Année politique Suisse 2006 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Principes directeurs
Le Conseil fédéral a présenté le Rapport Europe 2006 durant l’année sous revue. Il s’agissait, sept ans après, du premier rapport à faire suite à celui sur l’intégration de 1999. Les deux chambres ont pris acte du Rapport Europe 2006 en fin d’année, les députés soulignant d’ailleurs la grande qualité de celui-ci. Les débats ont toutefois clairement révélé les positions respectives des partis relativement aux enjeux liés à la politique européenne de la Suisse.
Au Conseil des Etats, le rapporteur de la commission Philipp Stähelin (pdc, TG) a indiqué que celle-ci souhaitait donner un cadre institutionnel aux accords bilatéraux avec l’UE sous la forme d’un accord-cadre. Les représentants des partis bourgeois se sont félicités de la nouvelle orientation adoptée par le Conseil fédéral, qui préconise que l’adhésion à l’UE n’est plus son objectif stratégique, mais désormais seulement une option stratégique parmi d’autres. Il ont salué là un retour à la réalité et au pragmatisme helvétique. En effet, selon eux, la Suisse n’a pas voix au chapitre dans l’élaboration de la législation européenne et il deviendra de plus en plus difficile de conclure des accords bilatéraux, étant donné que ceux-ci devront désormais être ratifiés par un nombre bien plus important d’Etats. Afin d’en tirer les conséquences sur le système fédéral et la démocratie, et d’éviter que la Suisse soit dépassée par l’évolution rapide du droit communautaire, ils ont demandé au Conseil fédéral de présenter un rapport sur le fédéralisme. Le Rapport Europe 2006 a également soulevé quelques critiques, de la gauche notamment. Il a en effet été reproché que le message politique du rapport était très vague et peu pertinent, et que l’appréciation politique faisait défaut, alors même qu’il appartenait au Conseil fédéral de formuler aussi des objectifs pour la politique européenne. Prenant position dans le cadre de ces réactions, la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey a estimé que la Suisse pouvait aujourd’hui atteindre largement ses objectifs par l’application et le développement de l’ensemble des accords bilatéraux, tout en admettant que la situation pouvait évoluer à tout moment si les conditions venaient à changer.
Au
Conseil national, le démocrate du centre Christoph Mörgeli (ZH) a salué le fait que le Conseil fédéral ait décidé de reléguer l’adhésion à l’UE au rang d’option à long terme. Il a toutefois précisé que le groupe UDC aurait préféré voir le gouvernement retirer la demande d’adhésion déposée en 1992. Le socialiste Mario Fehr (ZH) a, pour sa part, remis en cause la pertinence de la voie bilatérale à moyen terme, arguant que la Suisse ne pouvait pas se soustraire aux règles élaborées et adoptées au sein de l’UE, et que l’adaptation autonome à la législation européenne sapait à la fois la démocratie directe et la souveraineté helvétique. Il a ajouté qu’avec maintenant 25 pays et bientôt 27, la voie bilatérale se compliquerait de plus en plus. Le PDC, par la voix de la conseillère nationale Kathy Rickli (ZH), a lui aussi insisté sur les limites du bilatéralisme, soulignant que les accords bilatéraux, statiques par nature, étaient remis en question à chaque votation populaire. Les radicaux ont salué de leur côté la relégation de l’objectif stratégique de l’adhésion au rang de simple option, estimant que cette mesure s’imposait depuis longtemps. Les Verts, par la voix de Francine John-Calame (NE), ont déploré l’absence d’objectifs pour l’avenir, surtout en ce qui concerne la faisabilité et l’efficacité de futures négociations bilatérales avec 27 Etats. Ils ont ensuite appelé de leurs vœux une adhésion à l’UE « dans un délai raisonnable ». Face à ces critiques, les conseillères fédérales Micheline Calmy-Rey et Doris Leuthard ont mis en exergue la nouvelle approche adoptée par le gouvernement en matière de politique européenne. Elles ont précisé que la question idéologique de l’adhésion à l’UE avait volontairement été laissée de côté au profit de la défense optimale des intérêts de la Suisse, et notamment de la souveraineté fiscale des cantons. Les deux conseillères fédérales ont précisé que la Suisse poursuivrait sur la voie bilatérale aussi longtemps que les conditions-cadre économiques lui seraient favorables et que l’UE serait disposée à conclure avec elle des accords sectoriels
[1].
Dans sa réponse à une interpellation du Groupe des Verts déposée au Conseil national, le Conseil fédéral a déclaré que, contrairement à sa position au cours du conflit irakien de 2003, il était arrivé à la conclusion que le droit de la neutralité ne s’appliquait pas dans le cadre des
hostilités
qui se sont déclenchées durant l’été dans la
Bande de Gaza et au Liban (avec Israël). Il a toutefois souligné qu’il avait appelé toutes les parties, par la voix du DFAE, à respecter le droit international humanitaire, et qu’il avait condamné les violations de ce dernier. Après avoir attribué 5 millions de francs au CICR à titre humanitaire d’urgence à la fin juillet, le Conseil fédéral a renforcé son aide humanitaire au Liban et dans les territoires palestiniens en débloquant 15 millions de francs supplémentaires début septembre
[2].
Le Conseil national s’est saisi du projet de
révision totale de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions durant l’année sous revue. L’entrée en matière a été acquise sans opposition. Toutefois, estimant que le projet entraînait une dégradation de la situation des victimes d’infractions, les rapporteurs du groupe socialiste et du groupe des Verts ont conditionné leur approbation à l’issue de la discussion par article. Au cours de cette dernière, différentes propositions de minorité déposées par le camp rose-vert ont été rejetées. Le plénum s’est en outre rallié, par 109 voix contre 66, au projet du Conseil fédéral, qui prévoyait qu’aucune indemnité ni réparation morale ne soit accordée à la victime si l’infraction a été commise à l’étranger. Il a en revanche décidé, sur proposition de sa commission, de biffer le principe selon lequel les cantons doivent faire connaître l’existence de l’aide aux victimes. Il a également suivi le Conseil fédéral et décidé, par 97 voix contre 56, que le montant de la réparation morale ne pouvait excéder 70 000 francs pour la victime, et 35 000 francs pour un proche. Le projet de loi a été adopté au vote sur l’ensemble par 103 voix contre 56, Verts et socialistes se prononçant en bloc contre le projet
[3].
[1]
FF, 2006, p. 6461 ss.;
BO CE, 2006, p. 780 ss.;
BO CN, 2006, p. 1897 ss. Voir
APS 2005, p. 54. Voir notamment: presse du 29.6.06.
[2]
BO CN, 2006, Annexes V, p. 214 ss. ;
LT, 31.7 et 3.8.06 (neutralité);
LT, 7.9.06 (aide humanitaire).
[3]
BO CN, 2006, p. 1079 ss. Voir
APS 2005, p. 54 s.
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