Année politique Suisse 2008 : Economie / Agriculture
 
Produits alimentaires
En mai, les Verts ont demandé un débat urgent au Conseil national sur la crise et la sécurité alimentaires au niveau mondial. Le débat a eu lieu début juin. Les députés ont traité cette interpellation urgente en même temps que deux autres : celle du groupe socialiste relative à la hausse généralisée des prix des denrées alimentaires, et celle du groupe UDC sur la question de l’atténuation des conséquences de la hausse des cours des matières premières pour les citoyens et l'économie. Au plénum, les débats ont fourni l’occasion aux opposants à la libéralisation du marché agricole de se faire entendre. Leurs revendications ont été faites au nom de la lutte contre la faim qui touche plus de 850 millions de personnes dans le monde. Le PS et les Verts se sont élevés contre la spéculation pratiquée sur les marchés des denrées alimentaires et sur le pétrole, ont plaidé pour une prise en compte de la dimension sociale et durable de l’agriculture et ont demandé une participation financière soutenue de la Suisse au Programme alimentaire mondial (PAM) et à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), au vu de la gravité de la situation et des conséquences pour les pays en développement. Verts et socialistes se sont également attaqués aux accords de libre-échange que la Suisse désire conclure avec l’UE en matière agricole et alimentaire, et aux négociations en cours à l’OMC (voir supra). Le PDC, par la voix de Markus Zemp (AG), a de son côté émis des doutes quant à l’aide que pourrait amener une libéralisation des marchés agricoles aux pays les plus pauvres. A ce titre, il a déclaré que le PDC ne soutiendrait l’ouverture des marchés que s’il est assuré que le degré d’autosuffisance de la Suisse n’était pas mis en danger. De manière étonnante, mais selon des logiques différentes toutefois, l’UDC et les Verts se sont posés en défenseurs d’une agriculture suisse de proximité, rejetant au passage les accords internationaux de libre-échange agricole et leurs conséquences néfastes pour le pays. Quant aux radicaux, ils ont plaidé pour le maintien d’une surface exploitée et productive suffisante en Suisse (procurant aux agriculteurs un revenu décent), mais également pour un accord de libre-échange avec l’UE et une augmentation des investissements au niveau de la recherche et du développement agricole (OGM compris). La conseillère fédérale Doris Leuthard a réfuté les critiques adressées aux négociations en cours à l’OMC, renvoyant d’ailleurs à la lecture des prises de position des pays en développement. Elle a estimé que cette libéralisation du marché contribuerait au contraire à un commerce équitable au niveau mondial. Concernant la capacité d’autosuffisance de la Suisse en matière de produits agricoles, la conseillère fédérale a réfuté par les chiffres la situation de crise décrite par certains orateurs. Elle a ajouté qu’elle se battrait pour les engagements de la Suisse en faveur d’une agriculture durable et multifonctionnelle [29].
Au mois de mars, l'Office fédéral de la santé publique a procédé à des modifications dans l'ordonnance sur les substances étrangères et les composants, afin de garantir l'équivalence avec la législation européenne. Une valeur maximale a été introduite pour les graisses trans dans les aliments. Des valeurs maximales pour le nitrate ont également été fixées ou adaptées dans différentes denrées alimentaires. Cependant, l'ordonnance n'avait spécifié aucun délai transitoire. Or, il s'est avéré qu'un tel délai était nécessaire pour que les acteurs de l'économie puissent adapter leurs produits aux nouvelles dispositions légales. Une disposition transitoire est donc entrée en vigueur au mois de septembre, avec effet rétroactif au 1er avril 2008 [30]
Contre l’avis du Conseil fédéral, le Conseil des Etats a adopté une motion Germann (udc, SH), qui demandait au gouvernement d'améliorer l'efficacité, de renforcer la sécurité du droit et de simplifier l'exécution dans le domaine de la sécurité des denrées alimentaires et des produits. Le député préconisait pour ce faire une fusion judicieuse et ciblée de plusieurs sections réparties dans différents offices fédéraux (OFSP, OVF, SECO, OFAG), qui ne s’occupent chacun que d'un secteur particulier, et permettre ainsi de créer un service unique qui servira d'interlocuteur aux milieux économiques, au commerce, à la production, à l'agriculture, aux milieux scientifiques et aux consommateurs, et sera également actif au niveau international [31].
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Produits biologiques
Lors de sa conférence de presse annuelle, Bio Suisse, l’union faîtière des organisations d’agriculture biologique, a annoncé que la forte croissance du marché bio s’est poursuivie en 2008. Les ventes de produits bio se sont en effet accrues de 11,2% par rapport à 2007, à 1,44 milliard de francs. Au cours de l’année sous revue, près de 75% des produits bio ont passé par les succursales Coop (50% de parts de marché, 722 millions de francs) et Migros (24% de parts de marché, 345 millions de francs). La vente directe a également connu un véritable boom avec une hausse de 17% (5,1% de parts de marché, 73 millions de francs). Le nombre d’entreprises agricoles travaillant selon les directives de Bio Suisse (certifiées Bourgeon) correspond à un pourcentage de 10,7% par rapport au nombre total des fermes suisses. Il convient cependant d’y ajouter les 522 entreprises agricoles bio qui appliquent l’ordonnance bio de la Confédération. Le total s’est ainsi élevé à 6111 fermes bio, soit 11,9% de toutes les entreprises agricoles suisses (+0,6%) [32].
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Appellations d’origine contrôlées (AOC) et indications géographiques protégées (IGP)
En début d’année, l’OFAG a reconnu de manière définitive l’IGP à la « viande séchée du Valais ». Les produits protégés par cette indication devront être confectionnés en Valais à partir de viande de bœuf suisse uniquement. Les Valaisans ont toutefois dû renoncer à une AOC dans ce dossier, dans la mesure où cette dernière répond à des conditions plus strictes, qui n’auraient pas pu être remplies : la viande de bœuf aurait en effet dû être produite en Valais uniquement [33].
Les deux recours déposés à l’encontre de la « Damassine » AOC ont été rejettés au cours de l’année sous revue [34].
Dans le cadre des litiges concernant l’utilisation de l’appellation « Champagne » par la Biscuiterie Cornu SA du village vaudois de Champagne, le tribunal de grande instance de Paris a, en avril de l’année sous revue, donné raison au Comité interprofessionnel du vin de Champagne dans la cause qui l'oppose à la société vaudoise, et interdit à l’entreprise de faire mention « de Champagne » sur les emballages de ses flûtes vendues en France. Le tribunal, qui a fondé son jugement sur l’accord de 1974 entre la Suisse et la France relatif à la protection des indications de provenance et des appelations d’origine, lui a également demandé de fermer son site Internet www.champagne.ch. Cornu SA a décidé de faire appel à l’encontre de cette décision. En relation avec ce litige, le Conseil national a rejeté une motion Grin (udc, VD), qui demandait au Conseil fédéral de prendre les mesures concrètes, afin de renforcer la protection du terme « Biscuiterie fine de Champagne » [35].
L’Association suisse pour la promotion des AOC-IGP s’est dotée d’un nouveau président, en la personne du conseiller aux Etats socialiste fribourgeois Alain Berset [36].
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Feu bactérien
En début d’année, l’OFAG s’est résolu à autoriser en cas d’urgence, temporairement et dans le cadre d’une réglementation stricte, l’utilisation de la streptomycine – un antibiotique controversé – afin de lutter contre le feu bactérien au cours du printemps. La décision de recourir à ce produit ne reviendra toutefois pas à l’agriculteur, mais aux cantons. Cette autorisation a été reconduite pour le printemps 2009 en fin d’année [37].
Le Conseil des Etats a suivi la décision du Conseil national prise en 2007 et adopté tacitement une motion Walter Müller (prd, SG), qui demandait au gouvernement de développer de façon marquante la recherche fondamentale dans le domaine des cultures fruitières, notamment en matière de feu bactérien, afin d’assurer l’avenir de l’arboriculture professionnelle [38].
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Apiculture
La situation au niveau de la population des abeilles en Suisse s’est aggravée. Environ un tiers d’entre elles a disparu du pays au cours de l’hiver 2007-2008. Si les scientifiques ignorent les causes de cette mortalité, ils suspectent la présence de la mite varroa – un parasite – dans les ruches d’en être à l’origine [39].
Mis en place suite à l’acceptation par les chambres de la motion Gadient (udc, GR) visant à promouvoir l’apiculture en Suisse, le groupe de travail comprenant des représentants de l’administration fédérale, des agriculteurs et des apiculteurs, a publié au mois de juin un plan d’action destiné à redresser le secteur. Il a notamment plaidé en faveur de l’institution de contrôles plus serrés des exploitations et de la création d’une seule organisation ouverte à tous les éleveurs et regroupant toutes les races d’abeilles. En échange, la Confédération s’est engagée à encourager l’étude des abeilles et favoriser la formation des apiculteurs [40].
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Génie génétique
Au mois de mai, le Conseil fédéral a rendu publique son intention de prolonger jusqu’en 2013 le moratoire « pour des aliments produits sans manipulations génétiques » approuvé par le peuple et les cantons en 2005. Ce moratoire, qui arrive à échéance en 2010, sera par conséquent prolongé de trois ans, le temps jugé nécessaire pour permettre aux chercheurs de livrer leurs conclusions sur les risques potentiels liés à la coexistence des plantes OGM avec les cultures traditionnelles, dans le cadre d’un programme national de recherche (« Utilité et risques de la dissémination des plantes génétiquement modifiées » (PNR 59)). Le Conseil fédéral a chargé le DETEC d’élaborer un message concernant la prolongation du moratoire et clarifier à quel niveau réglementaire cette dernière doit se situer (Constitution fédérale ou loi sur le génie génétique). En décembre, le gouvernement a ouvert une procédure de consultation relative à la modification de la loi sur le génie génétique [41].
 
[29] BO CN, 2008, p. 924 ss. LT, 21.5.08 (Verts); NZZ et SGT, 13.6.08 (débats). Voir également infra, partie I, 6a (Energie).
[30] NZZ, 8.3.08 (ordonnances); communiqué de presse du DFI, 19.9.08 (délai transitoire). Voir APS 2007, p. 130.
[31] BO CE, 2008, p. 485 s.
[32] Communiqué de presse de Bio Suisse, 24.3.09.
[33] NZZ, 1.2.08.
[34] QJ, 14.10. 08; LT, 15.10.08. Voir APS 2007, p. 131.
[35] 24h, 10.4.08 (tribunal parisien); LT, 15.4.08; BO CN, 2008, p. 1955. Voir APS 2007, p. 131.
[36] LT, 20.5.08.
[37] LT, 30.01.08; SGT, 19.12.08. Voir APS 2007, p. 131.
[38] BO CE, 2008, p. 68. Voir APS 2007, p.131.
[39] TG, 20.5.08.
[40] LT, 20.6.08. Voir APS 2007, p. 131.
[41] Presse du 15.5.08; LT, 9.12.08 (consultation). Voir aussi infra, partie I, 8a (Recherche).