Année politique Suisse 2003 : Infrastructure, aménagement, environnement / Protection de l'environnement
Protection des sites et de la nature
Le Conseil fédéral a adopté la
1ère révision de l’inventaire fédéral des hauts-marais et marais de transition d’importance nationale, datant de 1991
[25]. La modification de l’ordonnance est entrée en vigueur le 1er mai 2003. Les hauts-marais se développent sur des sols gorgés d’eau alimentés uniquement par les précipitations. Ces milieux, très pauvres en éléments nutritifs, sont très sensibles aux variations du niveau d’eau dans le sol et aux modifications des conditions écologiques. Ils abritent une flore et une faune très spécifique et contribuent à régulariser le régime des eaux. Depuis un siècle, cependant, leur nombre a fortement diminué en raison des drainages et de l’exploitation de la tourbe. Le Conseil fédéral a approuvé l’inscription de
37 nouveaux objets. La plupart de ces objets étaient connus depuis longtemps et étaient acceptés par les cantons. Certains avaient déjà été mis sous protection, avec le soutien financier de la Confédération selon la répartition fixée pour les objets d’importance nationale. Quinze objets figurant déjà dans l’inventaire ont été agrandis. Deux objets ont été sortis de l’inventaire. Un examen de ces sites – qui souffraient déjà d’atteintes difficiles à restaurer au moment de leur mise sous protection – a montré que leur potentiel de régénération était très faible voire nul
[26].
Le Conseil fédéral a approuvé et ordonné la mise en œuvre de la plupart des recommandations émises par la Commission de gestion du Conseil national afin de
renforcer l'inventaire des paysages, sites et monuments naturels d'importance nationale (IFP). Les objectifs de protection et de mise en valeur des sites doivent être précisés via cinq points. 1) Un état des 162 objets de l'inventaire doit être dressé afin de reformuler des objectifs clairs, en collaboration avec les autorités et la population des régions concernées. 2) L'IFP doit être mieux intégré aux autres domaines politiques de la Confédération ayant une incidence sur le territoire. 3) La connaissance de l'inventaire et l'acceptation des buts de protection et de mise en valeur par les populations locales doivent être renforcées par un travail d'information. La participation des populations à la définition des objectifs devrait aussi contribuer à mieux ancrer l'IFP localement. 4) Les synergies entre la protection et l'exploitation des paysages doivent aussi être renforcées et mieux montrées. 5) Les instruments pour assurer le suivi des mesures de protection dans les objets de l'IFP doivent être développés. Le Conseil fédéral ne mettra pas en œuvre la proposition de centraliser dans un seul office toutes les décisions qui concernent les objets de l'IFP. La mise en œuvre des recommandations par l'OFEFP débutera en 2004. Vu le programme d'allégement des finances fédérales, elle sera répartie sur plusieurs années
[27].
La Suisse a retrouvé sa place à la direction de l'Unesco, après six années d'interruption. Elle siégera au conseil durant la période 2003-2007
[28].
Le Monte San Giorgio (TI) a été inscrit dans la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Le site de 849 hectares s’étend sur les communes de Meride, Riva San Vitale et Bruzino Arsizio. Il est entouré d’une zone tampon de 1400 hectares. Tout ce périmètre est depuis 1977 une zone cantonale protégée inscrite à l’Inventaire des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale. La
valeur universelle du Monte San Giorgio est due à ses couches fossilifères vieilles de 230 à 245 millions d’années et issues de l’ère géologique du Trias moyen. Comme les couches fossilifères du Monte San Giorgio s’étendent jusqu’en Italie, des démarches ont été entreprises pour élargir ce site et en faire un objet transfrontalier du patrimoine mondial
[29].
Le Conseil fédéral a demandé que
le chevauchement principal de Glaris soit inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Situé entre la vallée du Rhin antérieur et le Kerenzerberg, qui borde le lac de Walenstadt (Glaris, St-Gall et les Grisons), le site doit à la tectonique des plaques son importance exceptionnelle : sur une grande distance, des roches anciennes recouvrent des roches plus jeunes. Cette particularité géologique a fourni dès le XIXe siècle des informations fondamentales sur la constitution des Alpes
[30].
Les associations de protection de l’environnement sont montées au créneau pour défendre leur droit de recours. Celui-ci était
menacé par l’initiative parlementaire de Freund (udc, AR) qui proposait de le supprimer. Pro Natura, le WWF, l’Association transports et environnement et la Fondation pour le paysage rejetaient l’accusation d’abus et estimaient qu’elles utilisaient leur droit de recours avec modération, mais efficacité. Selon une étude de l’Université de Genève, elles ne sont responsables que de 1 à 2% des recours, le reste émanant de particuliers. Devant le Tribunal fédéral, les organisations obtiennent gain de cause en moyenne dans deux cas sur trois. La Commission des affaires juridiques du National a demandé, par 16 voix contre 6, au plénum de ne pas donner suite à cette initiative parlementaire. Elle jugeait la suppression du droit de recours comme démesurée. De plus, un code de déontologie était à venir (voir infra.). Par 96 voix contre 80, le Conseil national a suivi sa commission, aux grands dams de l’UDC, d’une partie des radiaux et de quelques PDC, convaincus que certaines organisations font un usage abusif et arbitraire de leur droit. Plutôt que de pénaliser les abus existants, la majorité du National a préféré attendre le rapport du Conseil fédéral à ce sujet, prévu pour début 2004
[31].
La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a proposé, sans opposition, de donner suite à une initiative parlementaire de Hofmann (udc, ZH). Celle-ci vise à
simplifier l’examen d’impact sur l’environnement et à prévenir les abus grâce à une définition plus précise du droit de recours des organisations. Elle reprend le texte d’une motion ayant la même teneur, adoptée par le Conseil des Etats mais refusée par le Conseil national. Selon Hofmann, une étude d’impact ne s’impose que lorsqu’un projet de construction risque de porter gravement atteinte à l’environnement. L’étude doit se limiter au strict nécessaire et, dans les cas simples, la procédure doit pouvoir être raccourcie, voire supprimée. En outre, il ne faudrait accorder l’effet suspensif à un recours que si l’exécution des travaux de construction risque de porter des atteintes irréparables à l’environnement. La Commission estimait que l’initiative parlementaire permettrait de clarifier et simplifier les procédures souvent coûteuses en temps et en argent, sans supprimer les études d’impact ou le droit de recours des associations de protection de l’environnement. Sensible à ces arguments, le Conseil des Etats a donné tacitement suite à l’initiative parlementaire et a chargé sa Commission de préparer un projet de révision de la législation sur la protection de l’environnement
[32].
L’OFEFP a mis en consultation un code de déontologie lié au droit de recours des associations. C’est en réponse à un postulat du Conseil national du 22 juin 2000 que l’OFEFP a fait élaborer ces recommandations. Le postulat chargeait le Conseil fédéral d’examiner les mesures qui permettraient de mettre sur pied, à l’intention des requérants et des organisations de protection de l’environnement habilitées à recourir, un
code de déontologie sous la forme d’une « charte de concertation ». La charte de concertation, élaborée par des experts, contient quatorze recommandations concrètes, ainsi que des listes de contrôle pour la phase préliminaire des négociations, le processus de négociation en tant que tel et la clôture des négociations. Parmi les principaux points : tous les acteurs – requérants, autorités compétentes, particuliers et organisations de défense de l’environnement – doivent être associés au projet à un stade précoce. Les négociations doivent se dérouler dans le cadre du droit en vigueur ; les solutions négociées ne doivent pas être contraires au droit contraignant. Le document exclu aussi tout dédommagement offert à une organisation de protection de l’environnement en contrepartie du retrait d’une opposition ou d’un recours, qu’il s’agisse d’un paiement forfaitaire ou d’une mesure de protection de l’environnement librement consentie et non prescrite par le droit. Ce genre de dédommagement ne doit être ni proposé par le maître d’œuvre ni réclamé par les organisations environnementales
[33].
N’écoutant pas sa CEATE, le Conseil des Etats est entré en matière par 20 voix contre 18 sur les protocoles additionnels de la Convention sur la protection des Alpes. Il l’a toutefois renvoyé par 33 voix contre 1 à sa Commission avec le
mandat d’examiner la possibilité d’adopter individuellement tout ou en partie des huit protocoles, tous n’étant pas contestés. Combattus par la droite et les milieux économiques, les protocoles additionnels ont donné lieu à un débat acharné au sénat. Les opposants à la ratification craignaient une perte d’autonomie des populations locales en matière d’aménagement du territoire, de transports, de règlements de construction ou de gestion du loup, ainsi qu’une paralysie des projets économiques et des projets d’utilité publique. A cela, les partisans rétorquaient que les protocoles étaient un moyen de faire partager aux autres pays alpins les perspectives suisses en matière de protection des Alpes et de les lier à nos propres standards. De plus, un rejet de la ratification aurait un effet dommageable sur l’image de la Suisse à l’extérieur
[34].
Le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats de la consultation relative à la
révision partielle de la
loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN). La majorité des cantons, des partis politiques et des organisations approuvaient le projet de révision. Le PRD et certaines associations (Economiesuisse, USAM) craignaient cependant que les intérêts de l'économie régionale ne soient pas suffisamment pris en compte. Le PDC appréhendait une augmentation de dépenses liées à ces nouveaux parcs. L'UDC et le PL rejetaient catégoriquement le projet. En revanche, tous les acteurs saluaient le principe de laisser l'initiative de créer un nouveau parc à la région concernée. La dénomination prévue pour les trois catégories de parcs a suscité des réactions diverses. Alors que le terme "parc national" n'était pas contesté, celui de "parc paysage" était vivement critiqué. Les opposants proposaient que la Suisse s'appuie sur la nomenclature internationale, afin de profiter de noms déjà connus. Le Conseil fédéral a donc décidé de
remplacer l'appellation "parcs paysage" par celle de "parcs naturels régionaux". Cette dénomination se rapprochant très fort du "parc naturel" proposé initialement pour la troisième catégorie de parcs, un nouveau terme devra être trouvé
[35].
Le 14 août, un
incendie s’est déclaré dans la
forêt située au-dessus de Loèche (VS). 310 hectares, dont 70 de forêt protectrice, ont disparu. 260 personnes ont dû être déplacées avant de pouvoir réintégrer leur domicile. 300 hommes (150 pompiers, 100 militaires et 50 membres de la protection civile) ont été appelés à la rescousse. Le coût de l’intervention s'est chiffré à 7,6 millions de francs. La Confédération prendra en charge 70% des coûts, le canton du Valais 20% et la commune de Loèche 10%. La facture de la reforestation s’élèvera à 3,5 millions de francs, pris en charge à 80 ou 90% par le canton et la Confédération, le reste étant à la charge de la commune
[36].
[25] L’inventaire des hauts-marais et marais de transition est l’un des trois inventaires découlant de l’article constitutionnel de Rothenthurm; 514 objets ont été répartis dans 23 cantons.
[26] DETEC,
communiqué de presse, 14.3.03.
[27] DETEC,
communiqué de presse, 15.12.03.
[29] Presse du 3.7.03. Voir aussi
APS 2001, p. 163.
[30]
SGT, 6.11.03; DETEC,
communiqué de presse, 5.11.03.
[31]
BO CN, 2003, p. 1963 s.; presse du 15.2 (associations environnementales) et 12.12.03 (CN);
Lib., 18.2.03 (commission). Voir aussi
APS 2000, p. 180.
[32]
BO CE, 2003, p. 667 s.;
APS 2001, p. 164 (Hofmann).
[34]
BO CE, 2003, p. 135 ss.; presse du 12.3.03. Voir aussi
APS 2002, p. 179 s.
[35]
Exp., 3.1, 17.1 (doléances) et 3.7.03 (résultats de la consultation); DETEC,
communiqué de presse, 2.7.03. Pour plus de détails sur la loi voir
APS 2002, p. 181.
[36] Presse du 14 au 20.8 et 1.10.03;
NF, 2.10.03; DETEC,
communiqué de presse, 19.8.03.
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