Année politique Suisse 2002 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Poste et télécommunications
La ComCom a écarté la requête de dégroupage de TDC/Sunrise Switzerland (ex-Diax). Pour motiver le rejet de la plainte de TDC, la ComCom s’est basée sur l’arrêt rendu le 3 octobre 2001 par le Tribunal fédéral dans le cas Commcare contre Swisscom. Celui-ci avait conclu que la législation en vigueur ne contenait aucune base légale ni pour une obligation d’interconnexion des lignes louées, ni pour le dégroupage du dernier kilomètre. En dépit de cette décision négative, la ComCom se prononçait en faveur de la libéralisation. C’est pourquoi elle a invité le Conseil fédéral à prendre position sur le sujet. Ce dernier n’a pas tardé à réagir au cri d’alarme de la ComCom et a accepté de supprimer l’ultime privilège de Swisscom. Après avoir hésité sur la manière d’agir, le Conseil fédéral a mis en juin son projet en consultation : il choisissait d’ouvrir le dernier kilomètre du réseau à la concurrence par voie d’une ordonnance plutôt que par une modification de la loi sur les télécommunications (LTC) ; cela aussi pour éviter un éventuel référendum. Selon le projet présenté,
Swisscom sera tenu de proposer trois offres de dégroupage de la prise du téléphone à ses concurrents. Ceux-ci pourront choisir en fonction des prestations qu’ils entendent offrir et de l’infrastructure qu’ils peuvent mettre en place. La première offre est le dégroupage total de la boucle locale (full access). Elle implique que Swisscom loue totalement la paire de cuivre, soit le dernier kilomètre, à un autre opérateur qui commercialise seul une gamme de produits de télécommunications, y compris la transmission de données à haut débit. La seconde (bitstream access) prévoit que Swisscom donne accès à une liaison permettant de fournir à l’abonné des services d’accès à haut débit. La troisième (shared line access) envisage l’utilisation partagée de la paire de cuivre, d’après laquelle Swisscom continuerait de fournir le service de téléphonie alors que l’autre opérateur proposerait des services à haut débit sur la même ligne. En cas de désaccord, les opérateurs feraient appel à la ComCom qui devrait trancher. Parallèlement, le Conseil fédéral propose de soumettre clairement la location des lignes au régime de l’interconnexion : Swisscom, qui pratique des prix élevés en comparaison européenne, serait tenu de les ajuster aux coûts tant qu’il domine le marché. La ComCom serait chargée du contrôle en cas de plainte. Le Conseil fédéral entend renforcer le rôle de cette commission en lui donnant la possibilité d’intervenir spontanément sur le marché du dernier kilomètre. La ComCom pourrait ainsi obliger Swisscom à présenter des offres standards. Cette nouvelle compétence nécessite toutefois une modification de la LTC. Le Conseil fédéral proposait d’adapter en même temps d’autres points de la loi au droit européen. Il n’y aurait ainsi plus besoin d’une concession pour fournir des services de télécommunication à des tiers. Une simple annonce auprès de l’Office fédéral de la communication suffirait, sauf pour le service universel, assuré par Swisscom, et pour l’utilisation de fréquences radio. Par ailleurs, les messages publicitaires par fax, e-mails, SMS ou téléphone ne seraient autorisés que si le destinataire y consent
[55].
Le
projet de libéralisation du dernier kilomètre a rencontré une large approbation. Les deux autres points de la révision de la LTC n’ont pas été contestés. Les instances consultées s’accordaient sur le fait que la ComCom devait disposer d’instruments pour favoriser la concurrence dans la branche des télécoms. Elles estimaient aussi que le droit des télécommunications devait être ajusté au droit européen. L’association Inside Telecom, qui regroupe les plus importants nouveaux opérateurs de télécoms helvétiques, de même que l’Association suisse du secteur de l’information et des télécommunications (SICTA), ont plébiscité le projet du Conseil fédéral. L’UDC et le PRD ont également approuvé les plans gouvernementaux. Le PDC a affiché un certain scepticisme. Le PS a par contre fait part de son désaccord avec la libéralisation. Il a estimé que Swisscom risquait de se trouver en difficulté et que le dégroupage n’était ni dans l’intérêt de la Confédération, en tant qu’actionnaire principal, ni dans celui des contribuables. Quant à la principale intéressée, l'entreprise Swisscom, elle s'est défendue de l’accusation de monopole et s’est fermement opposée à l’obligation de dégrouper les lignes de raccordement téléphoniques. D’après elle, le dernier kilomètre était déjà en concurrence avec d’autres infrastructures comme le réseau câblé. Elle craignait que les autres opérateurs ne profitent de ce dégroupage pour concentrer leur offre sur des villes et les clients commerciaux les plus lucratifs. S’il n’est pas entendu, l’opérateur, qui parle d’expropriation, se réserve le droit d’engager des démarches juridiques
[56].
Se référant à un développement de la concurrence, à des marges sous pression et à un chiffre d’affaire en baisse,
Swisscom a décidé de
fermer six de ses dix-sept centres de renseignements 111. L’opérateur prévoit de réaliser 2,6 millions de francs d’économie par année. Ces mesures toucheront 250 collaborateurs liés par la Convention collective de travail (CCT) et environ 50 employés temporaires ; le groupe leur offrira la possibilité de travailler dans le centre d’appel le plus proche. Aucun licenciement, ni suppression d’emploi n’est prévu. Le plan de restructuration a été accueilli par des pétitions, des mobilisations et des débrayages dans les différents centres. Malgré le mécontentement, Swisscom n’est pas revenu sur sa décision de fermeture. Seul le délai d’application a été repoussé au 31 août 2003
[57].
Lors des négociations, les partenaires sociaux n’ont pas réussi à s’entendre sur le renouvellement de la
Convention collective de travail (CCT) de Swisscom. Celle-ci arrivera à échéance à fin 2003. Les syndicats ont posé deux conditions à leur retour aux négociations. Premièrement, ils exigeaient un retrait du projet prévoyant une convention–cadre pour le groupe, complétée par des accords d’entreprises dans les sociétés. Ces accords devraient ensuite être négociés par les comités d’entreprise et non les syndicats. La deuxième condition était de discuter du renouvellement de la CCT sur la base en vigueur, soit une convention qui couvre toutes les sociétés du groupe. Les syndicats et Swisscom se sont par contre entendus sur une augmentation de salaire pour 2003
[58].
N’ayant pu dénicher une acquisition intéressante à réaliser,
Swisscom a racheté 9.9% de son capital-actions, soit 7 346 739 titres. Auparavant, cette vente avait reçu le soutien de la Commission des finances du Conseil national, qui exigeait que la Confédération reste actionnaire majoritaire et que les recettes servent à rembourser la dette fédérale. Le Conseil fédéral a également approuvé l’opération. Celle-ci a coûté 4,3 milliards de francs à l’opérateur. Actionnaire majoritaire, la Confédération a participé au programme de rachat de titres dans une proportion plus importante que ne l’aurait permis sa participation. Compte tenu de la réduction du capital prévue, sa part est passée de 65,5% à 62,7%. Le produit net issu de la vente des titres a été affecté au remboursement de la dette fédérale. A ce propos, le Conseil fédéral proposait de rejeter la motion Rossini (ps, VS), qui réclamait d’affecter la somme à la réduction des tarifs et à l’élargissement des prestations de service public dans le secteur des télécoms
[59].
Au cours de l’année sous revue, Swisscom s’est retrouvé à deux reprise dans le collimateur de la Commission de la concurrence (Comco). La première affaire est due à une
plainte de la société Profitel. Par des mesures provisionnelles, la Comco a obligé Swisscom à offrir le même rabais à tous ses clients en matière d’accès à l’ADSL. Swisscom proposait à une vingtaine de fournisseurs d’accès ADSL des rabais de 13 à 20%, calculés en fonction du nombre de clients. Or Bluewin, filiale de Swisscom, obtenait le rabais d’accès le plus important en tant que fournisseur d’accès le plus important du pays. La Comco a jugé que Swisscom abusait de sa position dominante sur le marché et discriminait les concurrents de Bluewin
[60].
La Comco a ouvert une deuxième enquête contre les trois opérateurs de téléphonie mobile
[61]. La
Comco soupçonnait Orange, Sunrise et Swisscom de s’être mis d’accord pour maintenir le prix des redevances de terminaison
[62] à un niveau artificiellement élevé. Les tarifs étaient parmi les plus élevés d’Europe, selon une étude commandée par l’Office fédéral de la communication à l’institut allemand WIK. La moyenne suisse était d’environ 4% plus élevée que celle européenne. Si les appels sur le réseau fixe ne coûtaient qu’environ 5 centimes la minute, les communications avec un téléphone mobile étaient facturées dix fois plus cher. Les redevances demandées par les opérateurs étaient extrêmement proches
[63].
[55] Presse du 7.2 (ComCom), 25.4 (décision du CF) et 6.7.02 (projet mis en consultation).
[57] Presse du 18.5.02 (restructuration);
Lib., 1.6 et 12.6.02 et
QJ, 8.6.02 (manifestations);
LT, 29.6.02 (délai).
[58] Presse du 23.8.02;
Lib., 22.11.02;
LT, 25.9 et 30.11.02.
[59]
LT, 12.1.02 (Commission);
24h, 13.2.02; presse du 14.2 et 12.3.02 (vente);
Lib., 8.6.02 (Motion Rossini).
[61] En décembre 2001, à l’issue d’une précédente enquête, la Comco avait conclu que les trois opérateurs ne s’étaient pas entendus sur les prix des communications.
[62] Les redevances sont les taxes que demandent les trois opérateurs pour chaque minute de communication d’un appareil fixe à un mobile.
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