Année politique Suisse 2005 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Poste et télécommunications
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Téléphonie
Après le Conseil national, le Conseil des Etats a accepté d’abolir le monopole de Swisscom sur la téléphonie traditionnelle (le « dernier kilomètre »). Suivant leur commission des transports et des télécommunications, les conseillers aux Etats sont toutefois allés plus loin que leurs homologues du National, en ouvrant à la concurrence l’accès aux canalisations de câbles, à l’interconnexion, aux lignes louées et à l’accès au haut débit. Cette décision touchait également Cablecom sur le câble coaxial. La proposition du gouvernement de dégroupement total a été repoussée. Pour s’assurer que la concurrence fonctionnera dans l’accès à haut débit, le Conseil des Etats a prévu une clause de sécurité. Trois ans après l’entrée en vigueur de la libéralisation, les opérateurs qui n’auront pas investi pour se doter de leurs propres infrastructures et faire jouer la concurrence dans l’ensemble du pays pourront être exclus du marché par les autorités. Les sénateurs ont par ailleurs voulu anticiper les développements technologiques futurs, en précisant que le parlement pourra libéraliser « d’autres formes d’accès » en fonction de « l’évolution technique et économique ». Ils se sont également prononcés en faveur de l’amélioration de la protection des consommateurs et de la lutte contre les messages publicitaires non sollicités. Au vote final, la révision de la loi sur les télécommunications a été adoptée par 22 voix contre 7. L’opposition est venue des représentants de la gauche et de quelques radicaux. Toutes leurs tentatives visant à encadrer strictement l’ouverture du marché ont été tenues en échec. Seule la motion Sommaruga (ps, BE), demandant davantage de transparence dans les tarifs de télécommunications, a passé la rampe [50].
Le Conseil national a refusé l’ouverture totale proposée par le Conseil des Etats et, suivant sa commission des transports et des télécommunications (CTT-N), lui a préféré une version plus restrictive. Les conseillers nationaux butaient sur les modalités du dégroupage du réseau de fil de cuivre de Swisscom et sur l’ouverture à des tiers de l’accès au haut débit. Ils craignaient qu’une réglementation trop libérale ne favorise des concurrents profiteurs et que les investissements dans les régions périphériques ne soient délaissés. Le Conseil national a confirmé son choix par 118 voix contre 51 [51]. Suite à la tempête qui s’est déclenchée autour de Swisscom (voir infra), le Conseil des Etats a temporisé et a opté pour une libéralisation minimale du dernier kilomètre de la téléphonie fixe. Comme l’avait décidé le Conseil national à deux reprises, les sénateurs ont accepté de limiter l’accès des concurrents de Swisscom au fil de cuivre reliant le central à l’abonné. Suivant une proposition Fünfschilling (prd, BL), ils ont refusé par 18 voix contre 15 d’étendre la libéralisation aux autres technologies, comme la fibre optique. Tacitement, le Conseil des Etats a néanmoins tenu à préciser dans la loi que le parlement pourrait définir, en fonction de l’évolution technique et économique, d’autres formes d’accès que celles prévues explicitement. Après deux ans de débats, les deux chambres étaient enfin d’accord sur la nature de l’ouverture du dernier kilomètre à la concurrence. Un point de litige demeurait toutefois sur le calendrier d’ouverture de l’accès au haut débit aux concurrents de Swisscom. Les conseillers aux Etats ont préféré suivre, par 17 voix contre 16, la position de leur CTT-E. Celle-ci précisait que le Conseil fédéral pourrait intervenir dans un délai de deux ans pour que les autres fournisseurs d’accès à haut débit qui auraient profité du système sans investir dans leurs infrastructures puissent être exclus du marché [52]. Par 114 voix contre 55, le Conseil national a maintenu une levée du monopole sur le dernier kilomètre de Swisscom plus restreinte que celle choisie par le Conseil des Etats. Pour les conseillers nationaux, la libéralisation ne devait concerner que le fil de cuivre et être limitée à deux ans pour le haut débit [53].
Le Conseil fédéral a adopté une série de mesures visant à améliorer la protection des consommateurs contre les services à valeur ajoutée. Les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur au 1er février. Par une modification de l’ordonnance sur les ressources d’adressage dans le domaine des télécommunications, les fournisseurs de services de télécommunication seront autorisés à bloquer l’accès aux numéros attribués individuellement s’ils ont des raisons fondées de supposer que les titulaires utilisent ces numéros de manière illicite. Le blocage ne pourra toutefois pas excéder quatre jours ouvrables et il devra être immédiatement annoncé à l’Office fédéral de la communication (OFCOM). Ce dernier examinera alors la nécessité d’ouvrir une procédure de révocation du numéro et de prendre des mesures provisionnelles. Le Conseil fédéral a également réglementé le domaine des services à valeur ajoutée fournis par SMS et MMS. La gestion et l’attribution des numéros courts utilisés pour ces services ont été déléguées aux fournisseurs de services de télécommunication, qui seront parallèlement tenus de prendre des mesures pour lutter contre les abus. Ils devront notamment donner à leurs abonnés la possibilité de bloquer l’accès aux services SMS et MMS payants ou de divertissement pour adultes. Pour faciliter les procédures, les opérateurs et les prestataires domiciliés à l’étranger seront désormais obligés d’avoir une adresse de correspondance en Suisse. Une telle mesure permettra aux autorités de garantir la notification de leurs décisions et autres communications, mais aussi aux consommateurs de pouvoir se plaindre plus facilement et directement. Par une modification de l’ordonnance sur les services de télécommunication et pour les mêmes raisons, une adresse de correspondance en Suisse est également imposée à tous les fournisseurs de services de télécommunication qui ont leur siège à l’étranger. Le Conseil fédéral a par ailleurs adapté l’ordonnance sur les installations de télécommunication aux derniers développements internationaux, en particulier dans l’UE [54].
L’OFCOM a procédé à l’examen des réseaux des bénéficiaires d’une concession UMTS en Suisse. Ceux-ci avaient jusqu’à fin 2004 pour fournir des services UMTS à au moins 50% de la population suisse, en utilisant leur propre réseau. Ils devaient au minimum proposer un service vocal UMTS. Orange, Sunrise et Swisscom Mobile ont rempli les conditions de desserte prévues dans la concession. Le quatrième concessionnaire, 3G Mobile (Telefonica), n’a par contre pas satisfait aux conditions posées. N’ayant aménagé aucune infrastructure, une procédure de surveillance pour infraction à la concession a été ouverte contre l’opérateur [55].
Saisie par le Tribunal fédéral, la Commission fédérale de la communication (ComCom) a confirmé sa décision de novembre 2003 imposant à Swisscom de baisser de 30% ses tarifs pour les opérateurs utilisant son réseau. L’autorité de surveillance a déduit, après examen, qu’une réduction des tarifs se justifiait pour deux raisons. D’une part, les prix ne reposent pas sur un concept d’efficacité satisfaisant aux exigences légales. D’autre part, les coûts n’ont pas toujours été répartis au plus juste sur les services d’interconnexion. La ComCom a par ailleurs estimé que la méthode de calcul des coûts fixés (LRIC – long-run incremental costs) utilisée par Swisscom nécessitait des ajustements. Swisscom a fait recours auprès du Tribunal fédéral contre la décision de la ComCom. L’opérateur a toutefois annoncé pour 2006 une baisse générale de 5% de ses tarifs d’interconnexion [56].
 
[50] BO CE, 2005, p. 509 ss. Cf. APS 2004, p. 136 s.
[51] BO CN, 2005, p. 1099 ss.
[52] BO CE, 2005, p. 944 ss.
[53] BO CN, 2005, p. 1770 ss.; QJ, 9.12.05.
[54] LT, 20.1.05; DETEC, communiqué de presse, 19.1.05.
[55] 24h, 7.1 et 9.2.05; DETEC, communiqué de presse, 8.2.05
[56] Presse du 15.6 (ComCom) et 12.10.05 (baisse); cf. APS 2003, p. 170 (recours) et 2004, p. 138 (TF).