Année politique Suisse 2002 : Enseignement, culture et médias / Médias
Radio et Télévision
La révision totale de
la loi sur la radio et la télévision (LRTV) s’est poursuivie durant l’année sous revue. Le Conseil fédéral a défini en janvier les
principes généraux pour l’élaboration du message, prévu pour le courant de l’année. Relativement à l’attribution du produit de la redevance aux diffuseurs privés, le gouvernement est revenu sur ses pas. La forte résistance des régions linguistiques et des cantons l’ont poussé à renoncer à la solution restrictive initialement prévue. Il a confirmé la nécessité de mieux cibler l’aide. Ces lignes directrices ont été globalement bien acceptées
[37]. Face aux difficultés rencontrées par les diffuseurs privés, le gouvernement n’a émis aucune objection à la proposition Schmid. Le principal argument en faveur de cette anticipation a été la durée de la procédure législative. La révision partielle permettrait aux diffuseurs privés de gagner deux ans. La chambre haute a entériné cet assouplissement à la session d’été par 22 voix contre 11. La Commission des transports et des télécommunications de la chambre basse s’y est toutefois opposée. Outre le fait qu’il lui semblait souhaitable de traiter cet objet dans le cadre de la révision totale de la LRTV, des arguments de santé publique ont été avancés
[38].
C’est en fin d’année que le
projet de loi a été transmis au parlement. Dans la logiques des principes généraux énoncés en début d’année, le Conseil fédéral a insisté sur la garanti d’un service public fort ainsi que sur l’assouplissement des dispositions concernant les diffuseurs privés. D’une part, la SSR (Société Suisse de radiodiffusion et télévision) doit rester la principale bénéficiaire de la redevance de réception, afin que la Suisse puisse toujours bénéficier d’une offre indépendante dans chaque région linguistique. Il est prévu d’introduire un
comité consultatif indépendant pour vérifier la mise en œuvre du mandat confié à la SSR, notamment concernant la qualité de programmes. Composé d’une chambre par région linguistique, il ne devrait pas être pourvu d’un pouvoir de sanction. D’autre part, les diffuseurs privés devraient voir leur position renforcée grâce à une augmentation significative de la quote-part de la redevance qui leur sera attribuée (principe du
« splitting »). Ce soutien devrait passer de 12 à 44 millions de francs (au maximum 4% du produit total de la redevance) et être plus ciblé. L’appui à ces diffuseurs privés de radio ou de télévision sera lié au respect d’un mandat de service public. Des diffuseurs actifs au niveau suprarégional ne devraient toutefois pas bénéficier d’une partie de la redevance. Il est prévu que la
réglementation sur la publicité soit assouplie et permette les interruptions publicitaires et la promotion des boissons alcoolisées. Ce dernier point ne concerne toutefois que les alcools légers (vin, bière, cidre…). La SSR n’est pas concernée par ces mesures d’assouplissement et l’interdiction de la publicité radiophonique devrait être maintenue, excepté sous la forme de sponsoring d’émissions. Il convient enfin de mentionner la probable création d’une
commission indépendante chargée de chapeauter les télécommunications et la radiodiffusion. Elle devrait notamment sélectionner les diffuseurs et contrôler l’accomplissement de leurs mandats de prestation. Le projet a été globalement bien perçu. La SSR s’est cependant montrée préoccupée par la perte découlant du nouveau système de répartition de la redevance. Elle a émis le souhait de bénéficier d’une augmentation de cette dernière pour compenser ces pertes. Les diffuseurs privés, se sont montrés globalement satisfaits des propositions gouvernementales. Voix discordante, l’Institut de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA) a exprimé sa déception de voir la logique économique prendre le pas sur celle de la santé publique ou de protection de la jeunesse
[39].
L’
entreprise nationale de radio et télévision est parvenue à limiter les pertes en 2002. Elles ont été ramenées à 4,4 millions de francs, contre 18,3 millions l’année précédente. La morosité économique, l’exonération du paiement de la redevance accordée aux bénéficiaire de prestations complémentaires AVS/AI ainsi que les fenêtres publicitaires des chaînes étrangères ont été invoquées pour expliquer le manque de recettes. La part de marché des radios de la SSR a progressé de 1,3 point pour se fixer à 64%. La part de marché de la TSR (Télévision suisse romande) a reculé de 0,8%, à 30,3%. Le recul s’est ainsi poursuivi pour la cinquième année et elle s’est rapprochée dangereusement de la barre psychologique des 30%. Bien que concurrencée par les chaînes commerciales françaises, TF1 en tête, elle est demeurée la plus appréciée par chaque tranche d’âge. La baisse a été principalement attribuée à la non retransmission de la Coupe du monde de football, qui a obligé les téléspectateurs romands à choisir les chaînes concurrentes étrangères, et aux succès rencontrés par les émissions françaises de télé réalité
[40]. La télévision suisse alémanique a enregistré son meilleur résultat depuis une dizaine d’années. C’est plus particulièrement les résultats de son deuxième canal, SF2, qui ont contribué à cette amélioration. La retransmission des événements sportifs comme les jeux olympiques et les compétitions européennes de football ont permis d’améliorer le résultat d’ensemble. Durant les heures de pointe, entre 18 et 23 heures, la part de marché a augmenté de 2,8 % pour se fixer à 44,1% (SF1 à 35,4%, SF2 à 8,4% et SF Info 0,3%). Le principal concurrent est resté le diffuseur allemand RTL à 7,9%. Les chaînes privées ont, pour leur part, progressé de 2,6% à 4,2%, malgré les disparitions de TV 3 et Tele 24
[41].
En début d’année, le rédacteur en chef de la télévision alémanique
Filippo Leutenegger a été démis de ses fonctions. Outre le différend personnel avec le directeur Peter Schellenberg, des désaccords insurmontables sur des questions stratégiques et d’organisation semblent être à l’origine de ce départ prématuré C’est finalement Ueli Haldimann qui, après une période de quatre mois à titre intérimaire, est devenu rédacteur en chef
[42].
La SSR a annoncé sa décision de
passer de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique, afin de suivre l’évolution européenne. La diffusion hertzienne a été temporairement interrompue, les foyers non câblés et sans antenne satellite ne pouvaient dès lors plus regarder les chaînes des autres régions linguistiques. Bien que temporaire, cette situation a provoqué de nombreuses réactions. Selon l’Office fédéral de la Communication (Ofcom), le 80% des ménages étant câblés et 10% équipés d’une antenne satellite, 10 000 ménages au plus devaient être touchés. De plus, la réception étant encore possible dans les zones proches des frontières linguistiques, le nombre de personnes réellement affectées devait être faible. Différentes organisations de protection des consommateurs ont cependant interprété cet état de fait comme une violation de la concession dans la mesure où l’encouragement de la cohésion entre les régions linguistiques n’était plus assuré. Les premiers réseaux numériques d’émetteurs de télévision devraient, selon le DETEC, être mis en service en 2003 au Tessin
[43]. Les réactions négatives ont pris une telle ampleur que le Conseil fédéral est intervenu auprès de la SSR
[44]. Il n’a pas critiqué la décision sur le fond, mais il n’a pas manqué de souligner la mauvaise gestion de la communication et a imposé un calendrier accéléré d’installation du nouveau réseau d’émetteurs de télévision numérique
[45]. Sans interrompre les adaptations techniques, la SSR s’est déclarée prête à participer financièrement aux frais d’installation d’une antenne satellite, cela uniquement pour des cas de rigueur
[46].
La télévision alémanique
SF DRS a engagé en début d’année le plus grand exercice d’économies de son histoire. La direction a fixé un objectif de 30 millions de francs à atteindre pour le budget 2003. Renonçant à une stratégie de coupes linéaires, il a été décidé de supprimer des émissions, de renoncer à des rubriques et de limiter l’acquisition de séries étrangères. Menaçant quelques 45 places à plein temps, la direction a admis que les fluctuations naturelles ne permettraient pas d’éviter des licenciements pour motifs économiques. La direction, préoccupée par la baisse des recettes publicitaire et par les conséquences des exonérations de redevance accordées aux bénéficiaires de prestations complémentaires AVS/AI, n’a pas exclu d’autres économies dans le futur. Une demande dans ce sens a été adressée à chaque division quelques semaines plus tard. Elles ont été priées de déterminer des sources potentielles d’économies réalisables
[47].
Conscient des difficultés financières liées aux rentrées publicitaires et aux exonérations de redevance, le Conseil fédéral a accepté d’
augmenter la redevance de réception pour la radio et la télévision d’environ 4,2% dès début 2003. Les organisations de défense des consommateurs n’ont pas manqué de critiquer ce renchérissement. Alors que le passage à la diffusion numérique avait déjà provoqué une baisse de l’offre, il leur semblait en effet regrettable d’en augmenter le prix
[48].
Grâce au financement garanti par la SSR, le lancement par la RSR (Radio Suisse Romande) d’une chaîne d’information en continu a été confirmé. Baptisé
RSR-info, le projet devrait voir le jour à la fin de l’année 2003 ou au début de l’année 2004. L’autorisation du Conseil fédéral sera toutefois nécessaire dans la mesure où la concession subira des modifications
[49].
Opposés à la volonté de la SSR de maintenir la
couverture décentralisée des élections fédérales 2003, les partis radical, socialiste et démocrate-chrétien ont demandé un studio unique à Berne. La SSR avait évoqué des motifs de coût pour maintenir la structure de 1999
[50].
Le lancement de la chaîne régionale
Interjura TV a été largement plébiscité par le parlement jurassien. Une aide au démarrage, sous forme de crédit, a été accordée à cette télévision qui devrait couvrir le Jura, le Jura bernois, La Chaux-de-Fonds et Le Locle. Bien que de nature interjurassienne, le projet n’a pas encore obtenu de soutien des cantons de Berne et Neuchâtel
[51].
Le marché national s’est enrichi d’une offre de télévision à la carte en septembre. L’entreprise Cablecom a lancé une télévision payante (
Near-Video-on-Demand) qui diffuse des longs-métrages sur plusieurs canaux, à des heures différentes, et doit permettre au client de choisir l’horaire adéquat
[52].
La chaîne musicale allemande
Viva a repris entièrement le canal suisse Viva-Swizz. Afin d’être concurrentielle, elle a adopté, avec la nouvelle programmation d’automne, une politique de proximité mettant l’accent sur la production indigène
[53].
La télévision privée française
M6 a ouvert une fenêtre publicitaire qui couvre une partie de la suisse romande. L’organisation faîtière des éditeurs romands Presse Romande a manifesté sa crainte de voir le marché publicitaire déséquilibré par l’arrivée du diffuseur français
[54]. La TSR (Télévision suisse romande) a déposé une plainte auprès du tribunal de Fribourg pour violation de ses droits d’auteurs et de la loi sur la concurrence. Elle a également demandé la fermeture de ce décrochage à titre provisionnel, mesure refusée par le juge de première instance de Fribourg. De son côté l’OFCOM, également opposé à cette pratique, est intervenu auprès des autorités françaises compétentes. Il a estimé que cette fenêtre publicitaire contredisait la position officielle de la France, d’ordinaire ardente partisane de la diversité culturelle
[55].
Le groupe TAMEDIA a repris
Radio Basilisk, la plus grande radio privée bâloise. Des négociations préalables avec le Basler Mediengruppe avaient échoué. Après la reprise de Radio 24 et de TeleZüri, l’an dernier, il a poursuivi sa stratégie orientée vers les médias électroniques
[56]. De son côté, le Basler Mediengruppe a repris
Radio Edelweiss [57].
La concurrence des radios françaises dans l’arc lémanique a fait réagir les radios locales
One FM (Genève) et
Lausanne FM qui ont saisi la justice genevoise. Celle-ci devra déterminer si les activités des émetteurs NRJ ou Nostalgie ne contreviennent pas aux obligations relatives à la publicité imposées aux radios suisses, tout en s’arrogeant une part non négligeable du marché publicitaire. L’OFCOM est également intervenu de nombreuses fois auprès des autorités françaises
[58].
162 réclamations, concernant les programmes des radios et télévision alémaniques, ont été déposées auprès de
l’organe de médiation. Outre des objections générales, ou liées à des problèmes techniques (34%), le caractère peu objectif ou tendancieux de certaines émissions a été invoqué. En augmentation de 21 unités par rapport à 2001, 57 ont été considérées comme fondées et 7 ont été transmises à l’
AIEP. Cette dernière a traité, au total, 18 cas dont 11 concernaient des émissions de télévision et 7 de radio, 16 étaient l’œuvre de la SSR et 2 de diffuseurs de télévision privés. A noter que, pour la première fois, une décision a été rendue en romanche. Bien qu’ayant été moins sollicitée que l’an dernier, 18 cas contre 22, l’AIEP a déclaré un plus grand nombre de plaintes fondées, 6 contre 1. Les principaux thèmes traités concernaient le manquement au principe de présentation fidèle des événements et la violation des sentiments religieux. Aucune des décisions n’a fait l’objet d’un recours au Tribunal fédéral
[59].
[37] Presse du 24.1.02. Voir également
APS 2001, p. 253 s.
[38]
FF, 2002, p. 6580 ss. et 6595 s.;
BO CE, 2002, p. 446 ss. Voir
APS 2001, 254.
[39]
FF, 2003, p. 1425 ss.; presse du 19.12.02.
[40] Presse du 21.1 et du 26.3.03.
[41] Presse du 5.2 et du 7.2.03. Pour TV3 et Tele 24 voir
APS 2001, p. 255 s.
[42] Presse du 31.1 et du 7.6.02.
[43] Presse du 23.2.02 et
Rapport de gestion 2002 de l’OFCOM, Bienne 2002, p. 29.
[44] Diverses réactions :
BaZ, 14.2.02 (Pro Ticino Basilea);
CdT, 9.3.02 (Meinrado Robbiani, pdc,TI);
24h, 12.3.02 (associations de consommateurs);
BüZ, 12.3.02 (Pro Grigioni Italiano);
CdT, 2.5.02 (Conseil d’Etat tessinois);
NF, 18.6.02,
LT, 19.6.02 et
24h, 27.7.02 (interpellation du conseiller aux Etats Simon Epiney (pdc, VS) au nom des régions de montagne, diverses protestations de parlementaires auprès du DETEC, nombreuses réclamations individuelles).
[46]
BüZ, 14.3.02;
LT, 19.6.02.
[47] Presse du 9.2.02;
TA, 8.3.02.
[52]
AZ, 27.6.02,
BaZ, 12.8.02;
Rapport de gestion 2002 de l’OFCOM, Bienne 2002, p. 20.
[53]
Bund, 28.6.02;
NZZ, 30.8.02.
[55] Presse du 16.2.02 (plainte);
LT, 5.7.02 (refus);
Rapport de gestion 2002 de l’OFCOM, Bienne 2002, p. 33.
[56] Presse du 29.5.02. Voir également
APS 2001, p. 255.
[58]
Rapport de gestion 2002 de l’OFCOM, Bienne 2002, p. 33.
[59]
NZZ, 11.02.03; presse du 28.2.03; communiqué de presse de l’AIEP du 27.2.03.
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