Année politique Suisse 2002 : Infrastructure, aménagement, environnement / Protection de l'environnement
 
Déchets
Au cours des dernières décennies, environ 40% du matériel issu de l'épuration des eaux – soit quelque 80 000 tonnes de substance sèche par an – a été utilisé comme engrais. Ces quantités ont toutefois eu tendance à diminuer. En effet, des doutes quant aux qualités écologiques des boues d'épuration ont été émis: elles contiennent des nutriments pour les végétaux (phosphore et azote), mais aussi toute une série de polluants et d'agents pathogènes[21] provenant de l'industrie, de l'artisanat et des ménages, qui finissent dans les stations d'épuration avec les eaux usées. Ces raisons ont incité les offices fédéraux concernés – Office fédéral de l'agriculture, Office vétérinaire fédéral et OFEFP – à reconsidérer la politique des boues d'épuration. L'OFEFP a donc proposé, en accord avec les deux autres offices, une révision de l'ordonnance sur les substances. Il s'agit d'interdire la valorisation des boues d'épuration sur les surfaces fourragères et maraîchères à partir du 1er janvier 2003 et d'étendre cette interdiction à tous les types de sols à partir du 1er octobre 2005. Afin d'ancrer ces changements dans la législation, le DETEC a mis en consultation la modification. Les offices fédéraux ne considèrent toutefois pas l'utilisation des boues d'épuration comme une menace grave pour l'environnement. A l'avenir, elles seront incinérées pour un coût d'environ 40 millions de francs. Ces dépenses seront prises en charge par les associations de gestion des eaux usées. En 2002, il était possible d'incinérer 160 000 tonnes de boues d'épuration sèches par an dans des usines spéciales d'incinération des boues, dans des cimenteries ou dans des usines d'incinération des ordures ménagères. Une capacité de 200 000 tonnes est cependant nécessaire. C'est pourquoi une certaine quantité de boues d'épuration devra provisoirement être incinérée à l'étranger. Grâce aux travaux d'extension des installations, la capacité d'incinération des boues d'épuration sera suffisante au plan national aux alentours de 2005. Dans l'intervalle, l'élimination des boues est coordonnée par un groupe de travail dirigé par l'OFEFP, dont font partie les représentants des cantons, des usines d'incinération, des cimenteries et des stations d'épuration d'eaux. Contestant le projet d'interdiction des boues d'épuration, l'Association pour l'utilisation durable des ressources écologiques (ASURE) a adressé au Conseil fédéral une pétition signée par 837 communes, demandant un délai de cinq ans. Le temps ainsi gagné devrait permettre un débat scientifique et politique sur le recyclage des boues [22].
Le Conseil fédéral a approuvé un amendement à la Convention de Bâle interdisant l’exportation des déchets dangereux vers les pays en voie de développement ou en transition. Comme la Suisse ne les a jamais autorisés, la décision du Conseil fédéral n’a pas de conséquence particulière pour l’industrie et l’artisanat. Toujours dans le cadre de la Convention de Bâle, la Suisse a financé au Maroc en 2001 une conférence continentale sur la prévention et la gestion écologiquement rationnelle pour l’Afrique des stocks de déchets dangereux. Cette conférence a permis l’adoption par tous les ministres africains de l’environnement, en juillet 2002, d’une déclaration portant sur la gestion écologiquement rationnelle des stocks indésirables de déchets dangereux (Déclaration de Rabat). Lors de la 6ème Conférence à Genève, les fabricants de téléphones portables ont signé une déclaration de coopération avec la Convention de Bâle. Les producteurs s’engagent à récupérer et recycler les téléphones portables. La Suisse a profité de ce sommet pour faire une proposition à 1,6 million de francs afin d’accueillir de manière permanente les secrétariats des Convention de Bâle, de Rotterdam et de Stockholm qui s’occupent tous de déchets [23].
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Déchets spéciaux
En début d'année, l'industrie chimique bâloise (BCI) a rendu public son premier rapport sur l'avancement des travaux d'assainissement de la décharge de Bonfol (JU). L'élément central du rapport était l'évaluation en parallèle des deux procédés d'assainissement potentiels: la variante de l'incinération et de la vitrification. Alors que le canton du Jura et la Confédération avait recommandé l’abandon du procédé de vitrification, la BCI a tenu à poursuivre à titre expérimental la vitrification sur le site de matériaux excavés. Greenpeace a dénoncé, deux ans après avoir lancé l'affaire, l'absence de volonté de la chimie bâloise de faire avancer l'assainissement du site [24]. Durant l'été, la BCI a jeté le trouble en étudiant une nouvelle répartition des coûts d'assainissement estimés à 250 millions. Un article de l'accord cadre signé en 2000 entre la BCI et le canton était interprété différemment par les parties. Le canton estimait que la BCI devait payer l'intégralité, alors que la BCI faisait une lecture nuancée en acceptant de ne payer que pour ce dont elle est juridiquement responsable. L'entreprise Leclanché, l'armée et la commune de Bonfol, en tant que propriétaire du site, étaient visées. Pour prendre de la mesure de la nuance, tant la Confédération que la BCI ont fait plancher des juristes sur la question des responsabilités financières. Les partenaires sont parvenus en fin d'année à une lecture commune du droit, mais l’application demeurait toutefois conflictuelle. La BCI exigeait que le financement de chaque étape fasse l'objet d'un accord particulier, inscrit dans l'accord cadre. Dès janvier 2003, l'Office des eaux et de la protection de la nature sera directement impliqué dans l'assainissement, par l'entremise d'un spécialiste engagé pour assurer le suivi du projet. L'office devra définir quelle surveillance adopter et la préparer en associant les autorités françaises [25].
 
[21] Les méthodes d'analyse modernes permettent de déceler des traces de polluants organiques persistants dans les boues, par exemple des biphényles polychlorés (PCB), des dioxines et d'autres substances organiques. Il s'agit notamment de résidus de médicaments, de parfums ou d'hormones synthétiques ou naturelles. C'est la raison pour laquelle l'utilisation des boues d'épuration est interdite dans la production BIO.
[22] DETEC, communiqué de presse, 13.5.02 (projet); LT, 9.8.02 et Lib., 9.12.02 (ASURE).
[23] LT, 10.12.02; Lib., 12.12.02; Exp., 13.12.02; DETEC, communiqué de presse, 4.9 (amendement) et 9.12.02 (Conférence).
[24] QJ, 26.1 (rapport), 18.4 (vitrification) et 12.7.02 (Greenpeace); 24h, 3.7.02 (BCI). Voir APS 2000, p. 177 s. et 2001, p. 161 s.
[25] QJ, 3.10 (accord); presse de 12.7 (polémique), 24.10 et 5.12.02 (accord).