Année politique Suisse 2006 : Economie / Agriculture / Politique agricole
Le Conseil fédéral a présenté en début d’année les
résultats de la consultation sur la Politique agricole 2011 (PA 2011). Si la majorité des cantons, des partis politiques et des organisations non paysannes ont accepté la pièce maîtresse du projet, soit la réallocation, aux paiements directs, des fonds engagés par la réduction du soutien du marché, la majorité des organisations paysannes et les milieux concernés de l’industrie alimentaire s’y sont par contre opposés, soutenus par l’UDC. Les opposants ont critiqué non seulement le principe de la réallocation, mais aussi le rythme prévu. Quinze cantons, ainsi que le PDC, ont demandé un ralentissement de la réforme et davantage de fonds fédéraux, tandis que les milieux économiques libéraux ont revendiqué une réforme plus rapide. Le PS, les organisations de consommateurs et les organisations de protection de l’environnement, de la nature et des animaux, ainsi que de l’agriculture biologique, ont quant à elles approuvé le principe de la réallocation, tout en demandant un axe d’orientation supplémentaire qui accorde plus de poids à l’écologie et aux animaux. Le Conseil fédéral a dès lors chargé le DFE de maintenir, dans le projet de message, le principe de la réallocation aux paiements directs des fonds dégagés par la réduction du soutien du marché, et de fixer à 13,5 milliards de francs au total les enveloppes financières, qui rendent ainsi les adaptations supportables sur le plan social
[1].
Au mois de mai, le Conseil fédéral a présenté son message concernant
l’évolution de la future politique agricole (PA 2011). Pour le gouvernement, l’agriculture suisse doit continuer à fournir, par une production durable et axée sur le marché, des denrées alimentaires de haute qualité, dont la production est respectueuse de la nature, des animaux et de l’environnement. Le gouvernement a souhaité décharger les consommateurs, mais également améliorer la compétitivité de l’agriculture et des domaines situés en amont et en aval, tout en précisant que les adaptations devaient se faire à un rythme permettant une évolution socialement supportable. La pièce maîtresse de la réforme proposée par le Conseil fédéral consiste à réduire considérablement les fonds utilisés aujourd’hui pour le soutien du marché, et à réallouer les fonds ainsi dégagés aux paiements directs non liés à la production. Les subventions à l’exportation seront également supprimées et la protection douanière appliquée aux céréales et aux aliments pour animaux sera réduite. Pour le gouvernement, la baisse des prix qui en résultera aura pour effet de mobiliser le potentiel d’accroissement de la productivité et de diminuer les coûts, d’où un gain de compétitivité. Le Conseil fédéral a estimé que le développement écologique se renforcerait dans ces conditions, puisque les prix à la production baisseront et que les paiements directs demeureront stables. Il a en outre proposé d’affecter au total 13,5 milliards de francs aux enveloppes financières agricoles pour la période 2008-2011, ce qui correspond aux moyens financiers qui ont effectivement été disponibles durant les années 2004 à 2007. La mise en œuvre de la stratégie et des axes d’action implique des modifications dans plusieurs textes de lois, et parmi ceux-ci, la loi sur l’agriculture (conditions-cadre de la production et des ventes, paiements directs, mesures d’accompagnement social, etc.), la loi fédérale sur le droit foncier rural et la loi fédérale sur le bail à ferme agricole (augmentation de la taille minimale fixée pour les entreprises agricoles), la loi fédérale sur les allocations familiales dans l’agriculture (suppression de la limite de revenu et augmentation du taux des allocations pour enfant), la loi sur les denrées alimentaires, la loi sur les épizooties, et l’arrêté fédéral sur les moyens financiers destinés à l’agriculture pour les années 2008 à 2011
[2].
Le Conseil des Etats a examiné ce projet de réforme lors de la session de décembre. Il n’en a toutefois traité que le projet 1 « Modification de la loi fédérale sur l’agriculture » et le projet 7 « Arrêté fédéral sur les moyens financiers destinés à l’agriculture pour les années 2008 à 2011 » durant cette session. Même si le débat d’entrée en matière a duré plusieurs heures, l’entrée en matière sur ces deux objets a été décidée sans contestation. Deux camps se sont opposés lors de ce débat : d’un côté les partisans du projet, soit le Conseil fédéral, les socialistes et les radicaux, et de l’autre, des membres du PDC et de l’UDC. La majorité de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-CE), qui proposait d’entrer en matière sur le projet du Conseil fédéral, souhaitait toutefois ralentir quelque peu le rythme des réformes, position qu’ont soutenue plusieurs intervenants issus des rangs du PDC et de l’UDC. La commission a d’ailleurs proposé, à ce titre, de réallouer 80 millions de francs supplémentaires provenant des paiements directs aux fonds destinés au soutien du marché. A l’inverse, des membres radicaux du plénum ont considéré qu’il serait une erreur de vouloir freiner le rythme des réformes, nonobstant au passage la suspension actuelle du cycle de Doha (voir infra). Ils ont également plaidé en faveur d’une refonte radicale du système de paiements, la pièce maîtresse des réformes. Quant aux intervenants socialistes, ils ont soutenu les projets présentés par le gouvernement, argumentant que l’enveloppe financière demandée était élevée (8% des dépenses de la Confédération) et qu’il ne fallait ainsi pas faire croire aux paysans que les fonds destinés au soutien du marché permettraient de maintenir des prix élevés en Suisse ad aeternam.
Lors de la discussion article par article, la chambre haute s’est ralliée à la CER-CN et a décidé de supprimer l’obligation faite aux exploitations de se convertir entièrement à l’agriculture biologique pour se prévaloir du label bio. Celles-ci pourront en effet obtenir cette appelation pour certaines branches d’activités, proposition à laquelle la conseillère fédérale Doris Leuthard s’est dite favorable, à la seule condition qu’elle ne s’applique qu’aux unités d’exploitation distinctes dont les flux de marchandises seront physiquement séparés. Le Conseil des Etats, par 26 voix contre 7, et contre la proposition du Conseil fédéral, a également décidé de renoncer à la mise aux enchères de contingents tarifaires pour les pommes de terre. S’écartant de la position du Conseil fédéral, la commission s’est prononcée en faveur de l’autorisation des importations parallèles pour les moyens de production et les biens d’investissement agricoles protégés par un brevet. Elle a été suivie par le plénum sur ce point (par 25 voix contre 13). En ce qui concerne le marché laitier, le Conseil fédéral s’est déclaré favorable au maintien du supplément pour le lait transformé en fromage à 15 centimes par kilogramme en 2008, puis à une baisse à 10 centimes dès 2009, en augmentant toutefois en contrepartie les paiements directs octroyés aux paysans. En commission, cette question avait suscité deux propositions. La majorité de celle-ci voulait reporter au 1er janvier 2011 la baisse de 10 centimes prônée par le Conseil fédéral, tandis que la minorité, emmenée par le démocrate-chrétien Eugen David (SG), était favorable au maintien jusqu’en 2011 du supplément, ce qui équivalait à conserver le système actuel. Par 24 voix contre 15, le Conseil des Etats s’est finalement rallié à la proposition de la minorité et opté ainsi pour le statu quo. Le plénum n’a en outre pas suivi la proposition du gouvernement d’abolition de la prime de non-ensilage dès 2009. Par 27 voix contre 13, il s’est prononcé en faveur d’un maintien de la prime à 3 centimes par kilogramme de lait. Le Conseil des Etats s’est également écarté de la position du Conseil fédéral sur la question de la mise en valeur de la laine de mouton, ce dernier réclamant la suppression des contributions. Par 18 voix contre 14, les députés aux Etats ont approuvé le maintien du statu quo défendu par la minorité de la commission. Au sujet du sucre, la chambre haute a suivi, par 21 voix contre 15, l’avis de la majorité de la commission, qui exigeait le versement de contributions tant pour la production que pour la transformation des betteraves sucrières. Le Conseil fédéral et une minorité de la commission étaient, quant à eux, favorables à la suppression pure et simple de l’indemnité versée aux sucreries. S’agissant de la viticulture, le gouvernement et la commission souhaitaient fixer des exigences minimales uniformes pour toutes les catégories de vins. Le Conseil des Etats a cependant opté, par 17 voix contre 12, pour laisser l’attribution de cette compétence aux cantons, la Confédération se contentant de définir les critères des cahiers des charges. La voix du président a été nécessaire pour approuver, contre l’avis du Conseil fédéral, le maintien de la mise aux enchères des contingents d’importation de beurre. Au vote sur l’ensemble, le Conseil des Etats a adopté le projet par 24 voix contre 1.
En ce qui concerne le
projet 7, l’
arrêté fédéral sur les moyens financiers destinés à l’agriculture pour les années 2008 à 2011, le Conseil des Etats s’est rallié, par 24 voix contre 11, à la minorité de la commission emmenée par Eugen David (pdc, SG), qui s’était prononcée en faveur de l’augmentation de 150 millions de francs du plafond des dépenses prévu par le Conseil fédéral. Les députés n’ont pas suivi les arguments de la conseillère fédérale Doris Leuthard, qui invoquait l’absence de moyens financiers pour augmenter ce plafond. Au vote sur l’ensemble, l’arrêté fédéral a été adopté par 24 voix contre 3
[3].
[1]
Communiqué de presse de l’OFAG, 29.3.06. Voir
APS 2005, p. 102 s.
[2]
FF, 2006, p. 6027 ss. ;
communiqué de presse de l’OFAG, 17.5.06 ; presse des 30.3 et 18.5.06. Voir
APS 2005, p. 102 s.
[3]
BO CE, 2006, p. 1171 ss. et 1224 ss.
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