Année politique Suisse 2003 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Poste et télécommunications
Après avoir campé sur leurs positions respectives, le Conseil national a éliminé tacitement les dernières divergences avec le Conseil des Etats au sujet de l'initiative parlementaire CTT-CN (modification de la loi sur La Poste), qui est un contre-projet indirect à l'initiative populaire "Services postaux pour tous".
La Poste sera tenue exploiter un réseau d'offices couvrant tout le territoire et ses prestations devront être disponibles à une distance raisonnable dans toutes les régions. Le National, à l'origine du projet
[75], a finalement renoncé à faire mention explicite de "bureaux de poste situés" à une distance raisonnable des clients. La Poste sera obligée d'offrir dans les mêmes conditions des "prestations de service universel". Faisant une concession au National, le Conseil des Etats a accepté d'obliger La Poste à assurer uniquement en principe une distribution à domicile dans toutes les zones habitées à l'année. Après l’avoir refusé dans un premier temps, le National a également accepté la proposition des Etats concernant la protection des salariés. L'octroi d'une concession à des concurrents privés de La Poste devra ainsi être lié au respect des conditions de travail usuelles dans la branche. En vote final, le Conseil national a accepté l'initiative parlementaire CTT-CN par 161 voix contre 21, le Conseil des Etats par 35 voix contre 1
[76].
Au début d'avril, le Conseil fédéral a
mis en consultation un projet de modification de l'ordonnance sur La Poste. Découlant de la révision de la loi sur La Poste, elle faisait aussi office de contre-projet indirect à l'initiative "Services postaux pour tous"
[77]. L'association des opérateurs postaux privés l'a critiquée. Celle-ci trouvait que le projet d'ordonnance bridait la concurrence, plutôt que d'en assurer le bon fonctionnement. Les huit principaux concurrents de La Poste contestaient notamment la taxe de concession sur les activités de courrier. Celle-ci devait les faire participer au financement du service universel de La Poste. Un autre point litigieux avait trait aux prescriptions sur l'emploi, qui imposaient des conditions de travail analogues à celles des CCT de La Poste. Le projet de révision se voyait aussi
attaqué de toutes parts par les partis. La droite et Economiesuisse souhaitaient une libéralisation plus rapide. Les socialistes et les syndicats voulaient, au contraire, la stopper, car ils craignaient un démantèlement du réseau postal. Ils critiquaient l'absence de dispositions claires obligeant La Poste à assurer ses prestations sur l'ensemble du pays. Par ailleurs, tant la gauche que la droite émettaient de sérieux doutes sur les sources de financement prévus pour permettre à la Poste de couvrir les coûts du service universel sans subvention fédérale
[78].
Le Conseil fédéral a fixé l'
entrée en vigueur de la loi et de l'ordonnance révisée au 1er janvier 2004. Parmi les nouveautés, celles-ci
imposaient un mandat d'infrastructure
à La Poste, autrement dit l'obligation d'entretenir un réseau sur l'ensemble du territoire. Dans les 150 régions de planification répertoriées
[79], La Poste devra proposer au moins un bureau offrant toutes les prestations du service universel à des prix raisonnables. Avant toute décision de transférer ou de fermer un bureau, elle devra consulter les communes concernées. En cas de désaccord, une commission indépendante instituée par le DETEC émettra une recommandation, mais la décision finale relèvera de la compétence de La Poste. Celle-ci sera en outre tenue de faire contrôler chaque année la qualité de l'accès à ses prestations et la satisfaction de sa clientèle par un organe indépendant de régulation: PostReg. Cette unité de cinq membres, indépendante sur le plan juridique, sera rattachée au DETEC. La Poste l'informera aussi de la densité de son réseau d'offices et des modifications concernant les bureaux et le service à domicile, ainsi que leurs conséquences pour la population.
Dès 2004, le marché des colis de moins de 2 kg sera libéralisé. En 2006, la limite du monopole des lettres sera abaissée à 100 grammes. Cette deuxième étape sera inscrite dans la prochaine révision de l'ordonnance sur La Poste. Parallèlement à cette ouverture du marché, un système de concession sera introduit dans l'ordonnance. Les privés qui transportent, pour compte d'autrui, régulièrement et à titre professionnel des lettres vers l'étranger ou des colis jusqu'à 20 kg, et réalisent un chiffre d'affaires annuel soumis à la TVA d'au moins 100 000 francs, y seront soumis. Les autres devront uniquement déclarer leurs prestations à PostReg. En sus, l'autorité de régulation sera aussi chargée de traiter les dénonciations, de préparer les décisions tarifaires du DETEC et d'évaluer la libéralisation progressive du marché. Si les recettes de La Poste ne permettent pas de couvrir les coûts du service universel, le DETEC pourra taxer les privés en prélevant des redevances de concession (3% du chiffre d'affaires). La Poste devra toutefois apporter la preuve que ses dépenses ne sont pas couvertes intégralement. Pour éviter tout dumping salarial, les entreprises au bénéfice d'une concession devront en outre respecter les conditions de travail usuelles de la branche. Estimant que les principales exigences de l'initiative populaire "Services postaux pour tous" ont été prises en compte, à l'exception du subventionnement par les autorités, Moritz Leuenberger a demandé aux initiants de la retirer
[80].
Malgré le soutien du camp rose-vert et de quelques députés de droite, le
Conseil national a décidé par 97 voix contre 85 de
recommander le rejet de l'initiative "Services postaux pour tous". Le National a jugé que l'essentiel des exigences du texte était satisfait dans la législation qui entrait en vigueur. Il a également repoussé par 90 voix contre 86 l'initiative parlementaire Hämmerle (ps, GR), qui demandait que lors de la création et de la suppression d'emplois et de places d'apprentissage, La Poste assure l'équilibre entre régions développées et régions marginales. Le Conseil national n'a pas voulu non plus d'une initiative du Tessin (84 voix contre 82), qui visait à répartir les centres de tri (voir infra) sur les principales régions linguistiques et à examiner les conséquences des futurs assouplissements du monopole de La Poste pour les régions marginales. La Chambre du peuple a par contre approuvé, par 89 voix contre 78, une initiative parlementaire PDC qui demandait d'inscrire dans la loi sur l'organisation de La Poste, une disposition obligeant La Poste à tenir compte des exigences des différentes régions du pays dans l'organisation de sa structure fonctionnelle. L'argument des radicaux et des démocrates du centre, selon lequel La Poste doit disposer d'un maximum de flexibilité pour s'imposer sur le marché, n'a pas porté. Ni celui affirmant que ce n'est pas à La Poste, mais à des mesures de politique régionale spécifique (agriculture, tourisme, investissement dans les régions de montagne) de soutenir les régions périphériques. Sans discussion, le Conseil national également approuvé une initiative du canton du Valais, qui demande que La Poste aménage au moins, dans les régions marginales, de petites entités de tri, et que des mesures de compensation soient prises en leur faveur à travers la décentralisation de certaines activités postales et des emplois
[81].
Cinquante jours après avoir retiré son projet de réorganisation des centres de tri
REMA-Reengineering Mailprocessing
[82], La Poste a présenté quatre nouvelles
variantes. Allant de 3 à 8 sites principaux de tri pour 3 à 6 sites secondaires, les propositions imposaient des coupes moins dures dans les effectifs que le projet initial: de 2333 à 3325 emplois supprimés. Les économies escomptées – entre 138 et 175 millions de francs – étaient revues à la baisse
[83]. Prélude à l’annonce de la variante retenue, La Poste et les syndicats de la Communication et Transfair ont réussi à
s’entendre sur un plan social [84].
Des quatre variantes, le conseil d’administration de La Poste a opté pour celle à
trois centres de tri principaux dans les régions de Lausanne/Yverdon, Soleure/Olten/Aarau et Zurich, et à
six centres secondaires dans les régions de Bâle, Berne, Genève, Lucerne, St-Gall et du Tessin. Avec la variante « 3+6 », La Poste a retenu les critères de politique régionale et de personnel (paix sociale), avant ceux économiques. Les nouvelles infrastructures seront mises en service entre 2006 et la fin 2008. La restructuration, basée sur des prévisions de baisse de 10% du volume du courrier d’ici à 2010, engendrera la suppression de 2390 emplois (38%)
[85].
Le
Conseil des Etats a
entériné la restructuration REMA en rejetant deux initiatives cantonales – valaisanne et tessinoise – qui invitaient la Confédération à prendre en considération les intérêts régionaux. L'initiative tessinoise a été rejetée par 19 voix contre 6, alors que le texte valaisan a été repoussé tacitement. Ce sont les mesures prises en mars par le parlement et par l'ordonnance qui ont conduit le Conseil des Etats à ne pas donner suite aux deux initiatives
[86].
Après avoir trouvé un accord avec les syndicats (Syndicat de la communication et Transfair) pour négocier une convention collective, le conseil d'administration de
La Poste a pris la décision de transformer sa division ExpressPost
[87]
en société anonyme. Le transfert du personnel (370 emplois) dans la nouvelle structure est prévu pour le 1er janvier 2005. En collaboration avec l'UBS, La Poste s'est attaquée au
marché hypothécaire. Trois produits ont été proposés aux particuliers
[88].
[75] Voir
APS 2002, p. 155 s.
[76]
BO CN, 2003, p. 105 ss., 265 s. et 521;
BO CE, 2003, p. 125 ss. et 372.
[77] Pour plus de détails,
APS 2001, p. 143 (initiative) et
2002, p. 155 ss. (ordonnance).
[78]
FF, 2003, p. 3325 ss.; presse du 10.4 (lancement de la consultation); 22.7 (entreprises privées) et 16.8.03 (partis).
[79] Le nombre de bureaux est lié à deux critères: chacun doit être accessible à 90% de la population locale en 20 minutes depuis le domicile (à pied ou en transports publics). Un bureau peut être remplacé par un service à domicile (après consultation de la commune) si un autre bureau existe à proximité.
[80] Presse du 27.11.03; DETEC,
communiqué de presse, 26.11.03.
[81]
BO CN, 2003, p. 2078 ss. et 2092 ss.; presse du 18.12 et 19.12.03.
[82] Concernant le processus de restructuration REMA, voir
APS 2002, p. 156 s.
[84] Presse du 14.5.03;
LT, 23.5.03 (délégués).
[85] Presse du 28.5.03; DETEC,
communiqué de presse, 27.5.03.
[86]
BO CE, 2003, p. 985 ss.;
Lib., 1.10.03.
[87] Division des colis et des lettres express.
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