Année politique Suisse 2002 : Enseignement, culture et médias / Médias
 
Aspects généraux de la politique des médias
Le sondage annuel « Baromedia 2002 » a indiqué une augmentation de la consommation de l’ensemble des médias, vraisemblablement en raison de l’actualité nationale et internationale. La radio a été la plus utilisée (76% des suisses), suivie de la télévision (69%). Les journaux quotidiens (59%) ont perdu du terrain face aux journaux gratuits (56%), confirmant la tendance observée l’an dernier. L’Internet a continué sa progression (31%), de même que le Teletext (23%). Ce dernier, perçu comme neutre dans son traitement de l’information, a le plus inspiré confiance (90%). La crédibilité des médias a globalement augmenté par rapport à 2001. L’Internet est resté la source d’information la moins bien considérée (65%). Concernant les contenus, la présence excessive de publicité a particulièrement irrité les sondés : c’est à la télévision (75%), sous forme de publicité postale (62%), sur les radios privées (48%) ainsi que sur l’Internet (48%) qu’elle est perçue comme la plus gênante. Sa présence dans des magazines (27%), au cinéma (25%), sur le Télétext (20%), dans les quotidiens (19%) et sous forme d’affiches (13%) a été jugée moins contrariante [1].
La polémique concernant l’aide publique à la presse, basée sur la loi et l’ordonnance sur la poste, s’est poursuivie. Outre le principe de l’arrosoir dans l’attribution de subventions, c’est l’efficacité du système qui est mise en cause. Le projet de révision partielle de l’ordonnance sur la poste, mis en consultation à la fin du mois de mars, a été très critiqué. Trois modifications étaient proposées. D’une part, les produits de presse ayant un tirage de plus de 300 000 exemplaires seraient exclus du système. C’est principalement le subventionnement de la grande presse associative qui était visé (grands distributeurs, TCS…). D’autre part, il était prévu que l’aide ne soit accordée qu’à des produits de presse paraissant au moins une fois par semaine. Enfin, l’aide à la presse locale et régionale, limitée aux titres tirant moins de 30 000 exemplaires, serait améliorée par une augmentation du rabais sur le prix de base et l’application sans condition du tarif spécial. Le nombre de titres soutenus serait passé de 3300 à 500. La presse locale et régionale aurait toutefois vu ses subventions augmenter de 12 millions de francs pour atteindre 37 millions. Cette proposition s’inscrivait également dans une logique budgétaire et devait permettre d’économiser au moins 20 millions de francs, l’aide passant de 100 à 80 millions de francs. Bien que la nécessité d’un changement de système soit reconnue par tous les acteurs impliqués, les réactions ont été globalement négatives. Pour Presse Suisse (éditeurs alémaniques) et Presse Romande (éditeurs romands), la limite supérieure de tirages, excluant la presse associative du système, risquait de provoquer une hausse des prix de La Poste. En perdant ces gros clients elle serait obligée de revoir ses tarifs à la hausse. Le critère du nombre de publications minimales a aussi été critiqué. La Poste a également invoqué la mise en péril de places de travail. Pour les syndicats (Comedia et le Syndicat de la Communication), le lien entre la réforme et un exercice financier n’était pas acceptable. Du côté des partis politiques, le PS s’est opposé au projet. Les démocrates-chrétiens ont salué la volonté de changer un système n’ayant pas atteint son but. Les radicaux, tout en saluant le projet, se sont exprimés pour une aide dégressive. Les démocrates du centre ont souligné l’importance d’ajouter également une limite minimale du nombre d’exemplaires. Au cours de l’été, une soixantaine d’organisations à but non lucratif sont montées au créneau. Les incertitudes relatives aux tarifs postaux et la fixation d’un nombre minimal de numéro donnant accès aux subventions ont motivé leur refus de la proposition. Le statut particulier de tels organismes a été abordé au parlement grâce une interpellation de la parlementaire appenzelloise Dorle Vallender (prd), soutenue par 85 cosignataires. Elle demandait notamment au Conseil fédéral s’il était prêt à maintenir les conditions préférentielles accordées à ces organisations. Le gouvernement ne répondit que partiellement à cette question lors de la session d’été et ne donna aucune garantie formelle à son auteur [2].
Face à toutes ces oppositions, l’exécutif fédéral a abandonné son projet de révision de l’ordonnance. La conséquence la plus immédiate a été le maintien des 100 millions de francs de subventions pour l’année 2003. En attendant une refonte complète des mécanismes d’aide à la presse, le gouvernement a proposé une solution transitoire. Contrairement au projet de révision de l’ordonnance, il s’agissait de changer la loi fédérale sur la poste. Rigueur budgétaire et frein à l’endettement obligent, la proposition prévoyait, dès 2004, une économie de 20 millions de francs chaque année. Cette phase transitoire devrait courir jusqu’en 2007, date à laquelle le Commission des institutions politiques (CIP) du Conseil national aura élaboré un nouveau système. Les modifications de la loi allaient moins loin que celles de l’ordonnance. Les principales différences concernaient l’abandon de la restriction liée à la fréquence de parution, ainsi que le relèvement du maximum de tirage permettant d’être soutenu (de 300 000 à 500 000 exemplaires). C’est dans le cadre du message à l’appui de mesures visant à alléger les finances fédérales qu’a été proposée cette modification législative. Sur proposition de la majorité de la commission, le Conseil national a adopté le projet par 112 voix contre 62, suivi par la chambre haute, à l’unanimité. C’est avant tout la gauche qui s’est opposée au texte, considérant que les petits titres des organisations d’utilité publiques allaient être touchés. Presse Suisse a protesté, en vain, contre ce projet de révision qui menaçait un certain nombre de publications [3].
De son côté, la sous-commission « Médias et Démocratie » de la CIP du Conseil national a poursuivi ses travaux en vue de l’élaboration d’un nouveau système d’aide à la presse, dont le premier élément doit être l’élaboration d’une base constitutionnelle. Adopté à l’unanimité par la commission, le projet d’article constitutionnel sur la politique des médias a été mis en consultation à fin octobre. La commission a par ailleurs précisé, quelques semaines auparavant, les grandes orientations du projet. Le principal changement devrait être le passage à une aide directe à la presse dès 2007. Le principe de l’arrosoir dans l’attribution de subventions ayant montré son inefficacité, la commission a insisté sur la nécessité de mieux cibler l’aide en fixant un certain nombre de critères. Les éditeurs, par l’entremise de Presse Suisse, se sont prononcés contre ce projet d’article constitutionnel. Ils ont reconnu l’urgence d’apporter un certain nombre de corrections mais répété leur scepticisme à l’égard d’une aide directe [4].
 
[1] LT, 6.6.02; AZ, 20.6.02. Voir également APS 2001, p. 247.
[2] Presse du 28.3.02 (mise en consultation et premières réactions), des 24.5 et 27.5 (résultats de la consultation) et du 25.6.02 (organisations à but non lucratif); BO CN, 2002, III, annexe, p. 422 ss. (interpellation Vallender). Voir également APS 2001, p. 248 s.
[3] Presse du 4.7.02 et communiqué de presse du DETEC du 3.7.02 (abandon de la révision de l’ordonnance et nouvelle proposition); FF, 2002, p. 6482 ss. (message); BO CN, 2002, p. 2176 et BO CE, 2002, p. 1310 (votes finaux); presse du 26.11.02 (réactions de Presse Suisse).
[4] Presse du 07.9.02 (présentation par la commission); NZZ, 13.9.02 et presse du 14.9.02 (réactions); le texte prévoit que "la Confédération encourage la diversité et l´indépendance des médias. Ce faisant, elle tient compte de l´importance des médias pour la formation démocratique de l´opinion au niveau national, régional et local, ainsi que pour la cohésion sociale". Voir également APS 2001, p. 248.