Année politique Suisse 2002 : Infrastructure, aménagement, environnement / Protection de l'environnement
 
Protection des eaux
Après dix ans de lutte pour l’assainissement du lac Léman, la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL) a annoncé que celui-ci se portait mieux. La concentration de phosphore a chuté en 2001 à 34,2 mg/l (microgrammes par litres), soit 35% de moins. Le but à atteindre pour 2010 est de l’ordre de 20 microgrammes, soit un état écologique optimal. Le chlorure (industrie et sel de déneigement) a passé de 2,7 mg/l en 1971 à 7,4 mg/l en 2000. Les poissons nobles (ombles, chevaliers et féras) ont fait un retour remarqué. En 2000, quelque 80 tonnes d’ombles ont été pêchées, contre 48 tonnes en 1991. Le taux de mercure dans la chair des poissons est retourné à des valeurs proches du naturel. En 1974, la chair de la lotte en contenait 500 microgrammes par kilo, contre environ 50 en 2000. Autre aspect réjouissant; l’augmentation constante des capacités des stations d’épuration. Près de 90% de la population était raccordée à des STEP en 2000, contre environ 80% en 1991. Toutefois, la qualité biologique des 10% des cours d’eau restants est considérée comme très mauvaise. Lors de ce bilan, le CIPEL a lancé un cri d’alarme afin d’alerter l’opinion publique sur la disparition des produits sans phosphates pour les lave-vaisselles. La Commission a promis de publier pour l’automne 2003 une étude approfondie pour un phénomène qu’elle jugeait inquiétant [16].
L’OFEFP et les Offices fédéraux de l’Agriculture et de la Santé publique ont constaté une surcharge en nitrates de l’eau de consommation de près de 350 communes, principalement du Plateau. Cette eau dépasse de beaucoup la limite admise de 25 milligrammes par litre. Pour y répondre, la Confédération déboursera 60 millions de francs par an pour remplacer certaines cultures et favoriser celles qui évitent le lessivage des nitrates provenant des engrais. Chaque année, ce sont près de 130 000 tonnes d’azote provenant des engrais agricoles qui finissent dans les eaux souterraines sous forme de nitrates et en amoindrissent les qualités [17]. Depuis 1999, la Confédération soutient des projets spéciaux – sous forme de contrats avec des agriculteurs – visant à réduire les teneurs en nitrates des eaux souterraines. Selon les Offices, près de 50 000 hectares de cultures sont concernés par les lessivages excessifs d’azote, tout au long du Plateau. Les contrats passés avec les agriculteurs ne portent toutefois que sur 1900 hectares, soit 5% des surfaces touchées [18].
La Suisse a reçu une requête de la part de l’UE lui demandant de mettre fin au monopole public sur la distribution d’eau potable et d’ouvrir ce marché à la concurrence. La Suisse a jusqu’au mois de mars 2003 pour finaliser sa réponse. Cette requête bilatérale a été faite dans le cadre des négociations sur l’Accord général sur le commerce et le service GATS. Des demandes d’accès au marché suisse et/ou de simplification des procédures ont été également faites pour d’autres secteurs. La missive européenne intervenait en prévision du débat à l’OMC sur le statut de l’eau : service ou produit ? Le Secrétariat d’Etat à l’Economie (SECO) a affirmé et justifié l’opposition de la Suisse à la libéralisation de la distribution d’eau potable. En regard avec les règles de l’OMC, l’eau potable n’était pas un service mais un produit; par conséquent, il n’avait rien à voir avec les négociations GATS. De plus, l’OMC ne disposait d’aucun règlement contraignant qui obligerait un pays à libéraliser ses services publics. Le traitement des eaux usées était par contre un service qui pouvait être ouvert à la concurrence. Le SECO a toutefois estimé que la position suisse pourrait être affaiblie, si les communes multipliaient la création de sociétés anonymes au capital ouvert [19].
La persévérance des pêcheurs et des protecteurs de la nature neuchâtelois a fini par payer. Dès la fin de 2004, le Doubs retrouvera sa vitalité sur quelque 70 kilomètres de son cours grâce à un investissement de 5,5 millions de francs : le barrage du Châtelot sera équipé d’une turbine, installée à sa base, qui permettra d’assurer un débit minimum de 2 mètres cubes. Jusqu’alors et suivant les conditions climatiques, l’ouvrage franco-helvétique, inauguré en 1953, rejetait en aval des quantités d’eau très variables, qui pouvaient se réduire à un mince filet. En France comme en Suisse, les atteintes à la faune et à la flore, qu’impliquaient ces variations de débits, étaient dénoncées depuis des années. La clé de répartition de l’investissement nécessaire à la turbine est de 2,5 millions de francs pour la Société des forces motrices du Châtelot, de 520 000 pour la Confédération, de 450 000 pour le canton de Neuchâtel et de 1,5 millions pour la France. A cela s’ajoute un crédit du Fonds suisse pour le paysage [20].
 
[16] Presse du 11.2.02 (bilan des 10 ans); NF, 4.6.02 (bilan CIPEL 2001).
[17] Les engrais azotés sont indispensables aux plantes, mais ils sont très solubles dans l’eau.
[18] Presse du 28.5.02.
[19] LT, 6.7 (requête) et 15.7.02 (SECO); 24h, 15.11.02.
[20] LT, 14.8.02.