Année politique Suisse 2008 : Economie / Agriculture / Politique agricole
Au mois de janvier, le Conseil fédéral a présenté son
message concernant la
modification des annexes 1 et 2 de l’Accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux échanges de produits agricoles (Accord agricole). Cette modification fait suite à l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’UE au 1er janvier 2007. La plupart des accords en vigueur entre la Suisse et la CE, en particulier l’Accord de libre-échange du 22 juillet 1972, y compris le Protocole 2 relatif aux produits agricoles transformés et l’accord du 21 juin 1999 relatif aux échanges de produits agricoles (Accord agricole), ont été automatiquement élargis aux deux nouveaux Etats membres. Or, la Suisse avait conclu un accord de libre-échange avec ces deux pays en 1993, dans le cadre de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Par conséquent, ces Etats ont dû résilier les accords qu’ils avaient conclus avec l’AELE. Les préférences tarifaires ont été ainsi perdues pour certains produits agricoles en provenance de ces pays qui, dans les échanges avec la CE, sont soumis aux droits de douane normaux. Dans le but de maintenir leur valeur de concession, les anciennes réductions tarifaires seront converties en contingents tarifaires équivalents pour l’UE élargie
[5].
A la mi-mars, le Conseil fédéral a
approuvé un mandat de négociations commun concernant un
accord de libre-échange avec l'UE dans le domaine agroalimentaire (ALEA) ainsi que dans le domaine de la santé publique. Le gouvernement a en effet estimé que ces deux thèmes, qui se recoupent sur un point, celui de la sécurité alimentaire, devaient être traités de manière coordonnée. Libéraliser les échanges dans le secteur agroalimentaire consisterait à supprimer les entraves au commerce existantes, tant tarifaires (droits de douane, contingents et subventions aux exportations) que non-tarifaires (prescriptions techniques, étiquetage et homologations). L’accord porterait non seulement sur les matières premières issues de l'agriculture (lait, animaux de boucherie), mais aussi sur les secteurs situés en amont (semences, engrais) et en aval de la filière (moyens de production et de transformation, industrie de produits alimentaires et commerce). Selon le Conseil fédéral, il en résulterait un abaissement des prix à la consommation et un renforcement de la croissance à hauteur de plusieurs milliards de francs. De plus, l'agriculture helvétique pourrait gagner en compétitivité grâce à une réduction des coûts de production et un accès facilité au marché international. Quant aux consommateurs, ils profiteraient d’un rapprochement des prix vers ceux de l’UE (jusqu’à une baisse de 25%). Si un tel accord devrait être introduit de manière progressive, afin de laisser aux structures de production le temps de s'adapter, il devrait cependant être complété par des mesures d'accompagnement. Celles-ci, estimées entre 3 et 6 milliards de francs, devraient compenser les pertes qui seraient occasionnées au revenu des agriculteurs suisses et rendre cet accord socialement supportable pour la paysannerie. A ce titre, un groupe de travail, composé d’organisations du secteur concerné et d’experts, a été chargé de définir ces mesures d’accompagnement. La conseillère fédérale Doris Leuthard, responsable du dossier, a fait référence au succès rencontré par la libéralisation du secteur du fromage avec l’Europe pour justifier la nécessité d’un tel accord, qui se situe d’ailleurs dans la droite ligne de sa volonté affichée de faire baisser le coût de la vie en Suisse. Quant au domaine de la santé, le Conseil fédéral a déclaré qu’il y avait lieu de renforcer la coopération, en particulier lors de situations de crise, dans la lutte contre les maladies transmissibles, dans les thèmes de santé publique, dans la sécurité alimentaire et dans la sécurité des produits en général. La Suisse pourrait ainsi participer de plein droit aux agences européennes compétentes dans ces domaines, aux systèmes d'alerte rapide et aux programmes d'action élaborés au niveau européen
[6].
La Commission de l’économie et des redevances du
Conseil des Etats a salué le projet présenté par le Conseil fédéral, en soulignant à la fois les avantages d’un tel accord de libre-échange avec l’UE pour les exportations suisses, mais également la nécessité de mettre en place des mesures d’accompagnement. Elle a été suivie par son homologue du
Conseil national, ainsi que par les Commissions de la politique extérieure des deux chambres
[7].
Par la voix de la Conférence des gouvernements cantonaux,
les
cantons
ont
rejeté l’ouverture de négociations avec l’UE
en vue d’un accord large de libre-échange. Partant de considérations générales de politique européenne, les gouvernements cantonaux ont estimé qu'il n'était pas opportun de s'engager, dans l’état actuel des choses, dans de nouveaux projets de politique européenne. Pour une nette majorité d’entre eux, l'ouverture de négociations sur l'accord large prévu par le Conseil fédéral aurait pour l'instant trop de conséquences négatives, quand bien même un tel accord avec l'UE serait en principe utile. De l'avis des gouvernements cantonaux, la situation pourrait toutefois être réévaluée en temps voulu, notamment lorsque les accords existants avec l'UE seront consolidés et que les mesures d'accompagnement dans le secteur agricole, prévues par le Conseil fédéral, seront précisées
[8].
Début septembre, le Conseil fédéral a présenté les
mesures d’accompagnement à l’accord de libre-échange en matière agricole avec l’UE. Il prévoit que, de 2009 à 2016, les recettes douanières sur les produits agricoles et les denrées alimentaires soient affectées, à hauteur initiale d'environ 400 millions par an, au financement des mesures d'accompagnement dans le secteur agroalimentaire. Ces mesures seront prises en cas de conclusion d'un accord dans le domaine agroalimentaire avec l'UE ou d'un accord à l'OMC. Le gouvernement a prévu une mise en œuvre de ces dispositions par étapes. Dans un premier temps, un nouvel article (art. 19a) sera introduit dans la loi sur l'agriculture, qui permettra, dans le cadre d'un financement spécial conformément à la loi sur les finances de la Confédération, d'affecter au financement des mesures d'accompagnement les recettes douanières des années 2009 à 2016 sur les produits agricoles et les denrées alimentaires. Dans un deuxième temps, après la conclusion d'un accord avec l'UE, le Conseil fédéral proposera un financement conforme aux exigences du frein à l'endettement. Une procédure de consultation portant sur ce projet de financement spécial a été ouverte
[9].
La conseillère fédérale Doris Leuthard s’est rendue à Bruxelles au mois de novembre, afin de donner une
première
impulsion aux négociations. L’UDC, qui avait déjà menacé en cours d’année de lancer le référendum en cas de négociation d’un accord de libre-échange agricole avec l’UE, a réitéré sa position, appuyée par l’Union maraîchère suisse présidée par l’ex-président des démocrates du centre Ueli Maurer. L’UDC a déclaré redouter une baisse massive des revenus des paysans et la perte de milliers de places de travail dans l’agriculture. Elle a également revendiqué une politique agricole indépendante, qui assure au minimum le niveau d’approvisionnement actuel. Excepté l’UDC, les grands partis ont soutenu la perspective du libre-échange agricole, tout comme les mesures d’accompagnement. Le financement de ces dernières a toutefois soulevé de nombreuses questions
[10].
Cet accord de libre-échange avec l’UE a, semble-t-il, toutefois séduit bien davantage les grands distributeurs (Coop, Migros, Nestlé, etc.) que les transformateurs ou les agriculteurs, l’Union suisse des paysans étant notamment opposée à l’accord global proposé (préférant la solution consistant à conclure des accords sectoriels). Bio Suisse et Suisseporcs se sont toutefois déclarées favorables à un tel accord
[11].
[7]
LT, 10.4 (CER-CE), 23.4 (CER-CN et CPE-CN) et 10.5.08.
[9] Presse du 11.9.08 (mesures d’accompagnement).
[10]
LT et
NZZ, 5.11.08 (Bruxelles et UDC);
LT, 22.11.08 (autres partis).
[11]
24h et
LT, 24.10.08.
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