Année politique Suisse 2008 : Chronique générale / Défense nationale / Organisation militaire
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Loi sur l’armée et loi sur les systèmes d’information de l’armée
En mars, le Conseil fédéral a présenté son message concernant la modification de la législation militaire (loi sur l'armée et l'administration militaire (LAAM ; projet 1) et loi sur les systèmes d'information de l'armée (LSIA ; projet 2)). Le projet présenté tient compte de l’ensemble des problèmes, des expériences et des développements qui ont été enregistrés depuis le milieu des années 90. Par cette première révision d’envergure de la LAAM, le Conseil fédéral veut régler désormais tout ce qui a trait à l’instruction et à l’engagement des militaires à l’étranger (introduction de l’obligation de suivre une instruction à l’étranger pour les militaires de milice et obligation de suivre une instruction et d’effectuer un engagement à l’étranger pour le personnel militaire), à la procédure d’approbation parlementaire en cas de service de promotion de la paix et de service d’appui, et aux activités commerciales des services de l’administration militaire. Les développements dans le domaine de la protection des données – notamment l’exigence de disposer de bases légales formelles pour des systèmes d’information traitant de données personnelles et de profils de la personnalité particulièrement dignes d’être protégés – ont donné lieu à l’élaboration d’une nouvelle loi fédérale: la loi fédérale sur les systèmes d’information de l’armée (LSIA).
Ce projet comporte plusieurs éléments centraux : l’attribution au Conseil fédéral de la compétence de conclure avec l'étranger des accords relatifs à l'instruction de troupes étrangères à l'étranger ; le renoncement à la prolongation des cours de répétition à l'étranger ; l’obligation d'instruction à l'étranger pour les militaires de milice reste exceptionnelle et n’intervient que si le but de l'instruction ne peut être atteint en Suisse ; la liberté laissée au militaire en service long de choisir jusqu'à la fin de son école de recrues s’il désire effectuer des engagements à l'étranger: il doit ensuite se prononcer pour ou contre tout engagement à l'étranger et se tenir à cette décision ; nécessité d’obtenir l’approbation du parlement pour les services d'appui et les engagements armés de promotion de la paix ; renoncement aux engagements non armés de promotion de la paix (un mandat de l'ONU ou de l'OSCE doit donc rester la base nécessaire sur laquelle reposent de tels engagements). Le projet propose encore que la surveillance par des militaires des représentations suisses à l'étranger ne soit, en principe, plus obligatoirement soumise à l’approbation du Parlement (une consultation préalable de la Délégation des commissions de gestion est proposée) ; l’engagement de moyens militaires de surveillance au bénéfice des autorités civiles ou le but de l'utilisation de tels systèmes ont, en particulier, fait l'objet de définitions limitatives. Une approbation du DDPS pour des engagements de portée politique particulière et un rapport annuel sur de tels engagements à l'intention des commissions de la politique de sécurité de l'Assemblée fédérale ont d’ailleurs été prévus.
Le projet, truffé de sujets hautement sensibles, a été en grande partie traité par les chambres au cours de l’année sous revue. Au Conseil national, le deux projets ont tout d’abord fait l’objet de deux propositions : l’une de non-entrée en matière, déposée par Theophil Pfister (udc, SG), et l’autre de renvoi au Conseil fédéral (assortie du mandat de renforcer le système de milice et de rendre l’instruction et l’engagement à l’étranger de la troupe plus restrictifs), déposée par Peter Föhn (udc, SZ). Ces deux propositions reprenaient les positions de l’UDC dans le domaine de la sécurité refusant, d’une part, l’engagement de l’armée suisse à l’étranger et, d’autre part, de s’écarter du principe de l’armée de milice. Ces propositions ont toutefois été rejetées par le plénum, respectivement par 116 voix contre 28 et par 125 voix contre 35. L’entrée en matière acquise, les débats ont porté sur la LAAM et plus particulièrement sur les services d’instruction effectués à l’étranger. Une majorité de la commission, constituée de représentants du groupe UDC et des Verts, a tout d’abord proposé d’abandonner le projet de réforme qui visait à donner au Conseil fédéral les compétences légales pour organiser tout ou partie des services à l’étranger si l’objectif de la formation ne peut être atteint en Suisse. Une minorité emmenée par Hans Widmer (ps, LU) souhaitait, de son côté, restreindre ces services aux engagements relevant du service de promotion de la paix ou aux missions de police aérienne. Une seconde proposition de minorité Engelberger (prd, NW) proposait quant à elle de suivre le projet du Conseil fédéral. Cette dernière proposition a finalement été adoptée par le plénum, par 107 voix contre 37. Par ailleurs, une minorité de la commission emmenée par Josef Lang (pe, ZG) et Christian Miesch (udc, BL) s’est opposée à ce que le personnel militaire ait une quelconque obligation d’effectuer des services d’instruction et des engagements à l’étranger dans le cadre de la promotion de la paix et du service d’appui. Malgré la défense apportée par le conseiller fédéral Samuel Schmid à la position du gouvernement et le soutien des groupes démocrate-chrétien et radical-libéral, cette proposition de minorité a été approuvée par 68 voix contre 60, de même que celle qui visait à ce que les engagements à l’étranger prévus pour plus de 3 semaines soient soumis à l’approbation préalable de l’Assemblée fédérale (79 voix contre 74), rejetant au passage les solutions proposées par la majorité de la commission (engagement de plus de 3 mois) et par le Conseil fédéral (engagement de plus de 6 mois). Concernant la question des services d’appui en faveur des autorités civiles, le plénum a adopté, par 75 voix contre 66, une proposition de minorité Voruz (ps, VD) qui visait à exclure les services d’appui prévisibles et de longue durée. Suivant l’avis de sa commission par 84 voix contre 77, le plénum a également retiré au gouvernement la compétence d’astreindre les spécialistes civils du DDPS à effectuer des services d’appui à l’étranger. Au vote sur l’ensemble, le projet a été adopté par 115 voix contre 69.
La question très controversée de l’éventuelle utilisation de drones à des fins de surveillance policière a dominé les débats sur le second projet (LSIA). Par 133 voix contre 54, les députés ont notamment rejeté une proposition de minorité Lang (pe, ZG) visant à renoncer à tout engagement de ce type d’équipement de surveillance à des fins civiles. Au vote sur l’ensemble, ce second projet a été adopté à l’unanimité.
Au Conseil des Etats, l’entrée en matière sur ces deux projets a été très discutée. Le rapporteur de la commission, Bruno Frick (pdc, SZ), et d’autres intervenants ont notamment insisté sur le fait que ce projet répondait uniquement à des considérations liées à la politique de sécurité et qu’il n’avait rien à voir avec les problèmes entourant le retrait du chef de l’Armée (« affaire Nef » ; voir infra). Lors de l’examen du projet 1 (LAAM), le Conseil des Etats s’est rallié à la position du Conseil fédéral, créant plusieurs divergences par rapport au Conseil national. Il a approuvé, sans opposition aucune, deux points sensibles : la possibilité de contraindre des militaires professionnels à participer à des engagements à l’étranger et celui d’obliger les soldats de milice à effectuer leurs cours de répétition obligatoires à l’étranger. Contrairement au Conseil national, il s’est également montré favorable à ce que les engagements pour la promotion de la paix à l’étranger qui demandent l’intervention de plus de 30 militaires requièrent l’approbation du Parlement lorsqu’ils durent plus de 6 mois (et non lorsqu’ils durent plus de 3 semaines comme le souhaitait le Conseil national). Les sénateurs ont également décidé de continuer à autoriser les services d’appui effectués en Suisse. Seule proposition à susciter la controverse au plénum, celle de la majorité de la commission, qui demandait que les cantons et les communes soient pris en considération de manière prioritaire en cas de vente d’immeubles militaires devenus superflus, a finalement été adoptée par 27 voix contre 5. Au vote sur l’ensemble, le premier projet a été adopté par 35 voix contre 4. Concernant la LSIA (projet 2), une seule divergence est apparue. Le Conseil des Etats a en effet décidé qu’il était inutile d’instaurer, pour les cas d’urgence, une obligation d’informer a posteriori le DDPS des raisons pour lesquelles une autorisation n’avait pas pu être demandée au préalable, dans la mesure où une demande d’autorisation peut être déposée à n’importe quel moment auprès de ce département ; il a ainsi biffé, à l’unanimité, les dispositions ajoutées par le Conseil national. Au vote sur l’ensemble, la LSIA a été adoptée par 29 voix contre 0. Le Conseil national s’est finalement rallié à la position du Conseil des Etats sur ce projet. Le projet 2 a ensuite été adopté en vote final, à l’unanimité au Conseil national et par 40 voix contre 1 (et 2 abstentions) au Conseil des Etats.
Dans le cadre du projet 1 et de l’élimination des divergences, le Conseil national a maintenu, par 98 voix contre 75, son refus d’autoriser à titre exceptionnel les cours de répétition à l’étranger pour les soldats de milice. Suivant l’avis du Conseil des Etats et de la majorité de sa commission, le Conseil national a par contre décidé, par 93 voix contre 85, que le personnel militaire – c’est-à-dire les militaires de métier et les militaires contractuels – pourrait être tenu d’effectuer des services d’instruction et des engagements à l’étranger dans le cadre du service de promotion de la paix et du service d’appui. Des divergences avec la chambre haute ont subsisté au sujet de l’approbation de ces engagements par l’Assemblée fédérale : le Conseil national a adhéré – avec la voix prépondérante de sa présidente – à la proposition de la majorité, selon laquelle les engagements armés comptant plus de 30 militaires ou de plus de trois mois devraient être approuvés au préalable par les chambres. La possibilité de déléguer au Conseil fédéral les compétences relatives à la poursuite des engagements armés a également été rejetée. Le Conseil national s’est toutefois aligné, par 120 voix contre 54, sur la décision du Conseil des Etats concernant le service d’appui, rejetant au passage une proposition de minorité emmenée par Eric Voruz (ps, VD), qui voulait s’en tenir à la décision initiale du Conseil national (interdiction des services d’appui prévisibles et de longue durée). Les députés ont été sensibles aux arguments de la majorité de la commission, qui a mis en évidence qu’une telle interdiction rendrait impossibles des engagements de l’armée comme ceux accomplis à l’occasion de l’Euro 08, du WEF de Davos ou d’autres sommets internationaux. Concernant l’approbation des services d’appui par le parlement, le Conseil national a maintenu sa décision selon laquelle les services d’appui de plus de trois semaines ou nécessitant la mobilisation de plus de 2000 militaires devraient être approuvés au plus tard lors de la session ordinaire suivant le début de l’engagement. Enfin, il s’est rallié au Conseil des Etats, par 106 voix contre 74, quant à la possibilité de permettre au Conseil fédéral d’astreindre le personnel civil du DDPS à effectuer des engagements à l’étranger [8].
 
[8] FF, 2008, p. 2841 ss. (projets 1 et 2); BO CN, 2008, p. 682 ss., 989 ss., 1247 s., 1577 et 1758 ss.; BO CE, 2008, p. 540 ss. et 832; FF, 2008, p. 7505 ss. (projet 2). Dans le cadre de ces débats parlementaires, l’ASIN a annoncé son intention de lancer le référendum contre d’éventuels cours de répétition à l’étranger (LT et NZZ, 7.11.08).