Année politique Suisse 2008 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Politique des transports
Après le Conseil des Etats l’année précédente, le Conseil national s’est à son tour saisi du projet de législation concernant le trafic des marchandises. Le plénum a décidé d’entrer en matière par 124 voix contre 62, rejetant une proposition de renvoi du groupe UDC, hostile à l’instauration d’une bourse du transit alpin et à l’édiction d’objectifs chiffrés en matière de réduction du trafic routier transalpin. Lors de la discussion sur le projet de loi sur le transfert de la route vers le rail du transport lourd de marchandises à travers les Alpes (LTTM), la chambre basse a rejeté de justesse, par 91 voix contre 89, une proposition Loepfe (pdc, AI) visant à reprendre la formulation de l’article constitutionnel pour la protection des Alpes, soit « à travers la Suisse » au lieu de « à travers les Alpes ». Soutenu par le groupe UDC, par une majorité du groupe radical-libéral et un tiers du groupe PDC, cet amendement visait à restreindre la portée de l’objectif de transfert au seul trafic international, c’est-à-dire à en exclure le trafic interne. La majorité de la commission des transports (CTT-CN) et le chef du DETEC, Moritz Leuenberger, y ont opposé que la discrimination ainsi faite entre transporteurs suisses et internationaux serait contraire aux Accords bilatéraux conclus par la Confédération avec l’UE dans ce domaine. Le groupe UDC est revenu à la charge en proposant de supprimer purement et simplement l’objectif de réduire le nombre de courses transalpines de camions à 650 000 par an d’ici à 2019. Le plénum a balayé cet amendement et approuvé le projet du Conseil fédéral par 111 voix contre 68. Comme à la chambre haute l’année précédente, la gauche et les Verts ont tenté de ramener le délai à 2012, mais leur amendement en ce sens a été rejeté par 89 voix contre 83. Concernant la LTTM, le Conseil national ne s’est écarté du Conseil des Etats que s’agissant de la bourse du transit alpin, innovation la plus controversée du projet. Suivant sa commission, le plénum a refusé d’imposer au Conseil fédéral d’obtenir l’aval des chambres tant pour négocier la mise en place de la bourse avec les autres pays concernés que pour mettre en œuvre concrètement le dispositif retenu. Selon la formulation adoptée par 110 voix contre 82, le gouvernement sera compétent pour conclure les traités internationaux nécessaires à la création de la bourse, mais devra soumettre à l’Assemblée fédérale un projet législatif de mise en œuvre. Le plénum a en outre refusé d’obliger le Conseil fédéral à créer ladite bourse dans un délai de deux ans à compter de l’adoption de la loi, comme le souhaitait le camp rose-vert. Par 110 voix contre 80, le Conseil national n’a pas voulu autoriser le gouvernement à octroyer des droits de passage gratuits, afin d’inciter au transfert de la route vers le rail. Au vote sur l’ensemble, le projet a été approuvé par 109 voix contre 68, la totalité du groupe UDC ainsi que des députés radicaux et démocrates-chrétiens le rejetant. Concernant les autres projets d’actes du paquet, la chambre du peuple s’est distinguée de son homologue des cantons en se montrant plus généreuse dans son soutien au transport combiné de plaine. Elle a ainsi alloué un plafond de dépenses de 200 millions de francs jusqu’en 2015 pour le trafic interne, soit le double du montant approuvé par le Conseil des Etats l’année précédente.
Lors de l’
examen des divergences, ce dernier s’est rallié au Conseil national sur l’ensemble des points litigieux et a approuvé unanimement tous les actes du paquet. À la chambre basse, la LTTM a été adoptée par 127 voix contre 65 et les autres projets par des majorités plus confortables encore
[1].
Le DETEC a présenté au printemps un rapport sur l’évolution du trafic transalpin de marchandises. Il en ressort que
la hausse du trafic de fret profite avant tout à la route (+10%) au détriment du rail (+0,1%). Le département en a conclu à la nécessité de poursuivre les efforts en matière d’optimisation de l’utilisation du réseau ferroviaire aux heures creuses, notamment par la révision de la méthode de tarification du sillon (cf. infra)
[2].
Au printemps, l’Office fédéral du développement territorial (ARE) a publié les résultats de son étude sur les
coûts externes du trafic pour l’année 2005. De 2000 à 2005, les coûts, notamment environnementaux et relatifs à la santé, causés par le trafic routier et ferroviaire mais payés par la collectivité ont crû de 24,2% pour atteindre 8,5 milliards de francs (contre 6,9 milliards en 2000). Fait remarquable, les coûts du trafic routier ont connu une hausse beaucoup plus forte (+25,2%) que ceux du trafic ferroviaire (+9%), imputable principalement aux accidents, à la pollution de l’air, aux atteintes au climat, ainsi qu’aux embouteillages. Globalement, le résultat s’explique par quatre facteurs : le renchérissement, l’amélioration des techniques de mesure des nuisances sonores, la croissance des émissions du trafic (y compris les poussières fines) et le vieillissement de la population, les personnes âgées étant plus sensibles aux substances polluantes. Dans l’ensemble, 95% des coûts (8,07 milliards de francs) sont dus à la route, le reste l’étant au chemin de fer (455 millions). L’ARE a expliqué cela non seulement par le fait que 82% du trafic voyageur et 60% du trafic marchandises se font par la route, mais aussi par les niveaux des émissions polluantes et du risque d’accident, sensiblement plus élevés que pour le transport par rail. Enfin, l’ARE a relevé que même le trafic poids lourds ne couvre pas ses coûts externes malgré la redevance sur les poids lourds liée aux prestations (RPLP). Le relèvement de la RPLP décidée par le Conseil fédéral en 2007 est toutefois censé corriger cet état de fait (cf. infra)
[3].
En juin de l’année sous revue, l’Association Transports et Environnement (ATE) a présenté un projet d’initiative populaire fédérale visant à modifier la clé de répartition des recettes des taxes routières, afin que les transports publics en reçoivent la moitié et non plus seulement le quart. Le produit de la vente des vignettes autoroutières resterait acquis à la route, par contre les recettes des autres taxes seraient versées dans un pot commun, puis réparties à raison de 45% pour les transports publics (contre 24% actuellement) et 53% pour les routes (aujourd’hui: 74%). Par cette réallocation de moyens au fonds des transports publics (FTP), l’ATE entend assurer le financement de la réalisation des projets non retenus, faute d’argent, pour la première étape du développement de l’infrastructure ferroviaire (ZEB 1; cf. infra). Le Touring Club Suisse (TCS) a jugé cette initiative scandaleuse et dangereuse, dans la mesure où elle remet en question le financement du fonds d’infrastructure, notamment la part de 5,5 milliards de francs dévolue à l’élimination des goulets d’étranglements. L’initiative, soutenue par le PS, les Verts, Ecologie libérale (VD) et des organisations écologistes, sera formellement lancée début 2009 .
Le Conseil des Etats a transmis au Conseil fédéral une motion de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national (CER-CN) visant à inscrire dans la loi sur l’aménagement du territoire (LAT) les
programmes d’agglomération soutenus à travers le fonds d’infrastructure, ainsi qu’à créer la base légale nécessaire à ce financement et à l’octroi à la Confédération de la compétence de coordination de la politique régionale avec les politiques sectorielles. Le Conseil fédéral a indiqué que ces modifications seraient intégrées à la révision partielle de la LAT en cours d’élaboration au sein du DETEC
[5].
En fin d’année, le DETEC a mis en consultation le projet de
financement des programmes d’agglomération. Au total, 6 milliards de francs prélevés sur le fonds d’infrastructure seront investis sur vingt ans. L’Assemblée fédérale a déjà attribué 2,6 milliards à vingt-trois projets urgents. D’ici à fin 2009, le Conseil fédéral doit proposer au parlement une répartition des 3,4 milliards restants, dont 1,5 milliard dès la période 2011-2014 et 1,16 milliard pour 2015-2018. Les 780 millions restants constitueront une réserve pour les agglomérations n’ayant pas reçu d’aide. Les trente projets déposés à l’ARE représentent un coût total de 17 milliards de francs. La Confédération ne pouvant y pourvoir qu’à hauteur de 3,4 milliards, le Conseil fédéral entend soutenir seulement vingt-six projets sélectionnés en fonction de leur rapport coût/utilité. Pour la première tranche (1,5 milliard), le Conseil fédéral propose de soutenir prioritairement les grandes agglomérations, confrontées aux plus graves problèmes de transports et d’environnement, soit Zurich, Bâle, Genève, Berne et Lausanne-Morges
[6].
Le Conseil national a rejeté sans discussion une motion Yvonne Gilli (pe, SG) voulant contraindre le Conseil fédéral à améliorer la part de la
mobilité douce dans les déplacements au sein des agglomérations de 10% en dix ans
[7].
[1]
BO CN, 2008, p. 1086 ss., 1100 ss. et 1976;
BO CE, 2008, p. 862 ss. et 1059.
FF, 2009, p. 213 ss. Cf.
APS 2007, p. 166 s. En votation finale au CN, le groupe UDC et un quart du groupe radical-libéral ont rejeté la LTTM.
[3] Presse du 10.5.08; ARE,
communiqué de presse, 9.5.08. Concernant la hausse de la RPLP, cf.
APS 2007, p. 171.
[5]
BO CE, 2008, p. 667 ss. Cf.
APS 2007, p. 170.
[7]
BO CN, 2008, p. 1555.
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