Année politique Suisse 2001 : Economie / Agriculture / Production animale
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Viande
Au seuil de l’année sous revue, l’OVF a annoncé 17 cas d’encéphalite spongiforme bovine recensés en Suisse en 2000, contre 25 en 1999. Prudent, l’office a retardé de trois ans l’objectif initialement fixé à 2003 d’éradiquer complètement la maladie sur le territoire national. Cette annonce est intervenue dans un marché toujours marqué par la méfiance des consommateurs vis-à-vis de la viande bovine, méfiance renforcée par une large polémique autour des mesures de dépistage des cas de vaches malades. Au premier trimestre 2001, le marché du bœuf a régressé de 30%, chute attribuée par les producteurs aux cas de vaches folles découverts en début d’année sous revue et au refus de la Confédération de systématiser le dépistage des bovins destinés à la consommation [12]. En Valais, le conseiller d’Etat Thomas Burgener (ps) s’est personnellement engagé auprès de Pascal Couchepin pour lui demander des mesures de contrôle systématique, après qu’un bœuf valaisan a été déclaré malade au hasard d’une troisième analyse de sondage. Le conseiller d’Etat s’est ainsi joint aux doléances des producteurs valaisans, jugeant que seul un test obligatoire pourrait rendre la confiance aux consommateurs. Plusieurs autres cantons ont manifesté dans ce sens: des paysans jurassiens ont refusé de vendre leur bétail en réaction aux prix trop bas du marché, la Coopérative fribourgeoise pour l’écoulement du bétail (CFEB) a racheté toutes les bêtes qui n’auraient pas été vendues à plus de 1 franc le kilo, alors qu’une centaine de paysans manifestaient devant le Palais fédéral pour réclamer un dépistage obligatoire et un dédommagement pour les pertes causées par la crise de la vache folle. L’Union suisse des paysans (USP) s’est fermement prononcée dans ce sens [13].
Dans ce climat de sinistrose, le Conseil fédéral s’est engagé dans plusieurs mesures financières. Il a d’abord annoncé l’achat par la Confédération de viande bovine aux producteurs suisses pour un montant de 7 millions de francs: les 700 tonnes de viande ont été mises à la disposition de la Direction du développement et de la coopération (DDC) et acheminées comme aide alimentaire en Corée du Nord. Quelques mois plus tard, 8 autres millions de francs ont été à nouveau injectés dans l’achat de 800 tonnes de viandes supplémentaires. 2 millions de francs ont enfin été affectés à une campagne de publicité en faveur de la viande bovine helvétique. Le gouvernement a en outre créé une unité de surveillance spécialisée qui, sous l’égide de l’OVF, devra renforcer les contrôles dans l’industrie alimentaire. De plus, 1,1 million de francs ont été attribué au financement de la recherche sur l’ESB. Pascal Couchepin est cependant resté ferme dans sa volonté de ne pas céder à un dépistage systématique, qui n’apporterait pas selon lui une vraie sécurité aux consommateurs mais constituerait une contrainte économique lourde. En réaction, une interpellation Cuche (pe, NE) a été adressée au Conseil national, afin de réclamer une indemnisation des éleveurs lésés par l’effondrement du marché bovin, soit un total de 76 millions de francs. Dans le même temps, les 2206 paysans qui avaient déposé en 1997 une plainte civile contre la Confédération pour mauvaise gestion de la crise de la vache folle sont revenus à la charge: ils ont revu à la hausse les dommages et intérêts réclamés, qui passent de 185 à 300 millions de francs. Concernant l’interpellation Cuche, le Conseil fédéral a refusé d’entrer en matière, rappelant que le gouvernement, depuis le début de l’année sous revue, avait déjà accordé plus de 17 millions de francs dans le soutien du marché bovin, et qu’il s’apprêtait à affecter 8 nouveaux millions de francs à l’acquisition de bœuf destiné à l’aide humanitaire [14].
Sur un autre plan, les producteurs romands de bœuf ont aussi fait front contre les grands distributeurs suisses, accusés de bénéficier de marges bien trop importantes par rapport aux leurs. Selon l’OFAG, celles-ci étaient les plus élevées depuis onze ans. Uniterre (anciennement UPS) a ainsi adressé un ultimatum aux grands distributeurs, les assignant à relever le prix du kilo de bœuf à son niveau d’octobre 2000. Deux semaines plus tard, les éleveurs sont passés à l’action en bloquant durant quatre jours une importante centrale de la Migros à Ecublens (VD) et de Coop à la Chaux-de-Fonds (NE). Les grands distributeurs n’ont pas accepté d’accorder les 2 francs supplémentaires par kilo de viande réclamés par les manifestants et ont porté plainte contre Uniterre. Le syndicat romand, dénonçant l’attitude de retrait de l’USP, s’est vu en première instance interdit d’entraver dorénavant la Migros, au risque de se voir notifier des condamnations individuelles [15].
Au niveau sanitaire enfin, la Confédération a prononcé plusieurs mesures au cours de l’année. Elle a notamment interdit à la consommation les organes à risque des ovins et des caprins: la tête et la moelle épinière des moutons et des chèvres âgés de plus de 12 mois au moment de l’abattage devront être incinérées. Interdiction aussi des engrais à base de déchets d’animaux. De plus, la Suisse a interdit toute importation de viande de porc en provenance de l’Autriche, suite à la découverte dans ce pays de cochons élevés à grand renfort d’antibiotiques, d’hormones de croissance et de calmants [16]. Les hormones de croissance étaient déjà au centre de la motion Sandoz (prd, VD) demandant l’interdiction de toute viande de bœuf américain traité par ces moyens: une commission du Conseil des Etats a rendu un avis négatif. Selon elle, cette disposition irait à l’encontre des règles de l’OMC et risquerait d’entraîner des mesures de rétorsion de la part des Etats-Unis. Le plénum a suivi l’avis de la commission en rejetant le point 1 de la motion (interdiction de la viande bovine en provenance des Etats-Unis) et a proposé de transmettre sous forme de postulat les points 2, 3 et 4 de la motion, visant à une meilleure transparence sur la provenance, la composition et les dangers éventuels de la viande traitée aux hormones [17]. Enfin, l’augmentation dramatique des cas de fièvre aphteuse en Grande-Bretagne, puis dans certains autres pays européens, ont conduit les autorités suisses à prendre des mesures radicales. Dès les premiers cas de bêtes malades outre-Manche, l’OVF a interdit l’importation du bétail et de tout produit laitier ou carné venant de Grande-Bretagne via le trafic voyageur ou marchandise. Face à la croissance continue de la maladie et à la découverte de foyers infectieux en France et en Italie, l’office a en outre bloqué l’accès au bétail vivant – bœuf, agneau et chèvre – en provenance de l’UE [18], autorisant toutefois l’importation de viande. Une mesure similaire a ensuite été prononcée contre la viande d’origine argentine, elle aussi touchée par la fièvre aphteuse. Les interdictions ont été levées en milieu d’année, à la colère de certains milieux paysans [19].
 
[12] Ce contrôle systématique a été annoncé avec force par les deux grands distributeurs suisses, Coop et Migros, qui ont instauré le dépistage de tous les bovins de plus de 20 mois entrant dans leurs abattoirs. Le CF a jugé cette action comme purement marketing (TG, 14.2.01).12
[13] 24h, 3.1.01 (résultats 2000); NF, 13.2.01 (Burgener); LT, 16.2.01 (USP); Lib., 20.2 (Jura) et 23.2.01 (CFEB); 24h, 24.2.01 (manifestation).13
[14] Presse du 15.2.01 (aide alimentaire à la Corée du Nord); Lib., 7.3.01 (interpellation Cuche); 24h, 7.4.01 (plainte civile); TG, 28.6.01 (nouvelle aide alimentaire).14
[15] TG, 8.9.01 (marges); 24h, 24.10.01 (ultimatum); presse du 6 au 10.11.01 (blocus); LT, 29.11.01 (plainte).15
[16] LT, 21.2.01 (moutons et chèvres); 7.3 (engrais) et 24.1.01 (Autriche); TG, 3.3.01.16
[17] BO CE, 2001, p. 402 ss. Voir APS 2000, p. 111.17
[18] Celui-ci représente environ 1500 têtes par an destinées à l’élevage, tout bétail compris.18
[19] Presse du 27.2 (bétail anglais) et 14.3.01 (bétail UE); NF, 15.3.01 (Argentine); LT, 11.5.01 (levée de l’interdiction).19