Année politique Suisse 2006 : Chronique générale / Défense nationale / Armement
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Importation et exportation de matériel de guerre
Durant l’année sous revue, le Conseil national a rejeté deux motions qui visaient à empêcher les exportations de matériel de guerre. La première, déposée en 2005 par la Commission de politique extérieure du Conseil national, avait fait suite aux remous politiques qu’avaient déclenché les exportations de chars à destination de l’Irak et du Pakistan, deux pays où la situation politique est délicate et où des conflits se déroulaient encore. La Confédération ne pouvait en effet recevoir aucune garantie que ce matériel serait utilisé à des fins non militaires (opérations de police). Malgré le fait que les exportations d’armes à destination de ces deux pays n’ont finalement pas eu lieu et que l’objet de la motion était ainsi devenu caduque, le rapporteur de la commission, le radical John Dupraz (GE) a demandé au plénum d’adopter la motion à titre symbolique. Il n’a toutefois pas été suivi, puisque celle-ci a été rejetée par 71 voix contre 63. La seconde motion, déposée en 2004 par le socialiste bernois Paul Günter, demandait deux choses au Conseil fédéral : premièrement, revenir sur sa décision du 31 mars 2004 d’exporter du matériel de guerre à destination de l’Arabie Saoudite, et, deuxièmement, d’interdire à l’avenir les exportations de matériel de guerre à destination de ce pays. Le Conseil fédéral a proposé de rejeter la motion en question au titre que, d’une part, revenir sur sa décision était irrecevable au nom de la sécurité du droit notamment, et que, d’autre part, d’autres pays affiliés aux régimes internationaux de contrôle des exportations (dans l’UE entre autres) avaient une attitude similaire à celle qu’il avait adoptée. Le Conseil fédéral a ajouté que les exportations d’armes vers l’Arabie Saoudite sur les dernières années représentaient de toute façon des sommes très petites. Le plénum a suivi l’avis du gouvernement et rejeté la motion Günter par 90 voix contre 66 [38].
Le Conseil fédéral a approuvé une révision partielle de l’ordonnance sur les marchés publics. La nouvelle disposition permet, à titre exceptionnel, et si le maintien de la production suisse d’armement l’impose, d’adjuger un marché directement et sans appels d’offres à une entreprise suisse d’armement. Le Conseil fédéral a voulu, par cette mesure, contribuer à ce que des entreprises d’armement importantes pour la défense nationale subsistent en Suisse [39].
L’armée suisse a finalement commandé, nonobstant la plainte déposée par le fabricant italien Augusta et l’enquête en cours de la Commission fédérale de la concurrence sur les circonstances liées à cet achat, 20 hélicoptères EC 635 au groupe Eurocopter. Si ces hélicoptères sont destinés à des missions militaires ou de recherche et de secours, deux parmi eux seront toutefois réservés aux transports de personnalités [40].
Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a fait un retour remarqué sur la scène politique nationale durant l’année sous revue, en lançant une initiative populaire « pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre ». Cette initiative vise concrètement le matériel de guerre proprement dit, les « biens militaires spéciaux » (les avions d’entraînement du type Pilatus entrant dans cette catégorie par exemple), de même que le matériel pour la production de matériel de guerre (plans de construction par exemple). Les biens à double usage civil et militaire (certains systèmes de communication, entre autres) ne seraient toutefois pas frappés d’une interdiction de vente à l’étranger. Selon les initiants, l'interdiction d'exporter des armes conférerait une crédibilité renouvelée à l'engagement humanitaire et à la coopération internationale de la Suisse; elle donnerait également un signal fort en faveur d'une véritable politique de paix contribuant à la construction d'un monde plus pacifique. De plus, la Suisse ne dépend pas économiquement des exportations d'armes. La reconversion des industries d'armement vers des produits civils doit être encouragée, selon eux. L'initiative prévoit à ce titre des mesures d'accompagnement grâce auxquelles la Confédération soutiendra les régions et les employés affectés par l'interdiction d'exportation [41].
Le Conseil national a approuvé à l’unanimité, sur avis favorable de sa commission de la politique de sécurité, l’arrêté fédéral concernant le Protocole du 28 novembre 2003 relatif aux restes explosifs de guerre (Protocole V) annexé à la Convention du 10 octobre 1980 sur l’interdiction de l’emploi de certaines armes classiques, qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination [42].
Malgré l’adoption de celle-ci par le Conseil national en 2005, le Conseil des Etats a rejeté une motion de la député Ursula Haller (udc, BE), qui demandait au Conseil fédéral de prendre des mesures visant à repêcher et éliminer les munitions ou les résidus d’explosifs d’origine militaire déposés au fond des lacs suisses  [43].
 
[38] BO CN, 2006, p. 955 s. (motion CPE-CN); BO CN, 2006, p. 958 s. (motion Günter). Voir APS 2005, p. 84 s.
[39] Communiqué de presse du DDPS, 26.04.06.
[40] 24h, 26.4.06. Voir APS 2005, p. 83 s.
[41] FF, 2006, p. 5323 ss.; Lib., 27.06.06 (lancement de l’initiative).
[42] BO CN, 2006, p. 564 s.
[43] BO CN, 2005, p. 1562 s.; BO CE, 2006, p. 267 ss.