Année politique Suisse 2007 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Europe: UE
Le Conseil des Etats a rejeté par 26 voix contre 7, et sur avis de sa commission, une initiative cantonale de Schwyz, qui exigeait que la
demande d’adhésion à l’UE déposée par le Conseil fédéral le 26 mai 1992 soit
retirée
[6].
De manière générale, une certaine tension a caractérisé les relations entre la Suisse et l’UE au cours de l’année sous revue. La question des
réductions fiscales accordées par certains cantons suisses aux holdings réalisant leurs bénéfices à l’étranger en a été à l’origine. Si l’UE a souhaité ouvrir des négociations avec la Suisse sur ce différend fiscal les opposant, la Confédération a toutefois estimé de son côté que la souveraineté fiscale des cantons ne pouvait être négociée, mais qu’elle était prête à ouvrir le dialogue à ce sujet. S’appuyant sur l’accord de libre-échange de 1972 entre la Suisse et l’UE, cette dernière a assimilé certaines pratiques fiscales cantonales à l’égard des entreprises à des « aides d’Etat », qu’elle juge inacceptables. Elle s’est cependant montrée intéressée par le caractère non discriminatoire d’une proposition UDC de réduction de l’impôt fédéral sur le bénéfice des entreprises déposée dans une motion au Conseil national et adoptée par ce dernier au cours de l’année sous revue
[7].
Plusieurs interventions parlementaires ont été déposées relativement à ce différend fiscal au cours de l’année. Au Conseil national notamment, la discussion sur une motion du groupe PDC/Verts/Verts libéraux, qui demandait au gouvernement d'informer la Commission européenne que la Suisse ne négociera pas une
harmonisation fiscale entre les cantons, a été repoussée suite à l’opposition de plusieurs parlementaires socialistes
[8].
L’
ambassade de l’UE en Suisse (Délégation de la Commission européenne en Suisse) a ouvert officiellement ses portes à Berne début avril. Elle a été inaugurée par la commissaire européenne aux relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner et par la Présidente de la Confédération, la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey
[9].
Les chambres ont examiné l’accord sur la
participation de la Suisse au programme MEDIA de l’UE pour les années 2007-2013 (projet 1) et son arrêté de financement (projet 2). Au
Conseil des Etats, la Commission de politique extérieure (CPE-CE) a proposé le
renvoi du projet 1 au Conseil fédéral, en le chargeant de deux choses : 1) rechercher avec l’UE des solutions qui répondraient mieux aux intérêts de la Suisse eu égard à ses restrictions publicitaires concernant l’alcool, la politique et la religion ; 2) veiller à ce que l’application provisoire de Media soit poursuivie ; 3) soumettre à nouveau cet objet au parlement à la session d’automne 2009 au plus tard. Précisant que cet accord permettait aux cinéastes suisses de profiter comme les autres des programmes de soutien de l’UE, la commission a toutefois souligné que l’obligation d’appliquer, à partir de 2009, la directive de l’UE « Télévision sans frontières » posait problème, car elle entrerait en conflit avec la nouvelle loi sur la radio et la télévision (LRTV) adoptée par les chambres en 2006
[10]. Elle estimait également que malgré l’importance capitale de l’accord en question en matière de politique européenne et culturelle, une éventuelle nouvelle révision de la LRTV serait malvenue. Si le conseiller fédéral Pascal Couchepin a bien tenté de convaincre les parlementaires de la portée limitée de la directive de l’UE, cela a cependant été en vain. Le plénum a en effet adopté tacitement la proposition de renvoi de la commission. L’arrêté fédéral concernant le financement de la participation de la Suisse au programme communautaire Media pour les années 2007-2009 a quant à lui été adopté sans opposition.
Au
Conseil national, la majorité de la commission a proposé d’adhérer à la décision du Conseil des Etats et de renvoyer le projet au Conseil fédéral. Une minorité emmenée par Walter Müller (prd, SG) s’est toutefois opposée à ce renvoi. Les rapporteurs de la majorité ont souligné l’intelligence et le pragmatisme de la décision du Conseil des Etats, et ont déclaré être d’avis que le Conseil fédéral devrait entreprendre, avec l’appui du parlement, de nouvelles négociations avec l’UE sur cette question. Quant à la minorité de la commission, elle estimait que s’adapter au droit de l’UE était le prix des relations bilatérales qu’il fallait parfois être prêt à payer. Démocrates-chrétiens, Verts, Verts libéraux et socialistes ont soutenu la proposition de renvoi. L’UDC a fait de même, en proposant cependant de rejeter l’ensemble du projet. Le plénum a finalement décidé, par 136 voix contre 45, de renvoyer le projet 1 au Conseil fédéral. Au vote sur l’ensemble, le Conseil national a toutefois adopté, par 118 voix contre 54, le projet de financement de la participation de la Suisse au programme communautaire Media
[11].
La période de transition de cinq ans, qui permettait des contrôles et soumettait les travailleurs européens à un contingentement, a pris fin au 1er juin de l’année sous revue. A cette date,
la libre circulation des citoyens des quinze premiers Etats membres de l’UE et ceux de l’AELE (plus ceux de Chypre et de Malte)
est devenue effective et sans restriction, malgré une clause de sauvegarde en cas d’afflux excessif vers la Suisse. La fin du contingentement pour les travailleurs étrangers s’accompagne d’une libéralisation du statut des frontaliers : ces derniers pourront dorénavant travailler dans toute la Suisse et non plus uniquement dans les cantons frontaliers, et venir de toute l’UE et non plus uniquement des régions frontalières
[12].
En mai, le Conseil fédéral a accepté le
mandat de négociation concernant l'extension progressive de la libre circulation des personnes à la Bulgarie et à la Roumanie. Le gouvernement a toutefois précisé que ce mandat serait définitivement arrêté à l’issue de la consultation des cantons et des commissions de politique extérieure du parlement. Fin juin, la CPE-CN a décidé, par 16 voix contre 7, d'approuver les lignes directrices du mandat de négociation présentées par le Conseil fédéral. Elle a rejeté au passage, par un nombre de voix identique, une proposition de l’UDC qui visait à suspendre les négociations jusqu'à ce que l'UE reconnaisse la souveraineté de la Suisse en matière fiscale (voir supra)
[13].
A l’instar du Conseil national fin 2006, le Conseil des Etats a adopté une motion Robbiani (pdc, TI), qui demandait au Conseil fédéral de prendre très rapidement des mesures, afin que les pays de l’UE, et notamment les pays voisins, définissent et fassent connaître la
procédure à suivre pour que les entreprises suisses puissent travailler sur leur territoire
[14].
Dans sa réponse à une interpellation de la conseillère nationale Jasmin Hutter (udc, SG), le Conseil fédéral a indiqué que le
montant que la Suisse doit verser à l'UE pour
son
association à Schengen/Dublin sera supérieur aux 8,2 millions de francs prévus dans le message sur ces accords, qui tablait sur leur entrée en vigueur au 1er janvier 2006. La ratification des accords d'association à Schengen/Dublin ayant toutefois pris plus de temps que prévu (ces accords devraient, selon le gouvernement, entrer en vigueur au deuxième semestre 2007 et être appliqués, au plus tôt, à l'automne 2008), il a précisé qu’au montant initial allaient s’ajouter (en additionnant les montants dus à l'UE et les coûts internes à la Confédération) 22 millions de francs pour l'année 2007 et 18 millions de francs pour l'année 2008
[15].
Le Département fédéral de justice et police a lancé une
procédure de consultation relative à l’approbation et la mise en œuvre de l’échange de notes entre la Suisse et l’UE sur la reprise du code-frontières Schengen (développement de l’acquis de Schengen), et les modifications du droit sur les étrangers et sur l’asile qui en découlent. De manière générale, hormis quelques critiques d’ordre général émises par l’UDC, tous les partis politiques et une grande majorité des cantons se sont prononcés de manière favorable sur ces projets
[16].
Au mois d’octobre, le Conseil fédéral a approuvé et transmis au parlement, le projet d'
échange de notes avec l'UE concernant la reprise du
code-frontières Schengen, ainsi que les modifications consécutives de la
loi fédérale sur les étrangers (LEtr). D'après le code-frontière Schengen, une décision dûment motivée et sujette à recours doit être rendue au moyen d'un formulaire spécial dans tous les cas de refus d'entrée prononcé aux frontières extérieures de Schengen. La LEtr ne prévoyant une telle décision que sur demande expresse, elle doit par conséquent être modifiée dans ce sens. La Suisse aura la possibilité de renvoyer des clandestins qui n'ont pas déposé de demande d'asile sur son territoire dans l'Etat signataire des accords de Dublin compétent. En outre, en vertu de Schengen, les compagnies aériennes seront contraintes de communiquer aux autorités certaines données personnelles concernant leurs passagers, afin de renforcer la lutte contre l'immigration illégale. Les compagnies qui ne s'acquitteront pas de cette obligation pourront se voir infliger une amende
[17].
Pour des raisons pratiques et politiques, la Suisse a renoncé au mois de juin à prendre la
présidence de la zone Schengen pour le second trimestre 2007. Le conseiller fédéral Christoph Blocher, en charge du dossier, a notamment justifié cette décision par le fait qu’il n’était pas aisé pour un Etat non membre de l’UE de présider un club de 30 pays, surtout lorsqu’il s’agit d’établir des relations avec le Parlement européen
[18].
Suite à l’acceptation en votation populaire le 26 novembre 2006 de la loi fédérale sur la coopération avec les Etats d’Europe de l’Est, qui prévoyait le versement d’un milliard de francs destiné à financer l’effort de cohésion de l’UE élargie, les chambres ont examiné conjointement deux objets au cours de l’année sous revue : la contribution de la Suisse à l’atténuation des disparités économiques et sociales dans l’UE (06.100) et la poursuite de la coopération avec les Etats d’Europe de l’Est et de la CEI (06.099).
Au Conseil des Etats, l’entrée en matière sur les deux projets n’a pas été contestée. Le rapporteur de la commission, le radical Peter Briner (SH), a déclaré que personne au sein de celle-ci ne s’était opposé aux deux projets et que la discussion avait porté uniquement sur la question du financement. Estimant qu’il devrait être possible, sur dix ans, d’économiser au total 245 millions de francs dans les sept départements fédéraux, la commission a proposé que ce financement ne se fasse pas au détriment de l’aide publique au développement, mais soit compensé dans le budget général de la Confédération. Plusieurs intervenants ont en outre tenu à rappeler qu’il serait difficile de justifier qu’une aide financière soit accordée à des membres de l’UE plutôt qu’à des pays en voie de développement. La proposition de la commission a finalement été adoptée tacitement et l’arrêté fédéral concernant la contribution de la Suisse à l’atténuation des disparités économiques et sociales dans l’UE élargie a été adopté par 36 voix contre 2. Dans le cadre du second arrêté concernant le crédit-cadre pour la poursuite de la coopération avec les Etats d’Europe de l’Est et de la CEI, une minorité de la commission, emmenée par la socialiste Simonetta Sommaruga (BE), a proposé d’augmenter le montant de ce crédit de 650 à 730 millions de francs, et de revenir par conséquent sur la proposition du Conseil fédéral de réduire le montant accordé jusqu’à présent. La minorité de la commission estimait en effet qu’il ne fallait pas financer la contribution à l’élargissement en réduisant l’aide aux pays les plus pauvres d’Europe de l’Est. Les députés ne l’ont toutefois pas suivie et se sont prononcés, par 23 voix contre 14, en faveur de la solution proposée par le Conseil fédéral. Le crédit-cadre en question a finalement été adopté par 35 voix contre 0 lors du vote sur l’ensemble.
Les deux mêmes objets ont également été examinés de manière conjointe au Conseil national. Si l’entrée en matière n’a pas suscité d’opposition, trois députés UDC ont toutefois déposé des propositions de renvoi au Conseil fédéral. Walter Wobmann (SO) a proposé de geler la contribution à la réduction des disparités sociales et économiques dans l’UE jusqu’à ce que cette dernière reconnaisse officiellement le système fiscal suisse. Walter Schmied (BE) a proposé de renvoyer l’objet 06.100 au Conseil fédéral, avec mandat d'éclaircir au préalable l'étendue et la forme des exigences de l'UE envers la Suisse en ce qui concerne les paiements de cohésion à la Bulgarie et à la Roumanie. Pirmin Schwander (SZ) a enfin demandé au Conseil fédéral de démontrer de façon transparente et complète que le financement sera neutre pour le budget. La majorité des députés n’a cependant pas voulu reporter à nouveau sa décision concernant ces deux objets. Différents intervenants n’ont de plus pas manqué de rappeler que la Suisse n’allait pas seulement payer, mais également profiter de la stabilité, de la sécurité et de l’essor économique des pays bénéficiaires de la contribution suisse. Soutenues par aucun autre parti, les trois propositions de renvoi ont été écartées. La question qui s’est dès lors posée dans le cadre des débats a été de savoir s’il convenait de se rallier à la décision du Conseil des Etats de réduire le crédit-cadre relatif à la coopération avec les pays de l’Est et de la CEI de 730 à 650 millions de francs (conformément au projet du Conseil fédéral). Plusieurs intervenants n’ont alors pas manqué de rappeler que le Conseil national avait adopté la motion Leuthard « Contribution à la réduction des disparités », qui demandait que cette contribution ne soit pas prélevée sur les fonds affectés à l'aide au développement. Une majorité de la commission a proposé de maintenir ledit crédit à une hauteur de 730 millions de francs, alors qu’une minorité emmenée par Walter Müller (prd, SG) – soutenu par plusieurs députés UDC – a proposé de se rallier à la décision du Conseil des Etats. Le plénum a finalement suivi la majorité de la commission, créant de fait une divergence avec le Conseil des Etats. Au vote sur l’ensemble, les deux projets ont été adoptés par 116 voix contre 42.
Par 29 voix contre 3, le
Conseil des Etats s’est finalement rallié à la version du Conseil national et a décidé de relever le crédit d’aide au développement pour l’Europe de l’Est de 650 à 730 millions de francs
[19].
Au mois de février, l’UE a demandé à la Confédération de payer une
nouvelle
contribution financière visant à favoriser l’intégration de la
Bulgarie et de la
Roumanie. Ces deux pays ont en effet rejoint l’Union au 1er janvier de l’année sous revue
[20].
Fin décembre, les deux conseillères fédérales Micheline Calmy-Rey et Doris Leuthard ont signé à Berne les
dix accords-cadres
sur le milliard de francs de l’aide à la cohésion de l’UE élargie, afin que la contribution de la Suisse puisse débuter dès le début de l’année 2008
[21].
L’UE et la Suisse ont ouvert au mois de novembre le troisième volet des négociations bilatérales, en vue d’un
accord sur le marché de l’électricité. Si la Suisse veut avant tout garantir la sécurité de son approvisionnement et permettre à ses opérateurs d’accéder au marché européen sur la base d’une reconnaissance mutuelle des normes des deux parties, l’UE – qui poursuit également ce dernier objectif – espère de son côté « intégrer » le marché suisse dans le sien sur la base de l’acquis communautaire (dispositions concernant les domaines de l’environnement, de la promotion des énergies renouvelables et de la concurrence)
[22].
La Suisse a manifesté, durant l’année sous revue, son intérêt quant à un
accord bilatéral sur la santé avec l’UE, qui comprendrait notamment la participation aux quatre systèmes d’alerte rouge cernant quatre types de dangers : les maladies infectieuses, les risques alimentaires (dioxine, listériose, etc.), le bioterrorisme et les produits non alimentaires. La Confédération souhaite également adhérer aux agences sur le contrôle des maladies contagieuses et sur la sécurité alimentaire
[23].
Le Conseil fédéral a approuvé en début d’année le
mandat de négociation relatif aux programmes européens d’éducation et de jeunesse. Le gouvernement a confié ce mandat au secrétaire d’Etat Charles Kleiber, qui sera secondé par des représentants d’autres offices et de la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique
[24].
[6]
BO CE, 2007, p. 239 ss.
[7] Voir notamment:
LT, 2.6.07 ;
Lib., 20.6.07 ;
LT, 3.10.07. Motion UDC:
BO CN, 2007, p.1513 (cf. infra : partie I, 5, Impôts directs).
[10] Voir
APS 2006, p. 251 s.
[11]
FF, 2007, p. 6313 ss. ;
BO CE, 2007, p. 1013 ss. ;
BO CN, 2007, p. 1854 ss. ;
FF, 2008, p. 1905 s.
[12]
LT, 3.5.07 ; presse du 1.6.07.
[13]
NZZ, 30.5.07 (décision CF) ;
communiqué de presse de la CPE-CN, 25.6.07.
[14]
BO CE, 2007, p. 1009. Voir
APS 2006, p. 63.
[15]
BO CN, 2007, Annexes II, p. 176 s. En fin d’année, quatre pays européens (Tchéquie, Grèce, Hongrie et Belgique) n’avaient toujours pas ratifié les accords bilatéraux de Schengen/Dublin (
NZZ et
TA, 26.10.08).
[16]
FF, 2007, p. 2420 ;
rapport du DFJP, juillet 2007.
[19]
FF, 2007, 439 ss. et 509 ss. ;
BO CE, 2007, p. 243 ss., 251 s. et 536 s. ;
BO CN, 2007, p. 875 ss. ;
FF, 2007, p. 4709 s.
[21]
Lib. et
NZZ, 21.12.07.
[22]
Lib., 9.11.07. Voir
APS 2006, p. 66.
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