Année politique Suisse 2000 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie / Politique énergétique
La CEATE du Conseil national a poursuivit ses délibérations concernant la loi sur le marché de l'électricité (LME), proposée en 1999 par le Conseil fédéral. Le renouvellement de la moitié de la commission a remis au goût du jour les points controversés, comme d'une part le
lien entre la
LME et les taxes énergétiques et, d'autre part, le sort réservé aux investissements non amortissables
(INA). Celles-ci représentent les sommes que les sociétés électriques ont investies dans leurs centrales et qu'elles ne pourront pas amortir d'ici à l'ouverture du marché. Les propositions de la «nouvelle»' Commission ont été de lier formellement l'entrée en vigueur de la LME à celle de la loi sur une taxe d'encouragement (LTE) prélevée sur les énergies non renouvelables et destinées partiellement à financer les INA. Une minorité des membres de la Commission, proche de l'industrie de l'électricité non hydraulique et de l'économie en général, s'est élevée pour réclamer leur séparation. Elle s'opposait à cette taxe et voulait soumettre au parlement la proposition que des prêts soient consentis par le Conseil fédéral pendant 10 ans aux centrales hydrauliques mises en difficulté suite à l'ouverture du marché
[7].
Lors de la session de mars, le
Conseil national s'est occupé de la nouvelle loi. Toutes les parties, même le PS, étaient pour une entrée en matière. Malgré tout, Maillard (ps, VD) a demandé à la commission son rejet et a rappelé aux membres de son parti la décision qui avait été prise lors du Congrès du Parti Socialiste en 1999, à savoir le rejet fondamental de la libéralisation du marché de l'électricité. Sa proposition fut écrasée par 136 voix contre 19. Celle de Zisyadis (pdt, VD) eut encore moins de succès, puisqu'elle n'a même pas passé la rampe. Sur la question de savoir comment assurer après la libéralisation un accès non discriminatoire au réseau à haute tension, le Conseil national s'est rallié par 104 voix contre 46 à la solution proposée par le Conseil fédéral d'une
société nationale de droit privé unique pour l'exploitation du réseau électrique. Quant aux propositions de la gauche (contrôle par l'Etat de la Société nationale) et de celle de Hegetschweiler (prd, ZH) (organisation de l'accès réglée par les sociétés d'électricité elles-mêmes), elles ont été repoussées. Le Conseil national s'est ensuite attaqué au
rythme d'ouverture du marché de l'électricité. Par 139 voix contre 31, il a opté pour une ouverture en 3 étapes réparties sur 6 ans. Lors de l'entrée en vigueur de la loi, agendée pour 2002, seuls les 110 entreprises consommant 20 gigaWatt/heure et plus pourront choisir librement leur fournisseur. Cette ouverture sélective représenterait 10% du marché pour les distributeurs d'électricité. Dans une seconde étape, dès 2005, l'approvisionnement sera ouvert pour les entreprises consommant 10 gigaWatt/heure, ce qui représentera 20% du marché. La dernière étape, 2008, représentera l'ouverture intégrale en termes de marché et de consommateurs. Concernant l'ouverture, le Conseil national a rejeté la proposition de Rechsteiner (ps, BS) et du PS pour une libéralisation activée, par 139 à 31. Les motivations inhérentes à cette proposition socialiste peu orthodoxe étaient que si le marché devait être ouvert rapidement, les consommateurs devaient pouvoir en jouir immédiatement. La majorité parlementaire, allant dans le sens du Conseil fédéral, a préféré mettre sur pied une libéralisation par étapes, parce que celle-ci permettait aux entreprises locales de se préparer progressivement à la pression de la concurrence. La nouvelle proposition de la CEATE de
lier directement la LME et la taxe promotionnelle pour assurer le financement des INA a été acceptée par une majorité du Conseil national (93 contre 88) formée par la gauche et le PDC. Lors du vote sur l'ensemble, le Conseil national a approuvé par 104 voix contre 24 la loi sur le marché de l'électricité. Une forte minorité du PS a voté non et un grand nombre d'élus du PRD et de l'UDC (51) se sont abstenus. Comme la solution trouvée au Conseil national pour les INA dépendait du résultat de la votation populaire du 24 septembre sur la taxe sur l'énergie, le Conseil des Etats a renvoyé le débat sur la LEM à la session d'automne
[8].
Après le rejet de la taxe par le peuple (voir supra), la CEATE du CE a repris la proposition radicale qui n'avait pas trouvé grâce au Conseil national, à savoir accorder des prêts remboursables à des centrales qui ne seraient pas en mesure de faire face à la libéralisation de ce secteur économique. Elle compensait les moyens qui faisaient défaut suite au rejet de la taxe de 0,3ct/kWh. Le
Conseil des Etats a accepté cette solution à l'unanimité. La proposition de Maissen (pdc, GR) d'accorder une aide à plus long terme n'a par contre pas réussi à trouver de majorité (18 voix contre 8). La décision du Conseil d'Etat de créer une seule société nationale unique de droit privé pour la gestion du réseau électrique a été acceptée, mais le Conseil des Etats a ajouté un verrou contre les tentatives de main mise étrangère en introduisant la clause que la Confédération et les cantons seraient représentés au conseil d'administration et que la société devrait conserver une majorité suisse. Le Conseil des Etats a donné son aval au rythme de libéralisation du marché en trois étapes proposé par le gouvernement et le Conseil national. Il a même un peu accéléré la part de courant acheté sur le marché libre par les distributeurs en la faisant passer de 10 à 20% pour la première phase et de 20 à 40% pour la deuxième. Tout cela sous la condition que leurs clients puissent pleinement profiter des meilleurs prix. Pour protéger les régions périphériques, le Conseil des Etat a en plus ajouté un article, qui prévoit la fondation d'un fonds de compensation pour éviter des prix trop élevés. En vote d'ensemble, le Conseil d'Etat acceptait par 28 voix sans opposition la LME
[9].
Au début de ses
délibérations en vue d'éliminer les divergences, le Conseil national a refusé la proposition de la gauche de revenir sur la création d'une société privée nationale destinée à exploiter le réseau de transport de l'électricité et de confier la dite tâche à un monopole étatique. Le National s'est ensuite aligné sur la décision du Conseil des Etats d'accélérer le processus de libéralisation, mais il a élargi le champ d'application des mesures de soutien aux centrales hydrauliques. Il a décidé d'accorder des prêts non seulement pour les INA mais aussi pour des investissements de modernisation. Le Conseil des Etats a d'abord rejeté contre l'avis des socialistes et des représentants des cantons de montagne cette aide pour les futurs investissements, mais il l'a finalement accepté sous condition qu'elle améliore notablement la rentabilité des centrales et leur comptabilité avec l'environnement. Après le règlement des dernières divergences par la Conférence de conciliation,
la LME s'est vue approuvée en décembre en votation finale par les Chambres Fédérales. Le Conseil des Etats l'a accepté par 36 voix contre 2, et le Conseil national par 160 voix contre 24. Ce dernier vote a mis en évidence la fracture entre la gauche alémanique qui soutenait le projet et la gauche romande qui s'y opposait
[10].
Suite à la ratification de la loi, le Syndicat des services publics (SSP) et la FTMH ont annoncé le lancement d'un
référendum en début de l'an 2001
[11].
[7]
LT,
22.2.00. Voir aussi
APS 1998, p. 168.7
[8]
BO CN, 2000, p. 252 ss., 259 ss. et 326 ss.;
BO CE, 2000, p. 276 ss.; presse du 16.3 et du 21.3.00.8
[9]
BO CE, 2000, p. 276 ss.; presse du 26.9.00 et du mois d'octobre 2000;
LT, 25.11.00.9
[10]
BO CE, 2000, p. 807 ss. et 942;
BO CN, 2000, p. 1286 ss. et 1613; presse du 30.11 et du 24.11.00;
TG, 5.12.00;
Lib., 12.12.00.10
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