Année politique Suisse 2008 : Chronique générale / Politique étrangère suisse / Europe: UE
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Schengen/Dublin
La Belgique, la République tchèque et la Grèce ayant levé leurs réserves administratives, les 27 ministres des affaires étrangères de l’UE ont ratifié fin janvier l’accord qui permet à la Suisse d’entrer dans l’espace Schengen. Le 12 décembre, la Suisse est formellement entrée dans l’espace Schengen  [21].
Les chambres ont examiné au cours de l’année sous revue le projet d'échange de notes avec l'UE concernant la reprise du code-frontières Schengen (projet 1), ainsi que les modifications consécutives de la loi fédérale sur les étrangers (projet 2). Au Conseil des Etats, l’entrée en matière n’a pas suscité d’oppositions. Lors de la discussion par articles relative au projet 1, le plénum a rejeté une proposition Ory (ps, NE), par 28 voix contre 9, qui demandait que soit précisé dans la loi (art. 7 al. 3) que la décision juridique en matière d’asile soit rédigée dans une langue compréhensible pour la personne. Le rapporteur de la commission Hansheiri Inderkum (pdc, UR), de même que la conseillère fédérale en charge du dossier, Eveline Widmer-Schlumpf, ont préconisé le rejet de cette proposition, au titre que ce règlement Schengen n’exigeait pas que la décision de justice soit rédigée dans une langue compréhensible pour la personne, et que la loi fédérale sur la procédure administrative intervenait dans ce cas de figure. Le plénum a également rejeté par 29 voix contre 9 la seconde proposition Ory, qui demandait que la décision juridique puisse faire l'objet d'un recours dans les dix jours suivant sa notification, et non trois jours comme prévu dans le code-frontières. Au vote sur l’ensemble, le projet 1 a été adopté par 27 voix contre 1 et 6 abstentions. Quant au projet 2, le plénum a rejeté, par 30 voix contre 4, une autre proposition Ory qui demandait de ramener le montant de l'amende infligée aux compagnies aériennes qui auraient violé leur devoir de diligence ou transporté une personne démunie des documents nécessaires d’un million de francs maximum à 10 000 francs maximum par passager. Au vote sur l’ensemble, le projet 2 a été adopté par 26 voix contre 0 et 6 abstentions.
Au Conseil national, l’entrée en matière n’a pas été contestée. En rapport avec le projet 1, une minorité réunissant des députés socialistes et écologistes a proposé que lorsque l'entrée en Suisse est refusée, l'autorité compétente en matière de contrôle à la frontière rende une décision motivée et sujette à recours au moyen d'un formulaire ad hoc dans une langue qui est compréhensible à l'étranger. Allant plus loin que Gisèle Ory, cette minorité a en outre proposé que la décision puisse faire l'objet d'un recours dans les dix jours après sa notification, avec effet suspensif, et qu’une assistance juridique soit garantie. Ne recueillant aucun soutien auprès des partis de droite, ces propositions ont été rejetées. Au vote sur l’ensemble, ce projet a ensuite été adopté par 119 voix contre 35. En ce qui concerne le projet 2, une minorité identique a souhaité, au nom de la protection des données biométriques, que l'Etat ne délègue pas ses compétences de saisie et de traitement des données biométriques à des tiers – notamment des entreprises privées – et qu’il assume lui-même cette responsabilité. Cette proposition a toutefois été rejetée par 106 voix contre 56. Créant de fait une divergence d’avec le Conseil des Etats, la chambre du peuple a complété le projet en prévoyant notamment que le requérant d'asile qui a déjà déposé sa requête dans un autre pays signataire dispose du droit d'être entendu dans certains cas. Au vote sur l’ensemble, le projet 2 a été adopté par 99 voix contre 50, l’UDC s’y opposant en bloc. De retour au Conseil des Etats, les députés se sont alignés tacitement sur la décision du Conseil national. Au vote final, le Conseil des Etats a adopté les deux projets à l’unanimité moins quelques abstentions. Quant au Conseil national, il a adopté les deux projets respectivement par 148 voix contre 22 et 161 voix contre 16 [22].
Le Conseil fédéral a approuvé en début d’année le message relatif à l'approbation et la mise en oeuvre de l'échange de notes entre la Suisse et l'UE concernant la reprise du règlement portant création de FRONTEX et du règlement RABIT. Ces deux règlements constituent des développements de l’acquis de Schengen au sens de l’Accord d’association à Schengen. L’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne (FRONTEX) coordonne notamment la coopération opérationnelle entre les Etats membres en matière de gestion des frontières extérieures et les assiste pour la formation des gardes-frontière nationaux. L’adhésion à cette agence nécessite une contribution financière de 2,3 millions de francs par an et une modification de la loi sur les douanes. Le règlement RABIT (Rapid Border Intervention Teams), qui prévoit la création d’équipes d’intervention rapide aux frontières, imposera, en principe, à la Suisse de mettre des gardes-frontière suisses à disposition de FRONTEX pour une durée limitée si celle-ci le demande. L’envoi de gardes-frontière pour des engagements concrets peut toutefois être rejeté. Il est enfin prévu de déléguer dans la loi sur les douanes la compétence de conclure des traités internationaux au Conseil fédéral, pour les développements de l’acquis de Schengen qui concerneront l’engagement du personnel de l’administration des douanes aux frontières extérieures[23].
Au Conseil des Etats, l’entrée en matière a été acquise sans opposition. Une minorité emmenée par Gisèle Ory (ps, NE), a proposé que le Conseil fédéral informe de manière régulière le parlement sur l'état de la sécurité aux frontières extérieures de l'UE et sur la participation de la Suisse aux activités de contrôle. Les députés ont cependant rejeté cette proposition par 26 voix contre 9. Au vote sur l’ensemble, le projet a été adopté à l’unanimité. Au Conseil national, une minorité emmenée par Geri Müller (pe, AG), mais également soutenue par des députés UDC, a proposé de ne pas entrer en matière sur cet objet : les uns estimant que Frontex ne permet pas de toucher aux causes des migrations, notamment venant d'Afrique et les autres pensant que les frontières continueront d'être des passoires et que les coûts sont trop élevés. Cette proposition de non-entrée en matière a été rejetée par 96 voix contre 52. Lors de la discussion par article, deux propositions de minorité ont été présentées. La première, emmenée par Brigit Wyss (pe, SO) demandait que le Conseil fédéral adresse chaque année un rapport aux chambres sur l'engagement du matériel et du personnel de l'administration des douanes auprès de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'UE. Plus modérée, la seconde proposition, emmenée par Evi Allemann (ps, BE), demandait simplement que le Conseil fédéral informe le parlement sur les détails des mesures internationales qui seront prises dans le cadre de Schengen. Opposées l’une à l’autre, les députés ont préféré la seconde, par 36 voix contre 25. Celle-ci n’a cependant pas fait le poids face à la proposition de la majorité de la commission, cette dernière étant acceptée par 104 voix contre 55. Au vote sur l’ensemble, le plénum a adopté le projet par 82 voix contre 52. En vote final, le Conseil national a confirmé sa décision par 97 voix contre 70 (UDC et Verts principalement) et le Conseil des Etats à l’unanimité moins une abstention [24].
Autre reprise de l’acquis de Schengen, les chambres ont traité de l'arrêté fédéral portant approbation des échanges de notes entre la Suisse et l'UE concernant la reprise des bases légales visant l'adaptation du système d'information Schengen. Au Conseil des Etats le projet a été adopté tacitement et à l’unanimité. Au Conseil national, une minorité de la commission emmenée par Pirmin Schwander (udc, SZ) a proposé de ne pas entrer en matière, estimant que le système d’information Schengen de deuxième génération prenait peu à peu la forme d’un instrument déguisé de lutte contre le terrorisme, dont les conséquences n’étaient pas encore prévisibles. La conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf a répondu à cet argument que ce projet restait dans le cadre du système de recherches Ripol. Les députés ont accepté l’entrée en matière par 117 voix contre 39 et ont adopté l’arrêté fédéral par 123 voix contre 35 au vote sur l’ensemble [25].
L’arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de l'échange de notes entre la Suisse et l'UE concernant le Règlement (CE) 2252/2004 relatif aux passeports biométriques et aux documents de voyage est traité dans la partie I, 1b (Datenschutz und Statistik).
 
[21] Bund et Lib., 29.1.08 (ratification); LT, 8.12.08 (entrée).
[22] BO CE, 2008, p. 99 ss., 513 s. et 534; BO CN, 2008, p. 623 ss. et 1026; FF, 2008, p. 4823 s. (projet 1); RO, 2008, p. 5407 ss. (projet 2). Voir APS 2007, p. 79.
[23] FF, 2008, p. 1305 ss.
[24] BO CE, 2008, p. 319 ss. et 831; BO CN, 2008, p. 1308 ss. et 1576 s.; FF, 2008, p. 7597 ss.
[25] FF, 2007, p. 8049 ss.; BO CE, 2008, p. 96 s. et 535; BO CN, 2008, p. 620 ss. et 1027; FF, 2008, p. 4821 s.