Année politique Suisse 2002 : Economie / Agriculture
Politique des revenus
Le Conseil fédéral a pris, en mai, un certain nombre de
mesures en faveur de l’agriculture de montagne. Ces mesures concernaient les contributions pour les gardes d’animaux dans des conditions difficiles, celles pour l’estivage et celles par unité de gros bétail consommant du fourrage grossier. Ces
63 millions de francs accordés étaient principalement destinés à combler les écarts de revenus croissants s’étant creusés durant la dernière décennie entre les paysans de plaine et de montagne
[8].
Le
revenu agricole annuel par exploitation a peu varié et s’est fixé à 52 600 francs (contre 53 300 en 2001). Le revenu du travail par unité de main d’œuvre familiale, valeur comparable aux salaires non agricoles, s’est monté à 30 400 francs, ce qui représente une baisse de 10 % par rapport aux trois années précédentes (33 800 pour la moyenne des années 1999 à 2001). Les coûts réels par exploitation ont augmenté de 5% en comparaison avec les trois années précédentes, principalement en raison de l’augmentation des frais généraux et de ceux liés au fourrage et aux bâtiments. Au niveau des rendements bruts, la production végétale s’est retrouvée légèrement en deçà de la moyenne 1999/2001 alors que la branche laitière s’est maintenue, malgré la crise traversée. La production bovine a subi une baisse, la production porcine a peu évolué et l’élevage de volaille a présenté des valeurs plus élevées. Au total, le rendement brut par domaine agricole a progressé de 2% par rapport à la période 1999-2001 à 194 200 francs. Les paiements directs ont augmenté de 8%, notamment en raison des mesures décidées en faveur de l’agriculture de montagne. La taille moyenne des exploitations était de 19 hectares
[9].
L’
USP s’est inquiétée de la baisse du salaire annuel moyen par agriculteur. S’élevant à 30 400 francs en 2001, il avait diminué de 12 % par rapport à la période 1998-2000. De plus, l’organisation faîtière s’est montrée préoccupée par la perte d’importance du secteur primaire dans l’économie. En 2002, 4,2 % de la population active travaillait dans ce secteur, contre 4,8 % quatre ans auparavant. Ces constats ont poussé l’USP à proposer un catalogue de mesures et à appeler les consommateurs, les distributeurs ainsi que la Confédération à agir pour que l’avenir de la famille paysanne soit assuré. Elle a demandé une contribution de 50 francs par hectare sous la forme de paiements directs, rappelant que tous les fonds du crédit-cadre en faveur de l’agriculture n’avaient pas été utilisés en 2001. Le Conseil fédéral avait déjà fait un geste dans ce sens en annonçant le déblocage de 63 millions de francs en faveur des paysans de montagne (voir supra). L’organisation s’est également opposée à la suppression prévue de mesures de soutien à l’industrie laitière dans le cadre de l’entrée en vigueur des accords bilatéraux avec l’UE et demandé que 20 millions de francs soient accordés à la promotion. Elle a enfin demandé que le Conseil fédéral s’engage auprès du gouvernement italien pour que soit levée la restriction de l’exportation du bétail vers l’Italie. Concernant les négociations dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, elle a rappelé sa volonté de voir la Suisse défendre une agriculture soucieuse de la sécurité alimentaire et de l’environnement. L’USP a par ailleurs réitéré son souhait de voir le prochain crédit-cadre en faveur de l’agriculture égaler l’actuel et être indexé au renchérissement des prix. La nécessité de mieux s’organiser face aux acheteurs de produits agricoles a également été considérée comme une priorité
[10].
A fin novembre, l’USP a adressé une résolution au Conseil fédéral afin qu’il élabore un
système d’indemnisation pour cessation d’exploitation. Cette mesure permettrait aux paysans dont l’exploitation périclite de se retirer volontairement de la production. Plus généralement, l’organisation faîtière a estimé qu’il était indispensable d’introduire un plan social dans le cadre des réformes agricoles, cela indépendamment du déroulement de la réforme en cours. Pas opposée par principe aux changements proposés par le gouvernement, l’USP a rappelé que le projet tendait vers une libéralisation unilatérale mettant en péril l’existence de nombreuses exploitations agricoles. Elle a également exigé des mesures urgentes de stabilisation du marché du lait étant donné les difficultés d’écoulement du lait et le problème des prix
[11].
L’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a publié en fin d’année son
rapport agricole 2002. Son directeur, Manfred Bötsch, a estimé que les agriculteurs avaient bien digéré la réforme introduite en 1995 et qu’il n’était pas correct d’affirmer que le revenu agricole était toujours plus mauvais. Il a admis une baisse de 15% entre 1990 et 1995, mais a également ajouté qu’une certaine croissance avait eu lieu depuis. Le directeur de l’office a en outre rappelé que la réforme des structures devait être poursuivie, et cela dans le sens d’une réduction du nombre des exploitations. L’USP a réagi à cette vision optimiste et accusé l’OFAG d’embellir la situation, de n’utiliser que les chiffres étayant ses thèses et de s’immiscer de manière excessive dans le processus politique en cours
[12].
L’initiative parlementaire du conseiller national genevois John Dupraz (prd) prévoyant la création d’un
contrat-type national pour l’agriculture a été traitée par le Conseil national lors de la session d’été. Déposée en octobre 2001, elle proposait de modifier le Code des Obligations pour instituer une réglementation fixant notamment la durée du temps de travail et du repos, les conditions de travail et le montant du salaire des employés agricoles (environ 45 000 personnes). Les dispositions cantonales, en principe moins favorables, auraient été remplacées par des mesures fédérales. Le texte insistait sur la diversité des régimes en vigueur en Suisse (25 différents recensés par l’auteur de la proposition) et sur les effets pervers de ce système. Les cantons les plus généreux socialement se voyaient ainsi pénalisés par la sous enchère pratiquée par d’autres. La proposition a quasiment fait l’unanimité contre elle dans le camp bourgeois. Son principal défaut, pour ses adversaires, était de vouloir imposer les conditions de travail sans prendre en compte les particularismes régionaux. De plus, ils ont rappelé que les agriculteurs n’étaient guère mieux lotis que leurs employés. John Dupraz a soulevé le problème de la crédibilité et de la confiance accordée par la population aux milieux agricoles. Il ne lui semblait pas raisonnable qu’une branche bénéficiant de crédits cadres substantiels ne parvienne pas à avoir un règlement concernant ses travailleurs. Les voix de la gauche (verts et socialistes) et de quelques démocrates chrétiens (9) n’ont pas suffi pour qu’une suite soit donnée à cette initiative. Le plénum a suivi sa Commission de l’économie et des redevances par 75 voix (dont 30 radicaux, 26 démocrates du centre et 12 démocrates chrétiens) contre 57
[13].
[8] Communiqué de presse du DFE du 24.4.02; presse du 25.4.02.
[9] Communiqué de presse de la Station fédérale de recherche en économie et technologie agricoles du 10.4.02;
Lib., 11.4.03.
[10] Presse du 1.5.02. Le directeur de l’USP, Melchior Ehrler, a laissé sa place à Jacques Bourgeois (voir infra, partie III, b)
[13]
BO CN, 2002, p. 749 ss.
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