Année politique Suisse 2001 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Principes directeurs
En début d’année, le Conseil fédéral a rendu public son rapport de politique extérieure 2000. Ce dernier dresse un portrait de la situation internationale et propose les futures pistes à suivre pour le gouvernement. Face à la globalisation, à la construction européenne en contrepoids de la prédominance américaine, aux migrations, à la pauvreté et aux enjeux de l’ère numérique, le rapport met en avant une coopération internationale qui n’entame ni l’indépendance, ni la marge de manœuvre de la Suisse. Parmi les objectifs annoncés: ceux d’une adhésion à l’ONU et d’une réouverture des négociations en vue d’une entrée dans l’Union Européenne (UE), alors imaginée pour la magistrature 2003-2007 [1]. Le rapport met aussi l’accent sur l’importance d’une participation helvétique au nouvel espace européen de sécurité dit «de Schengen», projet que la responsable du Département fédéral de Justice et Police Ruth Metzler a défendu en priorité auprès de ses homologues européens durant l’année sous revue.
Anticipant sur sa position monolithique vis-à-vis du contre-projet à l’initiative populaire «Oui à l’Europe» (voir infra), le Conseil des Etats s’est montré critique envers le rapport fédéral. Les vœux gouvernementaux pour une adhésion à terme à l’UE ne l’ont pas convaincu, si bien que les sénateurs, par 25 voix contre 13, ont pris acte du rapport sans l’approuver. Deux mois plus tôt, la commission de politique extérieure des Etats avait déjà choisi cette option, à 8 contre 3. Au but explicite d’une adhésion européenne, la chambre haute préfère des horizons plus variés, comprenant notamment des accords bilatéraux et l’éventualité d’un nouvel Espace économique européen (EEE) [2]. Le rapport a été mieux accueilli au National. A l’exception de l’aile blochérienne des parlementaires UDC – fermement opposée aux objectifs de l’ONU et à une adhésion à l’UE – et d’une minorité radicale préconisant de prendre acte du rapport sans approuver, la majorité a donné son aval au texte gouvernemental (98 contre 40) [3].
Pour la première fois, le Conseil fédéral a présenté à l’Assemblée fédérale un rapport sur les traités internationaux conclus en 2000. Cette disposition fait suite à un nouvel article ajouté à la loi sur les rapports entre les conseils: chaque année, le gouvernement devra dresser la liste des traités entre la Suisse et un autre Etat. Dans ce rapport, le Conseil fédéral énumère les pays et les interlocuteurs gouvernementaux avec qui il a collaboré, et précise les dates et les grandes lignes du traité conclu [4].
En toute fin de l’année sous revue, et de façon plutôt informelle, Moritz Leuenberger a exposé au nom du gouvernement des objectifs pour l’année 2002. Parmi les buts principaux de la politique extérieure, l’adhésion à l’ONU, la conclusion des négociations bilatérales, le renforcement de la sécurité intérieure (lutte contre l’extrémisme de droite, renforcement de la loi sur les armes, répartition plus efficace des tâches de la police entre Confédération et cantons). Le Président de la Confédération sortant a toutefois rappelé les difficultés de projections, même à court terme, citant les exemples de Swissair et du terrorisme pour l’année 2001 [5].
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Neutralité
Le thème de la neutralité a traversé l’entier du débat politique au cours de l’année sous revue. Les échéances sur le vote d’une adhésion à l’ONU ont notamment conduit à deux demandes parlementaires: la première, formulée par Rolf Büttiker (prd, SO) sous la forme d’un postulat, exigeait du Conseil fédéral l’ouverture d’une large discussion nationale sur la neutralité de la Suisse et ses implications onusiennes. Le gouvernement a accepté le postulat, plaçant ce projet dans la continuité des prises de position multiples du Conseil fédéral vis-à-vis de l’enjeu de la votation. La seconde, présentée par Christoffel Brändli (udc, GR) via une recommandation, soulignait l’importance, pour le Conseil fédéral, d’expliciter sa position de neutralité dans le texte de sa demande d’adhésion à l’ONU. Joseph Deiss a aussitôt rendu public le texte à transmettre aux Nations Unies en cas de vote positif (voir infra, «ONU») [6].
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Participation des cantons à la politique étrangère
Dans le cadre des négociations préliminaires du second volet des accords bilatéraux (voir infra), la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC) a adressé une lettre de mécontentement au Conseil fédéral. Les cantons souhaiteraient être plus activement impliqués dans les discussions bilatérales, notamment sur des dossiers qui les touchent de près, comme la fraude douanière ou l’application des accords de Schengen sur la libre circulation des personnes. Par la voix du conseiller aux Etats Peter Schönenberger (pdc, SG), la CdC a rappelé que la Constitution réserve des prérogatives précises aux cantons en matière de politique étrangère, alors que le Conseil fédéral, lors de discussions avec les représentants de l’UE, a lancé des propositions sans vérifier au préalable la position des cantons [7]. Suite à ce saut d’humeur notamment, le gouvernement a demandé à la CdC de se prononcer sur un mandat de négociations préliminaires: dans leur réponse, les cantons ont insisté sur leur «grand scepticisme» quant à l’urgence de nouvelles négociations, rappelant que le premier paquet de bilatérales n’était pas encore mis en œuvre et que le second, sur les dossiers touchants les cantons – entre autres, justice, police, fiscalité et formation –, était à la fois trop important et trop lacunaire pour que des décisions puissent être prises en l’état. 22 cantons sur 26 se sont prononcés dans ce sens [8]. Au fil des entretiens liminaires, le gouvernement a ensuite voulu rassurer les cantons sur le maintien de leurs compétences en cas d’une adhésion au régime de Schengen: selon la Confédération, la répartition des tâches entre elle et les cantons ne sera pas modifiée, ni par Berne, ni par Bruxelles [9].
 
[1] Le rapport sur la politique extérieure 2000 a été discuté avant les résultats de l’initiative populaire «Oui à l’Europe», dont le refus écrasant par le peuple a conduit le Conseil fédéral à plus de réserve dans son calendrier européen. Voir infra.1
[2] FF, 2001, p. 237 ss.; BO CE, 2001, p. 33 ss.; presse du 16.1.01 (commission).2
[3] BO CN, 2001, p. 727 ss.3
[4] FF, 2001, p. 5227 ss.4
[5] Presse du 4.12.01.5
[6] BO CE, 2001, p. 676 s. (Büttiker); BO CE, 2001, p. 677 ss. (Brändli); presse du 20.9.01 (texte de l’adhésion).6
[7] LT, 9.2.01.7
[8] LT, 14.4.01.8
[9] LT, 4.10.01.9