Année politique Suisse 2003 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Trafic routier
La cinquantaine d’instances et d’associations consultées a jugé très complexe le système de réservation pour le transit alpin proposé par le DETEC. Le Département a dès lors décidé de s’en tenir au système existant de gestion du trafic, ce dernier étant bien accepté et efficace. En revanche, la question de
la construction d’aires d’attente en dehors des autoroutes a été jugée comme pressante et indispensable par les acteurs consultés. Le DETEC l’approfondira afin de la mettre en pratique
[2].
Afin de promouvoir
l’initiative « Pour un dimanche sans voitures par saison », ses partisans ont joué sur son côté émotionnel, à savoir une utilisation inédite du temps et de l’espace
[3]. Il s’agissait d’expérimenter de nouveaux modes de vie (animations spontanées) et formes de mobilité sans danger (vélo, rollers, randonnée…), en particulier pour les plus vulnérables. La population pourrait aussi jouir de journées sans nuisances sonores. Le PS et les Verts se sont ralliés à cette argumentation. Le camp des opposants était composé du Conseil fédéral, des partis de droite (UDC, PRD, PDC, PLS) et des lobbies automobiles et économiques. Ces derniers y voyaient une mesure autoritaire, allant à l’encontre de la liberté individuelle. L’initiative serait même dangereuse car certains véhicules continueraient de circuler. De plus, l’impact écologique serait faible. D’après les opposants, son acceptation aurait des retombées négatives pour le tourisme, l’économie et les travailleurs du dimanche. Elle discriminerait également les habitants de régions périphériques mal desservies en transports publics et bloquerait le trafic international. Les accords bilatéraux signés avec l’UE assurant la liberté des transports seraient ainsi violés
[4].
Initiative „Pour un dimanche sans voitures par saison“
Votation du 18 mai 2004
Participation: 50%
Oui: 881 953 (37,6%) / cantons 0
Non: 1 460 794 (62,4%) / cantons 20 6/2
– Oui: PS, PE, PEV, PCS, PST, DS, UDF; USS.
– Non: PRD, PDC (1*), UDC, PL, PL; UCAPS, Economiesuisse, USAM, USP.
– Liberté de vote: CSC
* Recommandations différentes des partis cantonaux
L’initiative « Pour un dimanche sans voitures par saison » a connu le même sort que sa consoeur 25 ans plus tôt. Elle a été
rejetée par 62,3% des votants et tous les cantons. Les plus réfractaires ont été les Valaisans (75,4% de non), devant Appenzell Rhodes-Intérieures (71,4%) et Nidwald (69,2%). L’idée a suscité le plus de sympathie dans les cantons urbains de Bâle-Ville (43,6% de oui) et de Zurich (42,2%)
[5]. D’après l’analyse Vox, les auteurs de l’initiative n’ont pas réussi à obtenir, malgré une campagne visant une large couche de la population, une majorité en faveur de leur revendication, exception faite de leur électorat (rose-vert). Le
fossé entre partisans et opposants
longeait la
ligne idéologique classique. Parmi les caractéristiques sociales, le fait de posséder une voiture a pesé sur le vote. Les personnes qui ont voté en faveur de l’initiative ont mis en avant sa dimension positive, à savoir la qualité de vie qu’elle supposait. Ces dernières se sont également reconnues dans son argument d’utilité écologique à long terme, dans le sens où elle encourageait un changement de mentalité des utilisateurs de la route. Pour les personnes qui s’y étaient opposées, les avantages de l’initiative ne compensaient pas ses désavantages. Ceux-ci résidaient surtout dans le caractère contraignant de l’interdiction dominicale de circuler en voiture (atteinte à la liberté), mais également dans la difficulté de réalisation et les avantages minimes sur le plan écologique
[6].
Par 101 voix contre 74, le
Conseil national a rejoint le Conseil fédéral et le Conseil des Etats en
abaissant de 0,8 à 0,5‰ le taux d’alcoolémie au volant. Il y aura désormais un double étalage punitif: le taux simple de 0,5 à 0,8‰ et le taux qualifié de 0,8‰ et plus
[7]. Pour y parvenir, le Conseil national a d’abord dû écarter la proposition de non-entrée en matière de l’UDC. Ensuite, sur le fond, sept variantes étaient en discussion pour le taux d’ébriété simple. La plus sévère (0,2‰) et la plus libérale (0,8‰) ont été retirées, mais il a fallu plusieurs votes, pour finalement suivre la variante de la commission (0,5‰). La résistance est venue des cafetiers et restaurateurs – représentés par Triponez (prd, BE), directeur de l’USAM: maintien à 0,8‰ – et des milieux viticoles – emmenés par Chevrier (pdc, VS): proposition à 0,7‰. Dans leur sillage se trouvaient l’UDC, une partie des démocrates-chrétiens, la majorité des radicaux et les libéraux. Tous ont invoqué les incertitudes scientifiques, quant à l’effet de l’alcool, et les conséquences économiques. Moritz Leuenberger s’est publiquement étonné que, lors de la procédure de consultation, les démocrates-chrétiens et les radicaux se soient pourtant prononcés en faveur de l’abaissement du taux d’alcoolémie. Le ministre a répondu à ceux qui accusaient le Conseil fédéral de laxisme en matière de drogues au volant: la tolérance pour le cannabis, l’héroïne ou la cocaïne sera de zéro. En effet, la
nouvelle loi sur la circulation routière (LCR)
introduira la notion d’abus de stupéfiants ou de médicaments au volant, au même titre que celui d’alcool. Elle donnera ainsi la base légale à des contrôles plus réguliers et surtout plus simples. La LCR ne fixe pas de taux limites. Ce sera l’affaire de ses futures ordonnances d’application. En votation finale, le Conseil national a accepté l'ordonnance par 111 voix contre 74 et le Conseil des Etats par 29 voix contre 5
[8].
La
nouvelle ordonnance sur la circulation routière a été mise en consultation. Elle fixe les moyens mis à disposition pour calculer l’alcoolémie et pose des règles plus précises s’agissant de
détecter les personnes sous l’influence d’une drogue. Concernant la consommation de substances comme l’héroïne, la morphine, la cocaïne, les amphétamines et le cannabis, la présence dans le sang suffira pour attester l’incapacité de conduire. Pour les autres stupéfiants et les médicaments, le constat de police, les observations du médecin ainsi que les résultats de laboratoire des analyses chimiques et toxicologiques seront nécessaires. Ce projet de tolérance zéro pour les drogues a rencontré l’approbation générale
[9]. L’OFROU a informé que l’abaissement du taux d’alcool limite au volant de 0,8 à 0,5‰ entrera en vigueur en janvier 2005 seulement, et non en 2004 comme prévu initialement. Les différents corps de police avaient besoin d’encore un peu de temps pour se familiariser avec les nouveaux appareils de mesure
[10].
Bien que les principaux acteurs aient déjà été interrogés, la
Confédération a mis en consultation le permis de conduire à l’essai, une mesure qui s’inscrit dans le cadre de la révision de la loi sur la circulation routière (LCR). Le permis de conduire s’obtiendra en deux phases, indépendamment de l’âge du candidat. L’élève de la route devra toujours acquérir un permis provisoire et passer des examens théoriques et pratiques. Le changement intervient dans
une deuxième phase probatoire, longue de trois années. La catégorie B (voiture de tourisme) et la catégorie A (motos de plus de 125 cm3 ou dont la puissance est supérieure à 11 kW) sont touchés. Durant les trois années de mise à l’épreuve, l’apprenti conducteur sera tenu de suivre une formation complémentaire de 16 heures pour les automobilistes et de 12 heures pour les motards. Concrètement, il s’agit de peaufiner la maîtrise de la route et les réflexes de conduite durant une journée avec un moniteur spécialisé sur un circuit prévu à cet effet. Durant une deuxième demi-journée, l’apprenti chauffeur sera drillé à « la conduite ménageant l’environnement – Eco-Drive ». L’OFROU a admis que le nombre de circuits était lacunaire et qu’il sera nécessaire de mettre en place des structures permettant d’accueillir les quelques 80 000 nouveaux conducteurs chaque année. Si aucune infraction n’est commise durant la période probatoire de trois ans, l’élève recevra son permis. Les fautes compromettant la sécurité routière seront sévèrement sanctionnées. Une première infraction entraînera un retrait du permis et la mise à l’épreuve sera prolongée d’une année. Après une deuxième infraction du même genre, le permis sera annulé pour une année. Le conducteur devra alors répéter la formation et les examens, après avoir suivi une expertise psychologique prouvant sa capacité à conduire. La durée du retrait de permis augmentera à chaque nouvelle infraction de gravité forte ou moyenne. La sanction pourra aller jusqu’à une perte définitive de l’autorisation de conduire
[11].
En réponse à la consultation, les différents protagonistes acceptaient le permis de conduire à l’essai, mais sa mise en œuvre était en revanche controversée pour certains. Le PDC craignait trop de bureaucratie et demandait au DETEC de formuler moins d’exigences. L’UDC y voyait une discrimination des nouveaux conducteurs. A l’inverse, les Verts et l’ATE estimaient que les ordonnances n’étaient pas suffisantes pour assurer un comportement routier respectueux de l’environnement. Le DETEC n’a pas tenu compte de ces remarques et le permis de conduire à l’essai constituera le deuxième paquet de mesures, qui entrera en vigueur à partir de la fin 2005
[12].
Cinq mois après l’avoir lancée, le comité « Pro Moto » a déposé à la Chancellerie sa
pétition contre "Vision Zéro", munie de 209 986 signatures. Ce projet du Bureau suisse de prévention des accidents visait à réduire massivement les accidents routiers. Les griefs à son encontre portaient sur le bridage des motos et scooters à 80 km/h, sur la limitation du taux d’alcoolémie à 0,2‰ pour les motards, sur l’augmentation de 16 à 18 ans de l’âge minimum pour la conduite de motos et de scooters, sur la limitation à 70 km/h hors des agglomérations, ainsi que sur les différences de traitement en matière de cours de perfectionnement obligatoires
[13]. Constatant que l’objectif de zéro mort était irréalisable,
l’OFROU a décidé de
faire passer à la trappe le concept de sécurité Vision Zéro. L’Office préférait se concentrer sur des objectifs réalistes et acceptés par la population. Toutefois, l’idée de base de réduire de moitié le nombre de morts dus au trafic d’ici à 2010 (soit moins de 300) était maintenue
[14].
[3] Voir également
APS 2001, p. 127 et
2002, p. 141. Erratum: à propos du texte de l’
APS 2001, il s’agit de l’interdiction d’un dimanche par saison et non d’un dimanche par an, comme il est écrit.
[4]
NF, 15.4.03; presse du 22.4.03;
LT, 23.4.03;
24h, 26.4.03.
[5]
FF, 2003, p. 4668 s.; presse du 19.5.03.
[6] Cornelia Blaser et al.,
Vox. Analyse des votations fédérales du 18 mai 2004, Zurich 2003.
[7] Pour plus de détails sur les taux et les sanctions, voir
APS 2001, p. 128 s et
2002, p. 141.
[8]
BO CN, 2003, p. 121 ss., 128 ss. et 520;
BO CE, 2003, p. 371; presse du 7.3.03.
[9] Presse du 30.7.03 (lancement de la consultation);
LT, 17.10.03 (approbation).
[10]
LT, 25.10.03;
Lib., 12.11.03;
TG, 27.11.03.
[12]
LT, 27.11.03 (résultats de la consultation);
TG, 27.11.03.
[13] Presse du 24.3 et 14.5.03 (dépôt);
24h, 12.4.03. Voir
APS 2002¸ p. 142 s.
Copyright 2014 by Année politique suisse