Année politique Suisse 2005 : Economie / Agriculture
 
Sylviculture
Le Conseil fédéral a chargé le DETEC de revoir son projet de nouvelle loi sur les forêts. Le gouvernement a notamment demandé qu’il examine des variantes supplémentaires, dont celle de la suppression totale des subventions fédérales à l’économie forestière. Le nouveau projet de loi élaboré par le DETEC, qui a nécessité de longues consultations avec les milieux intéressés, prévoyait de poursuivre le soutien à hauteur d’environ 95 millions de francs par an. Le coût de la nouvelle politique forestière pour l’ensemble des collectivités publiques s’élevait ainsi à 2,7 milliards de francs jusqu’en 2015. Cette dépense allait cependant à l’encontre de la majorité bourgeoise du gouvernement, qui jugeait que le secteur forestier et les forêts pouvaient survivre sans argent public. En juin, la Commission de l’environnement du Conseil des Etats s’est toutefois prononcée à l’encontre d’une suppression de toutes les subventions et réglementations de production dans la loi. La commission s’est en outre déclarée surprise et fâchée que le Conseil fédéral ait laissé examiner une telle variante.
Après s’être penché sur la question à plusieurs reprises, et après un débat très controversé en son sein, le gouvernement a finalement rendu sa copie fin juin. Dans cet avant-projet de loi mis en consultation jusqu’à la fin octobre, la Confédération continuerait à s’impliquer financièrement dans le domaine forestier à hauteur de 140 millions de francs par an, mais mettrait l’accent sur les forêts protectrices et la diversité biologique. Les subsides à l’économie privée seraient toutefois partiellement réduits, au profit de contrats de prestation avec les cantons et les communes. Le gouvernement a par ailleurs proposé, afin de favoriser l’entretien et l’exploitation des forêts, d’assouplir, dans les régions où la forêt avance rapidement, la règle qui veut que chaque arbre abattu soit obligatoirement remplacé.
La consultation s’est terminée en fin d’année. Contesté par la gauche et les milieux écologistes, le projet de révision de la loi sur les forêts a subi de vives critiques. Le Conseil fédéral a toutefois reçu le soutien des partis bourgeois et, dans une moindre mesure, des paysans. Selon les Verts, la faiblesse de l’économie forestière est à chercher dans le manque de coopération dans la filière bois, dans les structures administratives et d’exploitation inefficaces, ainsi que dans les lois cantonales. Pour eux, la révision proposée n’a pas répondu pas à ces lacunes. Le PS y a vu, pour sa part, un pas vers une libéralisation totale de l’économie forestière, à laquelle il s’oppose. Les milieux de l’économie forestière ont également jugé la révision insuffisante. Le PDC a défendu le projet, de même que l’UDC et le PRD, qui ont jugé qu’il apporte une plus grande efficacité à l’économie forestière. Les cantons se sont montrés, quant à eux, sceptiques. Pour eux, la révision de la loi ne permet en effet pas d’atteindre les objectifs fixés par le Programme forestier suisse [55].
Le WWF Suisse a remis au DETEC une pétition munie de 53 000 signatures, qui demandait que la Confédération prenne des mesures à l’encontre du trafic de bois issu d’abattage illégal, et notamment contre l’importation et l’utilisation de celui-ci en Suisse. Le WWF a notamment révélé, dans une étude, qu’un million de mètres cubes de bois issu d’abattage illégal entrait en Suisse chaque année. Les conseillers nationaux Maya Graf (pe, BL) et Remo Gysin (ps, BS) ont d’ailleurs déposé deux motions distinctes à ce sujet au mois de mars. Maya Graf a demandé trois choses au Conseil fédéral: 1) prescrire par des lois ou des dispositions contraignantes l’interdiction d’importer et de vendre du bois, des dérivés du bois et du papier illégalement produits, transformés et commercialisés; 2) examiner les possibilités d’application des instruments juridiques utilisés contre le blanchiment d’argent pour la lutte contre l’exploitation forestière illégale; 3) adapter pour la Suisse le plan d’action de l’UE contre l’exploitation forestière illégale. Quant à Remo Gysin, il a plaidé pour l’obligation de déclarer la variété du bois et sa provenance, et pour que la Suisse intervienne en faveur de l’introduction d’une déclaration obligatoire pour le bois et les produits dérivés du bois au niveau européen et international, dans les organismes internationaux au sein desquels elle est représentée [56].
L’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) a rendu publics les principaux enseignements du premier « Rapport forestier 2005 » en milieu d’année, ajournant pourtant sa publication à cause des inondations survenues en Suisse à cette période (voir part. I, 6d, Protection des sites et de la nature). Publié finalement à la mi-septembre, le rapport révèle notamment qu’il pousse davantage de bois qu’on en abat. La forêt s’étend considérablement et gagne l’équivalent de la surface du lac de Thoune chaque année. La surface forestière s’accroît principalement dans les Alpes. Toujours selon ce rapport, plus de 90% des forêts sont exposées chaque année à de trop fortes concentrations d’azote provenant de l’agriculture et des gaz d’échappement. Malgré les cris d’alarme réguliers, la forêt suisse est jugée globalement en bon état. Les polluants, les tempêtes ou les bostryches engendrent néanmoins un stress important pour les arbres [57].
L’écologiste Franz Weber a déposé son initiative populaire intitulée « Sauver la forêt suisse » au mois d’octobre, grâce notamment à l’aide des forestiers, qui ont soutenu cette dernière à cause des inquiétudes qu’ils nourrissaient face à la nouvelle loi sur les forêts mise en consultation (voir supra). Cette initiative populaire veut graver dans la Constitution fédérale un certain nombre de principes, comme la multifonctionnalité de la sylviculture, la responsabilité conjointe de la Confédération et des cantons, ainsi que l’interdiction des coupes rases [58].
 
[55] Presse du 12.5.05 (CF); NZZ, 28.6.05 (CE-CE); presse du 30.6 et 1.11.05 (partis); LT, 8.11.05 (cantons). Le Programme forestier suisse, élaboré en 2002 et en 2003, est un programme d'action politique. Il contient une projection de l'état souhaité de la forêt, avec des objectifs à long terme quantifiés pour l'année 2015, ainsi qu'une stratégie définissant les mesures à prendre et les instruments à créer. Voir APS 2004, p. 102.
[56] Communiqué de presse du WWF Suisse, 14.3.05; LT, 4.3.05; NZZ, 24.6.05; mo. Graf: 05.3073; mo. Gysin: 05.3072. Les deux mêmes conseillers nationaux avaient déjà déposé des motions similaires en 2002, reportées plusieurs fois, avant d’être finalement classées (mo. Graf: 02.3603; mo. Gysin: 02.3587).
[57] QJ, 17.8.05; presse du 13.9.05.
[58] FF, 2005, p. 6195 s.; presse du 15.10.05. Voir APS 2004, p. 102.