Année politique Suisse 2006 : Chronique générale / Défense nationale / Organisation militaire
Suite à la mise en consultation de l’avant-projet au mois de janvier, le gouvernement a présenté son message concernant les modifications de l’organisation de l’armée et de la loi fédérale instituant des mesures destinées à améliorer les finances fédérales au mois de mai. Les mesures proposées correspondaient à des adaptations légales concernant la
réalisation de l’étape de développement 2008/2011 de l’armée. Elles étaient présentées aux chambres fédérales en deux projets distincts : le premier concernait la loi fédérale instituant des mesures destinées à améliorer les finances fédérales, et le second la révision de l’ordonnance de l’Assemblée fédérale sur l’organisation de l’armée. Pour le Conseil fédéral, la montée du terrorisme a modifié la nature des dangers qui menacent la Suisse. Dans ce contexte, il a proposé de renforcer les capacités de l’armée pour des engagements subsidiaires et la sûreté sectorielle. Cela a conduit, avec les restrictions financières résultant des programmes d’allégement budgétaires 03 et 04, à un redimensionnement des moyens destinés à la défense face à une attaque militaire dirigée contre le pays. A ce titre, le Conseil fédéral a proposé que les capacités de l’armée concernant les engagements probables soient augmentées au moyen d’un recentrage des armes de combat lourdes sur l’infanterie. Il a également proposé une réorganisation des structures de conduite à l’échelon de l’armée et des brigades, afin d’augmenter la flexibilité et la capacité d’adaptation. De plus, afin d’octroyer à l’armée une plus grande sécurité en matière de planification, le Conseil fédéral a proposé de modifier la loi fédérale instituant des mesures destinées à améliorer les finances fédérales, de telle sorte que le plafond de dépenses soit prolongé de trois années supplémentaires (projet 1). Le gouvernement souhaitait en effet que le plafond déjà attribué dans le cadre du Programme d’allégement budgétaire 04 soit ainsi prolongé jusqu’à la fin de la réalisation de l’étape de développement 2008/2011
[8].
Au Conseil national, les deux projets ont fait l’objet de propositions de renvoi au Conseil fédéral, dont une déposée par la minorité de la Commission de la politique de sécurité emmenée par Ulrich Schlüer (udc, ZH). Le conseiller national UDC Pirmin Schwander (SZ) a de son côté plaidé pour une non-entrée en matière sur le second projet. Ulrich Schlüer a motivé sa position en expliquant qu’il était prématuré d’envisager une nouvelle réforme au stade actuel de la refonte prévue par Armée XXI. Tout en rappelant la nécessité de garantir le mandat constitutionnel et l’importance de ne pas réduire la capacité défensive de l’armée, le zurichois a exigé que les domaines et les moyens d’intervention de l’armée sur le plan de la sécurité intérieure soient clairement définis par le Conseil fédéral, et que la Suisse ne soit ainsi pas contrainte de rejoindre une alliance militaire. Cette argumentation n’a toutefois pas été suivie par les radicaux, ni par le PDC. Le conseiller fédéral Samuel Schmid a, pour sa part, souligné que l’étape de développement 2008/2011 était « modérée et supportable », et en a profité pour mettre en garde les députés contre un éventuel retard, qui risquerait de compromettre le passage progressif à cette étape. Les députés ont finalement décidé d’entrer en matière sans opposition sur le premier projet, et par 153 voix contre 11 pour le second, rejetant l’ensemble des propositions de renvoi.
Dans le cas du premier projet (Loi fédérale instituant des mesures destinées à améliorer les finances fédérales), les députés ont été saisis de deux propositions de minorité. La première, présentée par le socialiste Hans Widmer (LU), portait sur un abaissement du plafond des dépenses pour l’armée à 10 milliards de francs. La seconde, formulée par l’écologiste Josef Lang (ZG) et soutenue par les socialistes, préconisait la suppression d’un tel « plancher », qui privilégie l’armée en lui assurant un certain niveau minimal de dépenses. Ces deux propositions ont cependant été rejetées au plénum, par 109 voix contre 60, et par 109 voix contre 61, respectivement. Au vote sur l’ensemble, le projet du Conseil fédéral a été adopté par 109 voix contre 64.
S’agissant du
second projet (Ordonnance de l'Assemblée fédérale sur l'organisation de l'armée), le député Hans Widmer (ps, LU) a déposé une proposition de minorité qui visait à réduire de moitié le nombre de réservistes (ramené ainsi à 40 000). Le bernois Paul Günter (ps) a demandé, quant à lui, une réduction des effectifs de l’armée de 140 000 à 100 000 hommes, les socialistes souhaitant par là marquer leur opposition à la multiplication des interventions de l’armée sur le plan de la sécurité intérieure. Le plénum a toutefois rejeté ces deux propositions, respectivement par 112 voix contre 63, et par 108 voix contre 61. Au vote sur l’ensemble, l’ordonnance en question a finalement été rejetée par 101 voix contre 73, socialistes et démocrates du centre la combattant
[9].
Au mois d’août, le Conseil fédéral a mis en consultation l’
avant-projet de révision de la loi sur l’armée et l’administration militaire (LAAM). Les objets les plus importants de la révision touchent à l’instruction et les engagements à l’étranger, la procédure d’approbation parlementaire lors d’engagements en service de promotion de la paix et en service d’appui, ainsi que la question de la protection des données
[10].
Le Conseil fédéral a approuvé la
révision totale de l’ordonnance sur le Service de la Croix-Rouge (SCR). Celle-ci règle notamment les tâches spécifiques des membres du Service de la Croix-Rouge, la coordination entre les autorités compétentes de l’armée et ce dernier, ainsi que les aspects essentiels de son financement par la Confédération
[11].
Par 116 voix contre 26, le Conseil national a adopté, en fin d’année, un postulat de sa commission de la politique de sécurité, qui demandait au Conseil fédéral d’étudier quelles
mesures devaient être prises afin de
faciliter une
éventuelle montée en puissance de l’armée. Le gouvernement a été chargé de mettre l’accent en particulier sur deux dispositions. La première touchait à la création de conditions favorables au développement d’une politique industrielle et technologique en Suisse permettant d’occuper des niches indispensables ou importantes pour les autres nations productrices d’armement, afin que la Suisse soit en bonne position pour négocier, le cas échéant, la production de l’équipement dont elle aurait besoin dans des délais raisonnables. La seconde concernait l’amélioration de la formation de spécialistes pour des fonctions clés, par l’intermédiaire d’une intensification de la professionnalisation et de l’instruction en coopération, afin que l’armée puisse disposer en permanence de compétences garantissant un déroulement aussi efficace que possible de toute montée en puissance
[12].
En fin d’année, la Commission de gestion du Conseil national, au terme d’une longue enquête sur le terrain, a jugé que la situation de
crise de moral aiguë qui secouait le
corps des militaires de carrière, et qui est apparue de manière forte durant l’année sous revue, était inquiétante. Elle a par conséquent demandé au Conseil fédéral de prendre des mesures rapides afin de remédier à cela. A cet effet, la commission a notamment préconisé un réexamen critique d’Armée XXI
[13].
Cette même commission a émis de sévères critiques concernant le
réseau des attachés militaires de défense. Jugeant le système actuel « lourd et confus », elle a demandé au Conseil fédéral de réexaminer celui-ci en ce qui concerne les tâches, l’organisation, l’efficience, l’adéquation et l’utilité de ce réseau sur le plan de la politique de sécurité de la Suisse, et d’établir un rapport à ce sujet
[14].
Les chambres ont adopté, sur avis favorable du Conseil fédéral, une motion du député zurichois Hans Rutschmann (udc), qui demandait au gouvernement de fixer les
exigences applicables à la
formation des personnes voulant devenir
officiers de carrière, de telle sorte que celles d’entre elles qui n’ont pas suivi de formation universitaire puissent aussi se porter candidates
[15].
[8]
FF, 2006, p. 5899 ss.
[9]
BO CN, 2006, p. 1434 ss.
[10]
FF, 2006, p. 6623;
communiqué de presse du DDPS, 23.8.06.
[11]
Communiqué de presse du DDPS, 29.9.06.
[12]
BO CN, 2006, p. 1460.
[13]
LT, 2.10.06;
LT et
NF, 12.10.06.
[14]
FF, 2006, p. 8275 ss. (rapport de la commission);
LT et
24h, 26.5;
LT, 3.6.06.
[15]
BO CN, 2006, p. 1572;
BO CE, 2006, p. 1167.
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