacement des farines animales par des protéines végétales coûtera 15 millions aux producteurs, alors que ces derniers auraient déjà subi une perte du même ordre suite à la chute des prix [24].
Une motion du président de l’USP Marcel Sandoz (prd, VD) a été acceptée au National par 123 voix contre 5. Celle-ci exigeait que la viande de bœuf américain élevé aux hormones de croissance soit interdite en Suisse, et que les méthodes d’élevage soient systématiquement en accord avec la législation helvétique dans le domaine. Le parlementaire a rappelé que 15 à 20% des viandes produites hors de l’UE contiennent des traces d’hormones prohibés en Suisse. Malgré l’opposition du gouvernement envers cette proposition – en particulier le très net refus du chef de l’Economie –, la Chambre du peuple a tranmsis la motion au Conseil des Etats [25]. D’ores et déjà, les producteurs de bœuf américain ont mis en garde la Suisse contre une interdiction politique qui ne serait pas sans conséquences défavorables pour les exportations agricoles suisses vers les Etats-Unis. La Chambre haute devait se prononcer sur la question début 2001, et plusieurs de ses membres se sont d’ores et déjà plaint du lobbying mené au parlement par le patronat sous le prétexte des intérêts économiques nationaux [26].
 
[12] Lib., 12.4.01.12
[13] Lib., 25.10.00.13
[14] LT, 30.8.00.14
[15] Presse du 9.3.00. A relever que le CN a transmis une motion Kunz (udc, LU) demandant que le prix du lait soit à l’avenir moins dépendant des barèmes fixé par le CF (qui, dans le cadre de PA 2002 propose un prix cible non contraignant à la place de l’ancien prix garanti) et que les producteurs et distributeurs puissent se référer de manière accrue aux fluctuations du marché (BO CN, 2000, p. 1194 et 1601).15
[16] Lib., 9.2.00.16
[17] BO CN, 2000, p. 685 s.17
[18] Lib., 18.3 (recensement OVF) et 9.6.00 (test zurichois); TG, 10.2 (prévision OVF) et 2.6.00 (classification UE).18
[19] Presse du 4.12.00.19
[20] LT, 17.11.00.20
[21] LT, 21.11.00.21
[22] TG, 28.11.00.22
[23] TG, 11.12.00.23
[24] Presse du 21.12.00.24
[25] BO CN, 2000, p. 687 s.; TA, 16.6.00.25
[26] LT, 27.10.00.26