Année politique Suisse 2005 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Europe: UE
La Suisse et l’UE ne sont pas parvenues à s’entendre, durant l’année sous revue, sur la question de la
contribution d’un
milliard de francs (sur cinq ans, soit 200 millions de francs par an) promise par la Suisse
pour financer l’effort de cohésion de l’UE élargie (soit la réduction des disparités économiques et sociales dans l’Union). Deux points ont posé problème: d’une part la forme de l’accord, et, d’autre part, les bénéficiaires de cette aide. Si l’UE exigeait qu’un accord contraignant soit conclu, sans égard pour l’étiquette de celui-ci (accord, échange de lettres, etc.), le Conseil fédéral préconisait plutôt une solution plus souple, comme la signature d’un simple « mémorandum d’entente » (memorandum of understanding) avec l’UE et la conclusion d’accord bilatéraux plus formels avec les Etats qui bénéficieront de ces subventions. À ce titre, l’UDC a exigé, de son côté, que le Conseil fédéral opte pour un accord contraignant, afin que la population suisse puisse s’exprimer par référendum. Après négociations, l’UE a finalement accepté de reprendre le « schéma » helvétique, en s’assurant toutefois qu’il sera assez contraignant. Second point de divergence, la question des bénéficiaires n’a pu être réglée elle non plus. L’Espagne, la Grèce, le Portugal et Malte ont continué à s’opposer à la volonté helvétique de consacrer le milliard de francs destiné à financer l’effort de cohésion de l’UE élargie uniquement aux dix pays ayant adhéré à l’Union le 1er mai 2004. Les discussions menées au sein de l’UE à ce sujet n’ont pas permis de trouver un terrain d’entente. Cela a pour conséquence de retarder la ratification des accords bilatéraux côté européen et donc l’entrée en vigueur de ceux-ci. La Grèce n’a notamment pas hésité à faire pression sur ses partenaires en bloquant le processus de ratification de plusieurs accords (Schengen/Dublin, médias, etc.) que la Suisse et l’UE avaient conclu en 2004
[13].
Les incertitudes ayant été levées suite à l’acceptation en votation populaire des deux accords bilatéraux avec l’UE durant l’année sous revue, la question du
financement du milliard de francs destiné à soutenir l’
effort de cohésion de l’UE élargie s’est posée concrètement. Le Conseil fédéral a proposé, en 2004, dans son message sur la loi fédérale sur la coopération avec les Etats d’Europe de l’Est, de compenser ce montant dans les budgets du DFE et du DFAE (500 millions chacun), afin de ne pas faire gonfler le budget fédéral. Parmi les diverses options possibles, la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats (CPE-CE) s’est prononcée contre la création d’une loi spécifique pour encadrer la contribution en question. Elle a par contre proposé de prendre pour base légale de la contribution la nouvelle loi fédérale sur la coopération avec les Etats d’Europe de l’Est, qui prolonge l’arrêté alors en vigueur (voir infra). La CPE-CE n’a ainsi pas cédé aux exigences de l’UDC, qui souhaitait une loi spéciale, afin que le peuple puisse se prononcer en cas de référendum. Pour la commission, qui reprenait au passage les inquiétudes exprimées par les œuvres d’entraide, le milliard de francs promis à l’UE ne devait pas se faire sur le dos de l’aide au développement (Tiers-Monde notamment). Elle a en effet estimé que l’opération ne devait pas faire supporter aux populations pauvres d’Afrique les conséquences de l’aide apportée à des gens moins pauvres de l’Europe de l’Est. La CPE-CE n’a en outre pris aucune décision concernant la façon de compenser le milliard de francs promis à l’UE. Elle a demandé au gouvernement de revoir sa copie et lui a laissé le soin de trancher cette question (la piste consistant à puiser en partie dans les revenus générés par les Bilatérales II, soit les recettes des Accords de Schengen/Dublin et de la fiscalité de l’épargne étant toutefois évoquée). Député UDC et vice-président de l’ASIN, le conseiller national Luzi Stamm (AG) a déclaré en fin d’année qu’un référendum sur le milliard destiné à soutenir la cohésion de l’UE élargie serait lancé en 2006, dès que les chambres auraient adopté la loi fédérale sur la coopération avec les Etats d’Europe de l’Est. Le PS a également menacé de lancer le référendum si la question était réglée au détriment de l’aide au développement
[14].
Dans sa réponse à une interpellation du groupe de l’UDC déposée au Conseil national au début de l’année sous revue, le Conseil fédéral a déclaré juger le
bilan des 30 premiers mois d’application de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) positif dans l’ensemble. En effet, selon le gouvernement, la vague d’immigration redoutée par certains milieux – l’UDC notamment – n’a pas eu lieu. Si celle-ci a au contraire légèrement baissé au total, un changement est intervenu dans sa composition: le nombre des immigrants en provenance des Etats de l’UE et de l’AELE a augmenté, tandis que celui en provenance d’autres pays a diminué. Le Conseil fédéral a ajouté que depuis l’entrée en vigueur de l’ALCP au 1er juin 2002, l’évolution de l’immigration a répondu aux prévisions et aux besoins de l’économie suisse
[15].
Le Seco a présenté, durant l’année sous revue,
deux
rapports relatifs à la question de la libre circulation des personnes. Le premier a conclu que les
conditions de salaire et de travail ont été
respectées depuis la mise en application de la libre circulation en juin 2004. Le second rapport, réalisé conjointement avec l’Office fédéral des migrations et l’OFS, a mis en lumière que la vague migratoire vers la Suisse n’a pas eu lieu dès 2002, comme le laissaient entendre les opposants à la libre circulation. Au contraire, l’immigration a légèrement diminué entre le 1er juin 2002 et le 31 décembre 2004. La libre circulation n’a en outre pas eu d’effet sensible sur le taux de chômage, celui des Suisses restant deux fois moins important que celui des étrangers. Quant au dumping salarial, sur 14 000 contrats contrôlés, seuls 354 cas ont été recensés, soit une proportion de 2,5%
[16].
[13] UDC:
Lib., 12.01.05;
LT, 2.2 et 8.2.05. Forme de l’accord:
LT, 19.3 et 6.4.05. Blocages:
LT, 22.11.05;
Lib., 24.11.05;
24h, 8.12.05.
[14]
FF, 2004, p. 1803 ss.;
Lib. et
LT, 19.10.05 (base légale);
LT, 22.10.05 (CPE-CE);
24h, 8.10.05 (référendum).
[15]
BO CN, 2005, Annexes III, p. 191 ss.
[16]
LT, 2.4.05 (premier rapport);
24h, 29.6.05 (second rapport).
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