Année politique Suisse 2002 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Trafic aérien
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Crossair – Swiss
En début d’année, les zurichois ont accepté par 55,5% une contribution cantonale de 300 millions de francs au capital de la nouvelle compagnie aérienne. Ils ont aussi approuvé par 67,6% une garantie de 100 millions pour l’aéroport de Kloten. L’aval du souverain zurichois a permis la mise en place de la variante 26/26 [82]. Argovie, Bâle-Campagne, Bâle-Ville, Glaris, Grisons, Neuchâtel, Obwald, Schwyz, St-Gall, Tessin, Valais, et Uri ont également souscrit au capital-actions de la future compagnie. Par contre, Berne, Fribourg, Jura, Lucerne, Schaffhouse, Soleure, Nidwald, Vaud, Zoug ainsi que les villes de Zurich et de Kloten ont refusé d’y participer. Les actionnaires ont prolongé jusqu’au 30 avril 2003 le délai pour le capital autorisé. Divers cantons et communes qui s’étaient déclarés prêts à participer en décembre 2001 n’ont pas encore pu y souscrire, le feu vert du peuple leur faisant notamment encore défaut [83]. Après des mois de spéculations et l’attribution des concessions court, moyen et long-courrier par le DETEC, le nom et la raison sociale de la nouvelle compagnie aérienne ont été dévoilés officiellement en février. Les avions ont volé dès le 31 mars sous le nom de "Swiss" et déclinaient le nom du pays dans les quatre langues nationales : Schweiz, Suisse, Svizzera et Svizra. D’un point de vue légal, la nouvelle société s’appelait Swiss Air Lines Ltd et son siège était à Bâle. Lors de leur assemblée, les actionnaires ont validé ces deux noms. S’estimant floué, SAirGroup a saisit la justice zurichoise pour interdire à Crossair d’utiliser le logo Swiss et l’appellation Swiss Air Lines Ltd. Le Tribunal de commerce de Zurich a refusé d’entrer en matière sur la plainte contre l’utilisation de la marque "Swiss". Il considérait qu’il n’y avait pas de danger de préjudice irréparable pour SAirGroup et que le danger de confusion entre Swiss et Swissair était inexistant, les marques étant nettement distinctes. SairGroup n’a pas recouru. A la fin mars, la cellule d’intervention – task force "pont aérien", créée le 5 octobre 2001 pour assurer l’exploitation du réseau Swissair durant l’horaire d’hiver et faciliter la mise sur pied de la nouvelle compagnie –, a été démantelée [84]. Les actionnaires principaux de Swiss ont prolongé à fin août 2004 la clause de non-vente des actions souscrites à l’occasion de l’augmentation de capital. Celle-ci s’élevait à 2,561 milliards de francs. La décision a été prise par 33 actionnaires, institutionnels et privés [85], détenant plus de 90% des titres existants [86].
A l’entrée en vigueur de l’horaire d’été 2002, Swiss desservait 123 destinations dans 60 pays au moyen de 128 avions. En Europe, 86 destinations étaient proposées dans 34 pays et le réseau intercontinental couvrait 37 destinations dans 26 pays. Comparée au réseau d’été offert en 2001 par Swissair et Crossair, l’offre a été réduite de 30%. La compagnie employait 8900 personnes à plein temps dans 73 pays. La mauvaise conjoncture et sa surcapacité ont toutefois obligé Swiss à régir et à tailler dans le vif pour sa survie. Sur les neufs premiers mois, la compagnie avait enregistré une perte nette de 582 millions de francs pour un chiffre d’affaires de 3,134 milliards. Des mesures ont ainsi été prises avec l’abandon de neuf destinations et le gel sur l’embauche. La compagnie a décidé d’en inscrire de supplémentaires dans un programme d’économies visant à réduire les coûts de 400 millions de francs[87].
Alors que son but avoué était d’entrer dans une grande alliance aérienne, Swiss a échoué dans ses négociations avec Star Alliance, Skyteam et Oneworld. Les compagnies aériennes reprochaient à leur consœur suisse une flotte de long-courriers trop importante et la similitude des réseau - source de concurrence directe. C’est pour cette raison que British Airways bloquait l’entrée de Swiss dans l’alliance Oneworld. Néanmoins, la compagnie helvétique a réussi à signer un accord bilatéral avec American Airlines, membre de Oneworld. L’accord a reçu l’aval des autorités américaines et Swiss a pu desservir elle-même le marché américain par sept aéroports nord-américains. Les deux compagnies vont coordonner leurs tarifs et leurs avions et gérer ensemble leur marketing. A la fin octobre, un nouvel accord a été signé par les autorités de l’aviation civile suisses et canadiennes offrant à Swiss un accès illimité au marché canadien. Quant au programme Qualiflyer, les compagnies aériennes partenaires ont choisi de divorcer suite à des divergences en matière d’alliances, après les disparitions de Sabena et de Swissair. Les membres Qualiflyer ont été invités à choisir jusqu’en octobre dans laquelle des cinq compagnies ils souhaitaient transférer leur "miles" [88].
Au niveau du personnel, la direction de Swiss a réussi à s’accorder avec les cinq syndicats sur les conditions de travail du personnel au sol. La nouvelle convention collective de travail (CCT) touchait 2300 employés ; elle est entré en vigueur à posteriori le 1er avril pour une période de trois ans [89]. Les partenaires sociaux se sont aussi mis d’accord sur le la CCT pour le personnel de cabine. Lors de sa mise en consultation, le personnel de cabine ne l’a pas ratifié, principalement à cause de griefs financiers. Après plusieurs mois de négociations, Swiss et le syndicat Kapers se sont entendus sur une nouvelle CCT. Celle-ci prévoyait l’introduction d’un treizième salaire, un pourcentage plus élevé sur les ventes effectuées à bord, un défraiement supplémentaire pour les vols long-courriers et une compensation pour les heures supplémentaires. Les employés de bord ont cette fois plébiscité la CCT [90]. Les membres du personnel de cabine affiliés au syndicat Unia ont de leur côté accepté la CCT pour les contrats à temps partiel, allant jusqu’à 50% [91].
La question du statut des pilotes n’a pas pu être définitivement réglée. L’année a commencé pour Swiss sous les plus mauvaises auspices, car l’Association du personnel de cockpit de Crossair (CCP) refusait de reconnaître le syndicat des pilotes de Swissair (Aeropers). Celui-ci craignait un traitement différenciés entre les pilotes de Crossair et Swissair, notamment sur le plan salarial. Menacé par une plainte d’Aeropers, il a toutefois décidé d’abandonner son droit exclusif de négociation sur la future CCT. Trois mois plus tard, CCP quittait prématurément la table de négociation suite à l’accord entre Swiss et Aeropers sur la CCT. Les doléances du personnel de cockpit de Crossair portaient sur l’organigramme, la future grille à l’ancienneté et les salaires [92]. Le Tribunal arbitral de Bâle a jugé discriminatoire la CCT conclue entre Aeropers et Swiss. La cour a mis en évidence des inégalités en matière salariale, de vacances et de bonus en se basant sur le traitement accordé aux pilotes de l’ex-Swissair. Le syndicat des pilotes de l’ex-Crossair – rebaptisé entre-temps Swiss Pilots – a exigé une égalité de traitement de ses 1050 pilotes avec les 830 de l’ex-Swissair. Il a refusé les 16 millions proposés par Swiss pour réduire les inégalités dans les salaires et les vacances et ne s’est pas rendu aux négociations. Malgré l’absence de Swiss Pilots, la direction de Swiss a présenté deux scénarios pour harmoniser les conditions salariales. Swiss Pilots a refusé d’entrer en matière sur les deux scénarios proposés et mettait en avant le sien : il proposait de geler les salaires des pilotes de l’ex-Swissair sur le réseau européen aussi longtemps que nécessaire pour que les pilotes Crossair rattrapent le retard, à coups de 4% par année environ. Comme les négociations étaient à nouveau interrompues, Swiss Pilots choisissait de consulter sa base avant de retourner à la table des pourparlers. 80% des anciens pilotes confirmaient leur mandat de négociation au syndicat. Entre-temps, la direction de Swiss a adressé à Swiss Pilots un ultimatum lui donnant jusqu’au 15 septembre pour adhérer à la nouvelle CCT. En réponse, Swiss Pilots a déposé une nouvelle plainte devant le tribunal de Bâle. Celle-ci portait sur les salaires et les critères qui déterminaient quels seraient les premiers pilotes à être licenciés dans le cas d’un redimensionnement de Swiss. Les pilotes de l’ex-Crossair se sentaient désavantagés par rapport aux pilotes de l’ancienne Swissair à cause d’un principe d’ancienneté introduit dans la CCT. Contestant l’inégalité de traitement et estimant qu’offrir plus déséquilibrerait ses finances, Swiss, pour sa part, a également saisi le Tribunal arbitral de Bâle lui demandant de trancher sur la base d’une nouvelle procédure [93].
Dans le combat juridique que poursuivait Air Lib contre SAirGroup, le Tribunal de commerce de Paris a ordonné, en janvier, le blocage du produit de la vente de billets Crossair auprès du Business Settlement Plan (BSP) [94]. Air Lib, né de la reprise d’AOM/Air Liberté par le consortium Holco, considérait Crossair comme étant le repreneur de Swissair et lui réclamait les 90 millions de francs suisses que lui devait SairGroup. Ceux-ci représentaient la dernière tranche du montant que la société s’était engagé à payer pour se défaire de ses 49.5% du capital d’AOM/Air Liberté [95]. En sursis concordataire, SAirGroup avait fait défaut à cet engagement. Crossair, puis Swiss contestaient cette créance et avaient stoppé les paiements. En mai, le Tribunal de commerce de Paris a reconnu le principe de créances d’Air Lib auprès de Swiss. Les magistrats français ont également refusé de lever les saisies pratiquées à l’encontre de la société helvétique. Sur une décision de fond pour le dossier, le tribunal parisien a renvoyé sa décision à janvier 2003 [96]. Swiss a également dû faire face aux prétentions de créances d’Air Littoral pour le non-respect des engagements financiers de SAirGroup. Le Tribunal de commerce de Montpellier a condamné la compagnie helvétique à payer 15,2 millions d’euros à Air Littoral [97].
 
[82] 26 court et moyen-courriers et 26 long-courriers.
[83] Lib., 15.1 (BE et SO) et 11.7.02 (BL, BS et NE); CdT, 16.1.02 (TI); NF, 31.1.02 (VS); LT, 1.2 (BE), 27.3 (SZ et OW), 12.4 (AG et GL), 2.5 (SG) et 19.7.02 (GR et UR); TG, 14.3.02 (NW); presse 14.1 (ZH), 8.4 (ville de Zurich), 3.6 (LU et SH), 11.7 (VD), 13.7 (FR) et 5.10.02 (Kloten); QJ, 11.5 (Assemblée) et 22.8.02 (JU); Exp., 25.11.02 (ZG). Pour plus de détails voir APS 2001, p. 146 ss.
[84] Presse du 1.2 (nom Swiss) et du 2.3 (plainte SAirGroup) ; TG, 11.5.02 (approbation); 24h, 16.1 (octroi court et moyen-courriers), 6.3 (Tribunal Zurich), 30.3. (Task force) et 13.4.02 (abandon par SAirGroup); LT, 2.3 (Tribunal Zurich) et 27.3.02; DETEC, communiqué de presse, 1.3.02 (octroi long-courriers).
[85] La Confédération possédait 20,5% des actions, le canton de Zurich 10,2%, les autres cantons 12,1%, l’UBS 10,5%, le Credit Suisse Group 10% et le milliardaire Walter Haefner, fondateur et propriétaire de l’importateur automobile AMAG 6,8%. L’économie privée contrôlait environ deux tiers du capital-actions.
[86] 24h, 24.12.02.
[87] LT, 1.2.02 (descriptif); 24h, 16.10.02 (destinations supprimées); presse du 30.10 (gel de l'embauche) et 20.11.02 (mesure d'économies).
[88] 24h, 23.3 (American Airlines) et 30.10.02 (Canada); LT, 27.3.02 (Oneworld); TG, 7.9 (Qualiflyer) et 10.10.02 (Onewold); presse 7.9 (opposition British), 23.11 (Oneword) et 25.11.02 (autorités américaines).
[89] Presse du 19.3 (CCT personnel au sol); LT, 3.5.02 (employés).
[90] Presse du 26.2 (CCT), 13.4 (refus) et 17.9.02 (nouvelle CCT). Kapers, communiqué de presse, 21.10.02.
[91] LT, 16.4.02 (CCT temps partiel).
[92] Presse 7.1 (frictions), 25.1 (droit exclusif), 14.3 et 15.3 (doléances) et 25.3.02; LT, 12.3 (rupture des négociations) et 11.5.02 (Swiss).
[93] TG, 18.7.02 et LT, 19.7.02 (tribunal); presse du 30.7 (Swiss Pilots), 31.7 (2 scénarios), 3.8 (refus des 2 scénarios), 8.8 (consultation de la base), 16.8 (ultimatum), 16.9 (plainte) et 17.9.02 (CCT Crossair); 24h, 2.9 (vote de la base) et 21.10.02 (tribunal).
[94] BSP est l’organisme qui redistribue aux compagnies aériennes les recettes issues de la vente de billets par les agences de voyages.
[95] Voir APS 2001, p. 146.
[96] LT, 11.1 (blocage); 24h, 12.1 (blocage) et 24.7.02 (Swiss débouté); presse du 18.5 (jugement) et 5.6.02; TG, 13.5.02; Lib., 16. 11 (contre-attaque) et 21.11.02 (compétence du tribunal parisien).
[97] Presse 30.5.02; Lib., 14.6.02.