Année politique Suisse 2001 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Europe: UE
Suite aux attentats new-yorkais, et au terme d’une Conférence européenne élargie à 40 pays, la Suisse a adhéré à une coalition contre le terrorisme visant à élargir le mouvement de solidarité avec les Etats-Unis et à afficher un soutien aux actions militaires en Afghanistan. Commentant cette adhésion, Joseph Deiss a insisté sur l’importance de ne pas sacrifier à la lutte contre les terrorisme les principes essentiels du respect des droits de l’homme [10].
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Accords bilatéraux avec l’UE
Alors que la ratification par les pays membres de l’UE du premier volet des accords bilatéraux, accepté par le peuple en 2000 [11], devait être réalisée en début de l’année sous revue, celle-ci a connu de nombreux retards dans sa procédure, au niveau européen comme à celui des Etats signataires. Du premier au deuxième semestre 2001, la signature était au terme de l’année finalement annoncée pour le premier semestre 2002 [12]. Les Quinze se sont fait tirer l’oreille pour ratifier les accords avec la Suisse, mettant sur la table les lenteurs, voire les réticences de la Confédération à se positionner de façon satisfaisante sur les dossiers de la fraude fiscale, synonymes d’une meilleure transparence de la part des banques helvétiques. En milieu d’année, il manquait encore la ratification belge, française, irlandaise, allemande, finlandaise et hollandaise. Au cours de l’été, les parlements de ces trois derniers pays ont apposé les signatures au texte de l’accord. En France, l’Assemblée nationale a ratifié à mains levées les accords bilatéraux, après que la Commission des affaires étrangères a donné son aval par 10 oui contre 2 non et 3 abstentions. Les débats ont mis en exergue la question encore chaude du statut des transfrontaliers français, qui perdront le libre choix de leur couverture sociale [13]. Hasard du calendrier, l’Irlande a avalisé l’accord le lendemain de la ratification française [14]. En Belgique, le Sénat est parvenu à retarder de deux semaines symboliques la signature par le gouvernement de l’accord entre le Suisse et l’UE sur la libre circulation des personnes: un moyen de faire part de son mécontentement face à la gestion helvétique de la crise du couple Sabena-Swissair [15]. Les Parlements flamand et wallon ont finalement signé les accords en décembre, faisant de la Belgique le dernier pays à ratifier les bilatérales [16]. Au niveau européen, les Quinze doivent encore officiellement ratifier le paquet des sept accords au nom de l’UE.
En filigrane de la procédure de ratification du premier volet des bilatérales, le Conseil fédéral a initié les négociations sur un second paquet d’accords bilatéraux. De multiples rencontres entre représentants suisses et européens ont commencé à partir de janvier, afin de dégager au maximum l’horizon des thèmes abordés: parmi eux, les dossiers de la lutte contre la fraude et de la fiscalité de l’épargne apparaissent comme les plus brûlants. Le Conseil fédéral a vite précisé ses objectifs auprès des instances européennes: être associé à l’accord de Schengen (collaboration policière) et à celui de Dublin (asile), à l’instar de l’Islande et de la Norvège. Du côté de l’UE, Bruxelles veut obtenir un engagement maximum de la Suisse dans le domaine de la lutte contre la fraude douanière, ainsi que l’adoption par Berne des critères de fiscalité de l’épargne reconnus par l’UE, point qui toucherait à la politique bancaire helvétique, dès lors refusé par le Conseil fédéral [17].
Après des entretiens exploratoires au cours du printemps, les Quinze ont officiellement accepté d’élargir le cadre des «bilatérales bis» [18]. De son côté, le Conseil fédéral a défini le contenu des mandats accordés en son nom aux négociateurs des nouveaux dossiers [19]. Trois catégories de mandats ont été désignées: de négociation (fraude douanière, environnement, produits agricoles transformés, formation et jeunesse), de prénégociations (accords de Schengen et Dublin, libéralisation des services) et de discussion (fiscalité de l’épargne). Dix mandats en tout, que les commissions de politique extérieure du Conseil des Etats et du National ont accepté à l’unanimité [20]. Les objets de la fraude douanière et de la fiscalité de l’épargne ont rapidement constitué les principaux points de friction entre les parties en présence, si bien que le Parlement européen, en fin d’année, a menacé la Suisse de rompre les négociations sur l’ensemble des dossiers si la situation sur celui de la fraude douanière ne se dirige pas vers une amélioration [21].
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Adhésion à l’UE
L’initiative populaire «Oui à l’Europe», maintenue par ses initiants Nouveau mouvement européen (NOMES) malgré un parcours parlementaire tumultueux qui avait abouti au rejet par les Chambres de l’initiative comme de son contre-projet (voir APS 2000, p. 68 s.), est entrée dans sa phase de campagne dès le début de l’année. Le comité de soutien à l’initiative se fixait comme but obtenir la majorité du peuple, ainsi que l’acceptation du texte par au moins sept cantons les romands et les deux Bâles. Pour mener sa campagne, le comité escomptait sur un budget de 1,4 millions de francs: deux semaines avant la votation, il n’aura pu récolter que la moitié [22]. Parmi les parlementaires fédéraux au sein du comité cohabitaient 15 radicaux et autant de démocrates-chrétiens, 52 socialistes, 10 écologistes, 4 libéraux, un indépendant et un membre du POP. En découpe partisane, le mot d’ordre du «oui» n’a pas bénéficié d’une aussi belle concorde. Si le PS a appelé facilement sa base à accepter l’initiative, le PRD l’a refusée par 98 voix sur 133, lors de son assemblée des délégués [23]. En revanche, le PDC suisse a créée la surprise en apportant son approbation au projet européen, par 189 voix contre 148, désavouant du même coup son président Adalbert Durrer, opposé à l’initiative, et son conseiller fédéral Joseph Deiss, tenant du calendrier européen «officiel» définit par la Confédération [24]. Afin de dépasser les querelles parlementaires, un comité de jeunes radicaux, socialistes et démocrates-chrétiens a vu le jour pour défendre l’initiative du NOMES. Les jeunes radicaux, en opposition avec le mot d’ordre national de leur parti, avaient déjà fait connaître leur volonté de s’engager activement en faveur du oui [25]. L’USS s’est elle aussi prononcée pour une acceptation de l’initiative par le peuple, alors que, de l’autre côté de l’échiquier idéologique, le parti libéral suisse s’annonçait aussi favorable au oui.
Dans le camp opposé, l’initiative a dû affronter les arguments des partisans d’un «non raisonnable» qui, sans refuser l’UE, jugent les termes et les délais prévus par l’initiative imprudents ou irréalisables. Dans cet ordre d’idées, un comité de 102 parlementaires, principalement radicaux et alémaniques, s’est formé sous le nom «Penser européen, agir intelligent» [26]. Plus strictement réfractaire à toute idée d’adhésion, l’ASIN a évidemment apposé son refus à l’initiative des jeunes. Parmi ses arguments en forme de mise en garde, une hausse massive de la TVA, des difficultés majeures dans l’agriculture et l’impossibilité de faire face aux flux migratoires ne seraient que quelques dangers qui accompagneraient une Suisse devenue membre de l’UE [27]. Quelques jours plus tard, en assemblée à Martigny (VS), l’UDC a en toute logique suivi la voie de l’ASIN en enterrant l’initiative à l’unanimité moins deux voix [28]. Autres mots d’ordre négatifs: Economiesuisse et l’Association suisse des banquiers. A l’instar de ces deux représentants de poids, l’USAM et l’USP ont jugé l’initiative aventureuse et précipitée [29].
Initiative «Oui à l’Europe!»
Votation du 4 mars 2001

Participation: 55,8%
Oui: 597 217 (23,1%) / 0 cantons
Non: 1 982 549 (76,9%) / 26 cantons

Mots d'ordre:
Oui: PDC (19*), PS, PL (2*), PES (2*), PdT; USS, CSS.
Non: UDC, PRD (4*), PEP, UDF, DS, Lega, PdL; Economiesuisse, USAM, USP.

*Recommandations différentes des partis cantonaux
Le 4 mars, le résultat de la votation s’est exprimé en véritable camouflet pour les initiants comme pour les europhiles helvétiques. Avec plus de trois quarts de refus populaire et un rejet de l’ensemble des cantons, l’échec de l’initiative est sans appel. Entre le non ferme de l’ASIN et de l’UDC et le non «raisonnable» de multiples sources, dont le Conseil fédéral, le projet du NOMES n’est apparu que comme une option sans caractère de nécessité. Une bonne participation a pu démontrer cependant l’importance attachée par les électeurs au dossier européen. Parmi les plus hostiles à l’initiative, le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures a pris la tête (90,3% de non), alors que Neuchâtel fut le plus près d’accepter le texte du NOMES (55,8% de non). Si beaucoup s’attendaient à un refus, tous ont été surpris de son ampleur, à tel point que la première réaction de l’ASIN fut de proposer le retrait immédiat de la demande d’adhésion à l’UE déposée, puis gelée en 1992. Quant à l’UDC, elle a déposé une motion – refusée par le National – exigeant que le Conseil fédéral ajourne tous les travaux liés à l’adhésion à l’UE, rendus selon elle obsolètes par les chiffres de la votation. Ueli Maurer a même remis en question l’avenir politique de Joseph Deiss au poste des affaires étrangères, arguant du fait que la fibre pro-européenne du ministre ne pouvait être représentative d’une population opposée à l’Europe.
Au contraire, le gouvernement a donné une analyse positive du résultat, y constatant un refus populaire de brusquer les choses et une adéquation sur la ligne européenne du Conseil fédéral. Ce dernier a ainsi maintenu son calendrier européen éventualité d’une réouverture des négociations en cours de magistrature 2003-2007 et a confirmé ses priorités: entrée en vigueur des accords bilatéraux à brève échéance, puis réalisation de nouvelles négociations bilatérales, enfin, à plus long terme, adhésion de la Suisse à l’UE. L’analyse VOX relativise cependant ces deux commentaires unilatéraux et montre que, parmi les opposants, ceux qui rejetaient toute idée d’adhésion étaient un peu plus nombreux (51%) que ceux qui considéraient le moment précipité [30].
 
[10] 24h, 22.10.01.10
[11] Voir APS 2000, p. 66 ss.11
[12] TG, 8.11.01. En début d’année, Joseph Deiss maintenait que la ratification serait terminée mi-2001 (LT, 3.1.01).12
[13] 24h, 21.11.01.13
[14] 24h, 22.11.01.14
[15] LT, 8.5.01.15
[16] LT, 21.12.01.16
[17] Dans le cadre de la politique fiscale des Quinze, une directive sur l’imposition des revenus de l’épargne des non-résidants prévoit notamment la suppression du secret bancaire à l’horizon 2010 (Lib., 5.6.01). Voir APS 2000, p. 103.17
[18] TG, 6.3.01.18
[19] Presse du 18.5.01.19
[20] Lib., 13.6.01.20
[21] LT, 20 et 29.11.01. Ces points de conflits entre Berne et l’UE ont motivé une interpellation du groupe socialiste au CN, qui a interrogé le CF sur ses projets à l’encontre des fraudeurs et de la contrebande. Celui-ci a répondu elliptiquement que le résultat des négociations devrait fixer les instruments de lutte adoptés par la Suisse. Les auteurs de l’interpellation se sont déclarés non satisfaits (BO CN, 2001, p. 946).21
[22] Lib., 23.2.01.22
[23] LT, 15.1.01.23
[24] LT, 22.1.01.24
[25] Lib., 24.1.01.25
[26] Presse du 24.1.01.26
[27] LT, 27.1.01.27
[28] Presse du 29.1.01.28
[29] LT, 8.2.01.29
[30] FF, 2001, p. 1916 ss.; BO CN, 2001, p. 933 (motion UDC); presse du 5.3.01 (résultat votation, déclarations); H. Hirter / W. Linder, VOX nº 73, Analyses des votations fédérales du 4 mars 2001, Berne 2001.30