Année politique Suisse 2004 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Poste et télécommunications
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Téléphonie
Suite à une coalition de députés socialistes, de démocrates du centre et de quelques démocrates-chrétiens, la Commission des transports et des télécommunications du Conseil national (CTT-N) n’est pas entrée en matière sur le projet de révision de la loi sur les télécommunications. Celui-ci doit permettre d’ouvrir le dernier kilomètre de raccordement téléphonique de Swisscom à ses concurrents. Les conseillers nationaux ont toutefois désavoué leur commission en entrant en matière sur la libéralisation du dernier kilomètre par 98 voix contre 83. Ce volte-face est le résultat d’un repositionnement de l’UDC [42]. Reprenant le dossier, la CTT-N a proposé de limiter l’ouverture du marché de la téléphonie au « last mile » et de la conditionner à des investissements de la part des concurrents de Swisscom. A la différence du projet du Conseil fédéral, la commission n’a pas voulu inscrire dans la loi une série de critères pour juger d’une position dominante. Elle a préféré l’option d’une liste exhaustive de tous les types d’accès au « last mile », auxquels un concurrent de Swisscom peut prétendre [43].
Malgré les conséquences funestes avancées par la gauche, le Conseil national a décidé, par 91 voix contre 59, d’ouvrir le dernier kilomètre de raccordement téléphonique. L’accès a toutefois été limité au fil de cuivre de l’abonné, aux lignes louées et aux canalisations détenues par Swisscom. En effet, les conseillers nationaux ont renoncé à étendre la réglementation aux autres technologies, telles que la téléphonie mobile, les fibres optiques ou les réseaux à haut débit sans fil. Par 97 voix contre 93, cette idée a été acceptée suite à une proposition de Amstutz (udc, BE), Noser (prd, ZH) et Jermann (pdc, BL), alors qu’elle n’avait pas été discutée en commission. Les conseillers nationaux l’ont préférée à celle de la CTT, qui souhaitait assortir l’ouverture à l’obligation d’investir dans les infrastructures. Afin d’éviter que certains opérateurs ne profitent des investissements consentis par Swisscom, l’accès au haut débit a été limité à deux ans, une fois que la prestation est réellement disponible des points de vue technique et commercial. Cette possibilité sera accordée pendant six ans après l’entrée en vigueur de la loi. Le Conseil national a par ailleurs accepté qu’un office de conciliation, créé par l’Office fédéral de la communication, soit chargé de régler les différends entre fournisseurs et clients. Les conseillers nationaux ont également renforcé les moyens de lutte contre la publicité de masse. Le Conseil fédéral est ainsi chargé de déterminer les moyens de lutte appropriés contre les « spamming » ou autres « pourriels » [44].
Egalement dans le cadre de la loi sur les télécommunications, le Conseil national a refusé, par 102 voix contre 60, une proposition de la gauche visant à obliger les concurrents de Swisscom à conclure des conventions collectives de travail avec les syndicats. Il a également refusé par 101 voix contre 62 une disposition plus souple, qui aurait permis d’obliger un opérateur à conclure une convention collective, dans l’hypothèse où, de manière systématique, il n’appliquerait pas les conditions usuelles de la branche. Les conseillers nationaux ont par contre accepté par 85 voix contre 76 l’obligation faite aux opérateurs de proposer un nombre proportionné de places d’apprentissage [45].
La libéralisation du dernier kilomètre s’est aussi jouée sur le terrain pénal. Sollicitée dans le cadre d’une demande d’interconnexion déposée par Sunrise, la Commission fédérale de la communication (ComCom) a donné son aval à son dégroupage. Elle a estimé que les bases légales étaient suffisantes pour contraindre Swisscom à ouvrir partiellement ou totalement à ses concurrents l’accès aux raccordements téléphoniques de leurs abonnés. Opposé à cette décision, Swisscom a fait recours auprès du Tribunal fédéral. Le verdict du TF a donné raison à l’opérateur Swisscom en jugeant que celui-ci ne peut être contraint au dégroupage sur la base des dispositions actuelles. Après examen de la loi fédérale sur les télécommunications en vigueur, les juges sont arrivés à la conclusion que les dispositions étaient trop vagues sur l’interconnexion. Une obligation d’ouvrir le « last mile » ne pouvait en être déduite [46].
Les autorités fédérales ont continué à renforcer les mesures légales à l’encontre des services téléphoniques payants. Dès le 1er avril 2004, les titulaires des numéros 090x n’ont plus pu proposer le téléchargement sur Internet des dialers [48]. Ces fournisseurs de services, spécialisés surtout dans le divertissement érotique, devront soit faire appel au paiement par carte de crédit, soit se contenter d’afficher leur numéro de téléphone, que l’usager devra alors composer lui-même, activement sur son ordinateur, donc en connaissance de cause. Dans le cadre de la révision de l’ordonnance sur l’indication des prix, qui est entrée en vigueur le 1er juin, de nouvelles contraintes ont été imposées. Dès que la taxe de base ou le coût par minute dépasse 2 francs, une annonce de prix doit obligatoirement être faite avant le début de la communication payante. Et si la taxe de base excède 10 francs ou le prix par minute 5 francs, l’appelant devra confirmer lui-même qu’il souhaite établir la communication. Les trois principaux opérateurs de téléphonie (Orange, Sunrise et Swisscom) ont également unis leur efforts pour lutter contre les abus de fournisseurs de numéros payants. Ils ont intégré dans leurs contrats d’interconnexion une convention concernant les offres par téléphone et par internet. Les fournisseurs de services à valeur ajoutée (090x) qui refuseront de signer l’accord devront procéder eux-mêmes à l’encaissement [49].
Au mois de mars, le Tribunal fédéral a accordé l’effet suspensif au recours de Swisscom sur les prix d’interconnexion. Ceux-ci resteront gelés. Dans un arrêt d’octobre, le dossier a été renvoyé à la Commission fédérale de la communication (ComCom) pour des raisons de procédure. Les juges fédéraux ont estimé que le litige n’était pas prêt à être jugé sur le fond. Ils ont ainsi accepté les recours des trois opérateurs concurrents et annulé, pour des raisons de procédure, la décision de la Commission fédérale. Durant la même période, Swisscom a annoncé une diminution des prix d’interconnexion pouvant aller jusqu’à 7% [50].
 
[42] BO CN, 2004, p. 436 ss.; presse du 11.2 (CTT) et 19.3.04 (CN); LT, 3.3 et 17.3.04 (UDC). Voir APS 2003, p. 169 s.
[43] Presse du 14.5.04.
[44] BO CN¸ 2004, p. 1660 ss., 1682 ss. et 1689 ss.; presse du 8.10.04.
[45] BO CN, 2004, p. 1682 ss.; presse du 7.10.04.
[46] 24h, 21.2.04; presse du 11.12.04.
[48] Les dialers sont des logiciels qui composent directement des numéros facturés à des prix exorbitants.
[49] 24h, 10.1.04 (opérateurs); presse du 5.2.04 (mesures légales).
[50] 24h, 17.3.04; QJ, 13.10.04; voir APS 2003¸ p. 170.