Année politique Suisse 2002 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Trafic aérien
Toutes les
sociétés de SAirGroup, à l’exception de Swisscargo – en liquidation depuis juin 2002 – et d’Avireal ont été vendues
[98].
Au début de l’année, la task force "Personnel de Swissair" et les partenaires sociaux ont conclu un
plan social destiné aux ex-employés de Swissair. L’accord prévoyait qu’une partie des recettes de Swissair dépassant le budget de 750 millions de francs prévus pour l’horaire d’hiver finance le plan social. Un plafond a été fixé à 50 millions de francs et le solde a été reporté sur le budget 2002. Les Chambres ont approuvé cet accord lors de leur délibérations sur le budget. Cette condition sine qua non réalisée, 7500 salariés licenciés par les unités de Swissair Group en sursis concordataire ont touché en septembre leurs premiers versements
[99].
Les sociétés Swissair, SAirGroup
[100], SairLines et Flightlease ont obtenu des prolongations de leur sursis concordataire. Ces sursis ont permis à l’administrateur de ces sociétés de lancer un appel aux créanciers et de faire ensuite le tri des prétentions. En septembre, 36,2 milliards de francs étaient réclamés par 9200 créanciers. Les créances privilégiées se montaient à 2,4 milliards et celles de troisième classe à 33,8 milliards. Le différentiel avec les actifs de Swissair (400 millions) atteignait 35,8 milliards. Le commissaire au sursis, Karl Wüthrich, a opté pour un
concordat par abandon d’actifs (liquidation concordataire) au détriment d’une faillite pure et simple
[101].
Contre l’avis de son Bureau, le Conseil national a accepté lors de sa session de printemps par 89 à 88 voix la proposition du PDC de créer une
Commission d’enquête parlementaire (CEP) pour faire la lumière sur la débâcle de Swissair et pour déterminer la responsabilité de la Confédération dans cette faillite. A l’occasion du vote sur le mandat de la CEP et l’acceptation d’un crédit de 2 millions pour les frais à engager, le Conseil national s’est ravisé et a rejeté son entrée en matière par 95 voix contre 82 et trois abstentions. Comme lors du premier vote, les fronts étaient marqués entre les socialistes, les radicaux et les verts qui ne voulaient pas de la CEP et les démocrates-chrétiens, les libéraux et les udc qui militaient en sa faveur. Les premiers jugeaient la CEP superflue, compte tenu du fait que la sous-commission de gestion du Conseil des Etats menait également une enquête parlementaire (voir infra). Ils trouvaient aussi qu’il était inutile de dépenser une pareille somme pour une enquête qui était avant tout du ressort des autorités judiciaires et non politiques. Les seconds insistaient sur l’importance de la CEP mise en parallèle avec l’enquête de la sous-commission des Etats et celle du commissaire au sursis dans le but de faire toute la transparence sur le désastre de Swissair. Ils voulaient également savoir si l’OFAC avait bien effectué son devoir de surveillance et les raisons pour lesquelles la débâcle n’avait été ni anticipée, ni prévue par le SECO
[102].
Après une année d’enquête, la Commission de gestion du Conseil des Etats a rendu public les conclusions de son
rapport sur le rôle du Conseil fédéral et de l’administration fédérale dans la gestion de crise Swissair. Sans mener une enquête exhaustive – d’autres instances s’en sont chargées –, elle a examiné d’éventuelles responsabilités de la Confédération dans la surveillance de l’aviation civile, sur son rôle d’actionnaire et de membre du conseil d’administration, ainsi que sur le comportement du Conseil fédéral au plus fort de la crise. Le seul service administratif qui fait l’objet d’une véritable mise en cause est l’OFAC, mais il a été mis au bénéfice de nombreuses circonstances atténuantes. Le rapport jugeait que
l’OFAC avait fait une interprétation trop restrictive de son obligation de contrôle de la capacité économique des titulaires d’une autorisation d’exploitation de lignes aériennes, la reléguant à un aspect d’importance secondaire. L’office s’est concentré uniquement sur les questions de sécurité et les problèmes opérationnels. A sa décharge, les parlementaires admettaient que les responsabilités et les moyens d’action de l’OFAC n’étaient pas clairs. Faute de critères, l’office n’a pas été en mesure de refuser le renouvellement de l’autorisation d’exploiter en décembre 2000, ni de retirer cette autorisation lorsque la situation s’est dégradée à partir du printemps 2001. En ce qui concernait le grounding de Swissair, l’enquête notait que l’autorité de surveillance ne pouvait être tenue pour responsable. Le rapport relevait en outre que l‘office n’avait manifestement eu ni les compétences ni les effectifs nécessaires pour juger la situation réelle du groupe. D’autant plus que la forme de holding de Sairgroup a rendu difficile l’évaluation de la capacité économique de Swissair. Quant au reproche d’imbrications personnelles excessives entre les directions de l’OFAC et de Swissair, la commission ne les repoussait pas totalement et reconnaissait que la politique aérienne de la Confédération avait été faite par Swissair. Pour cette raison, elle engageait le Conseil fédéral à la déterminer lui-même à l’avenir. S’agissant du rôle du Conseil fédéral, le rapport de la commission lui reprochait d’avoir sous-estimé la gravité de la situation au printemps 2001, tout en admettant que personne n’avait envisagé l’ampleur de la débâcle. La seule véritable critique de fond portait sur le
manque de préparation du Conseil fédéral, qui l’a conduit à réagir, là où il aurait pu agir s’il avait préparé à temps des scénarios catastrophes. Il avait fait trop confiance aux effets d’un crédit d’un milliard de francs octroyé par un consortium de banques en avril 2001. Pour le reste, la commission saluait les réactions du Conseil fédéral, notamment pour la gestion de la crise à partir du 3 octobre 2001 ; soit quand le Département des finances a repris les rênes suite à l’immobilisation de la flotte Swissair. Elle estimait que sans l’engagement de l’administration des finances, un second grounding aurait sans doute eu lieu. Néanmoins, sur ce point, le Conseil fédéral aurait dû préparer des "décisions sous réserves", afin d’imaginer ce que pourraient être les effets d’une faillite de Swissair. Au total, la commission proposait au parlement un bouquet de deux motions, 5 postulats et dix recommandations adressées au Conseil fédéral pour améliorer les choses. Elle encourageait l’OFAC à mieux tenir compte de la capacité économique des compagnies d’aviation lorsqu’une autorisation d’exploitation était attribuée. A ce propos, la commission poussait le Conseil fédéral à s’aligner sur le droit de l’UE en matière de contrôle économique sur les compagnies aériennes. Pour elle, le Conseil fédéral devait aussi conduire une réflexion sur les entreprises dont l’importance est déterminante pour l’économie du pays et imaginer des procédures qui lui permettent de se préparer aux mauvais coups
[103].
Le Conseil fédéral s’est défendu de ne pas avoir réagi assez vite lors de crise Swissair. Il a toutefois reconnu certains manquements dans la surveillance de la Confédération et a accepté les 17 interventions parlementaires. Comme demandé dans le rapport, il a décidé que de
renforcer les compétences de l’OFAC afin de lui permettre d’intensifier sa surveillance sur les compagnies aériennes et d’évaluer leur capacité économique. A cet effet, le personnel sera augmenté. Le DETEC contrôlera, pour sa part, plus étroitement et plus régulièrement la surveillance exercée par l’OFAC. Dans sa réponse à la commission de gestion, le Conseil fédéral a admis qu’il fallait
revoir la politique de la Confédération en matière de prises de participation, déjà en cours ou futures, dans les entreprises privées. En tant que propriétaire, la Confédération devait pouvoir en outre exercer ses droits en matière de contrôle et d’information dans ce domaine. Il s’agit aussi d’identifier à temps les risques potentiels pour éviter ou maîtriser les crises comme celles de Swissair. Les responsabilités de l’Etat et de celles des entreprises publiques resteront cependant clairement séparées. Le Conseil des Etats a transmis tacitement les treize interventions de sa commission de gestion
[104].
Les cantons de Genève et Neuchâtel ont déposé une
plainte pénale commune contre les administrateurs de SairGroup auprès du parquet zurichois. Leur premier objectif était de récupérer quelque chose des 57 millions perdus par Genève et du million de perte de valeur des actions et des emprunts obligataires souscris par Neuchâtel. Par cette action, ils souhaitaient également établir les circonstances ayant mené à la débâcle financière du groupe et établir les responsabilités. La plainte est un document de plus de 50 pages, dirigé contre tous les administrateurs. Elle fait état de gestion déloyale, faux dans les titres, manipulation de cours en Bourse et d’avantages accordés à certains créanciers. Le canton de Vaud s’est joint à la plainte collective, tandis que les cantons de Fribourg et Jura ont renoncer à le faire
[105].
[99]
BO CN, 2002, p. 632 ss.;
BO CE, 2002, p. 378 ss. et 386; presse du 17.1 (accord) et 5.9.02 (versements);
QJ, 27.3.02;
LT, 30.3.02;
24h, 13.5.02. Voir aussi
APS 2001, p. 148.
[100] La Bourse suisse a approuvé le retrait de l’action (
LT, 15.1.02).
[101]
LT, 22.1 (sursis concordataire), 21.6 (phase de collocation) et 7.9.02 (36,2 milliards);
TG, 8.6.02 et
Lib., 30.11.02 (sursis concordataire);
24h, 7.12.02 (prétentions); presse 27.6 (Wüthrich élu), 24.10 (liquidation concordataire) et 21.12.02 (renoncement et sursis concordataire).
[102]
BO CN, 2002, p. 146 ss. et p. 246 ss.
Lit. Le rôle…
[103] Presse du 21.9.02 (Présentation du rapport).
[104]
BO CE, 2002, p. 1297 ss;
24h, 1.9 et 23.11.02 (CF).
[105] Presse 27.2 (plainte), 11.7 (Vaud) et 13.7.02 (FR);
QJ, 26.8.02 (JU).
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