Année politique Suisse 2008 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications / Chemin de fer
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CFF
L’année 2008 a été marquée par un certain nombre de changements à la direction et au conseil d’administration des CFF. Le plus important fut l’élection de Ulrich Gygi, jusque-là directeur de la Poste, à la présidence du conseil d’administration en remplacement de Thierry Lalive d’Epinay [37].
Afin de remédier à la perte de 190,4 millions de francs enregistrée en 2007, le conseil d’administration des CFF a adopté, début mars, un nouveau train de mesures d’assainissement de CFF Cargo. Excluant catégoriquement de vendre tout ou partie de la division Marchandises, il a décidé la suppression de 401 emplois (10% de l’effectif total), le transfert du service à la clientèle de Fribourg à Bâle et donc la fermeture du site de Fribourg (180 salariés pour 165 postes de travail). Le transfert du centre d’appel, établi à Fribourg depuis 1999, vise à réunir vendeurs et opérateurs sur un même site et à rentabiliser les locaux encore libres que possède CFF Cargo dans la cité rhénane. Les suppressions de postes concernent pour trois quarts l’administration et le management (300 emplois) et pour un quart la maintenance. Les ateliers industriels de Bellinzone sont les plus touchés avec 126 emplois biffés ou transférés aux ateliers d’Yverdon-les-Bains (VD). Ces mesures seront effectives dès 2009. Les réactions n’ont pas tardé, provenant principalement des sites les plus touchés et des autorités cantonales fribourgeoises et tessinoises. À Fribourg, le Conseil d’Etat a rappelé l’engagement pris par la direction des CFF, en 1999, de créer des emplois à long terme, afin de bénéficier des mesures cantonales de promotion économique. Au Tessin, les salariés de l’atelier de Bellinzone ont immédiatement décrété une grève de durée indéterminée, avant de recevoir l’appui de l’ensemble des partis politiques tessinois, des autorités municipales de Bellinzone et du Conseil d’Etat, ainsi que du clergé. Dès les premiers jours, les salariés des deux sites ont suivi des stratégies différentes, les fribourgeois optant pour la poursuite du travail et la discussion dans le respect de la convention collective, alors que les tessinois ont privilégié la grève et les manifestations. La mobilisation s’est ainsi rapidement radicalisée au Tessin, tandis qu’elle ne s’est que modérément intensifiée à Fribourg.
Les CFF ont suspendu le programme de restructuration et le travail a repris à Bellinzone après que les protagonistes, réunis par Moritz Leuenberger, sont parvenus à un accord préalable sur une procédure de sortie de crise. Au Conseil national, le chef du DETEC, s’est vu interpeller par les députés fribourgeois et tessinois, ainsi que par le groupe UDC. Il a jugé légitimes les objections des autorités et des salariés concernés, mais il a justifié la restructuration par la situation économique et financière du segment marchandises de l’ancienne régie, invoquant notamment l’inefficacité des précédentes mesures de réduction des frais administratifs et la concurrence accrue dans le transport des marchandises. Le conseiller fédéral socialiste a toutefois assuré que les mesures concrètes ne seraient arrêtées qu’après concertation avec les milieux intéressés. Les négociations ont alors débuté, mais se sont déroulées séparément et indépendamment pour chacun des deux sites. À Fribourg, les discussions entre les CFF et le Conseil d’Etat ont rapidement abouti à un compromis confirmant le transfert du centre d’appel à Bâle en contrepartie duquel les CFF se sont engagés à créer entre 50 et 100 nouvelles places de travail dans le canton dès 2009. Si le Conseil d’Etat s’est dit satisfait, les syndicats ont violemment critiqué cet accord, estimant que le gouvernement s’était servi des employés du centre d’appel comme d’une monnaie d’échange. Au lendemain de l’accord, les employés ont toutefois renoncé à faire grève en raison de la trop faible mobilisation. Concernant le site tessinois, le Conseil fédéral a institué une table ronde placée sous la présidence de l’ancien conseiller national Franz Steinegger (prd, UR). Après plus de six mois de négociations, la direction des CFF et les représentants des salariés sont parvenus à un accord aux termes duquel les ateliers de Bellinzone seront transférés au sein de la division Voyageurs en échange de la garantie par la direction des CFF de maintenir les ateliers jusqu’en 2013, à la condition, toutefois, que le taux de productivité croisse de 10% d’ici 2010. Les mesures prévues par les deux accords sont effectives dès le 1er janvier 2009 [38].
À l’occasion de la conférence de presse semestrielle, début septembre, le patron des CFF, Andreas Meyer, a annoncé être à la recherche de partenaires pour CFF Cargo, pour le marché tant international que suisse. La vente du segment marchandises n’est toutefois pas à l’ordre du jour. Cette annonce a été accueillie favorablement par les milieux politiques. Jean-René Germanier (prd, VS), membre de la CTT-CN, a ainsi jugé que cette réorientation stratégique permettrait de corriger la principale faiblesse de CFF Cargo, à savoir son manque de partenariats. Une vingtaine d’entreprises ont répondu à l’appel des CFF, dont une dizaine jugées sérieuses par la direction de l’ancienne régie [39].
À partir du 1er janvier 2009, le secteur CFF Immobilier deviendra une division à part entière au sein de l’entreprise publique, et non plus seulement au plan comptable. Elle s’ajoutera ainsi aux trois entités existantes (Voyageurs, Marchandises et Infrastructure) [40].
À la fin de l’été, les CFF ont annoncé l’achat de matériel roulant pour les réseaux régionaux vaudois, bâlois et tessinois. Le conseil d’administration a octroyé un crédit de 418,6 millions de francs pour acquérir 32 trains automoteurs articulés de type « FLIRT », dont 19 sont destinés au RER vaudois, 11 au TILO tessinois et 2 au Regio-S-Bahn bâlois [41].
Les CFF ont suscité une vague d’indignation lorsqu’ils ont annoncé, fin septembre, qu’ils envisageaient d’imposer une surtaxe sur les trajets pendulaires dès fin 2009. En principe, il s’agit de fixer le prix du billet non plus seulement sur la base de la distance du trajet, mais aussi en fonction de l’heure (creuse ou de pointe) à laquelle le trajet est effectué. La Fédération romande des consommateurs (FRC) et l’ATE ont dénoncé un abus vis-à-vis de la clientèle captive, c’est-à-dire les usagers qui dépendent des CFF pour se rendre à leur travail. Face à la virulence des critiques, les CFF ont dû faire marche arrière et reformuler leur projet. Ils ont alors communiqué leur intention de proposer des offres meilleur marché aux heures creuses, de sorte à inciter les personnes qui le peuvent à voyager en dehors des heures de pointe, sans surtaxe pour les pendulaires [42].
Le Département fédéral des finances a mis en consultation le projet d’assainissement de la caisse de pension des CFF, dont le Conseil fédéral lui avait confié l’élaboration l’année précédente. Le projet propose quatre variantes pour combler le manque de 2,9 milliards de francs. Si une variante ne prévoit aucune participation financière de la Confédération, les trois autres impliquent une recapitalisation des CFF respectivement à hauteur de 0,7, 1,7 et 1,9 milliard de francs. Les CFF ont estimé que seule la variante maximale, additionnée d’une réserve pour fluctuations de valeurs (soit une contribution totale de 3,2 milliards), constituait une solution durable. Cependant, le Conseil fédéral privilégie nettement la variante à 0,7 milliard de francs, grâce à laquelle le taux de couverture atteindrait 97%, contre 92,4% à fin 2007. La Conférence des directeurs cantonaux des finances a communiqué sa préférence pour une solution autonome, financée par les CFF, leurs employés et rentiers, voire, si nécessaire, par leurs clients, au moyen d’une hausse des tarifs. Le PRD, l’UDC et Economiesuisse ont également rejeté les variantes prévoyant une contribution étatique. À l’inverse, les syndicats SEV et USS, ainsi que le PS, ont prôné la contribution fédérale maximale de 3,2 milliards de francs. Le PDC s’est quant à lui rallié à la position du Conseil fédéral (0,7 milliard), tandis que personne n’a soutenu la variante à 1,7 milliard de francs [43].
En accord avec les commerces partenaires, les CFF ont décidé d’interdire la vente d’alcool dans les gares à partir de 22 heures, dès le 1er avril 2008. Cette mesure vise principalement une amélioration de la propreté et de l’ordre, comme de la sécurité des voyageurs et du personnel. Les CFF entendent ainsi mettre un terme aux rassemblements de personnes en état d’ébriété [44].
Pour la troisième année consécutive, les CFF ont réalisé un exercice bénéficiaire en 2008 avec un excédent de recettes de 345 millions de francs (2007: 80,4 millions). Ce bénéfice est largement imputable aux segments du trafic voyageurs et de l’immobilier, ainsi qu’à l’assainissement en cours du trafic marchandises. Le nombre de voyageurs a crû de 5,2% pour s’établir à 322,6 millions (2007: 306,7 millions) et le nombre de voyageurs-kilomètres parcourus a bondi de 6,7%, à 16,14 milliards (2007: 15,134 milliards). Le résultat net du segment voyageurs a progressé pour s’établir 276,8 millions de francs contre 249,5 millions en 2007. Toujours en plein essor, le segment immobilier a affiché un résultat d’exploitation en hausse de 7,9% à 291,6 millions de francs (2007: 270,9 millions). Ceci étant, après versement des indemnités compensatoires au segment infrastructure (69 millions de francs) et paiement des intérêts et mensualités de remboursement du prêt accordé par le groupe CFF pour l’assainissement de la caisse de pension (132,1 millions de francs), le résultat du segment immobilier a fondu de 29,3 à 3,3 millions de francs. Malgré une sensible amélioration, le trafic des marchandises a enregistré un résultat négatif de -29,9 millions de francs (2007 : -190,4 millions). CFF Cargo a réduit ses prestations de 6,3% pour atteindre 12,53 milliards de tonnes-kilomètres nettes (2007: 13,37 milliards), par l’abandon de transports peu rentables et en raison de la dégradation de la situation économique. Surtout, le groupe a dû emprunter pour financer ses investissements à hauteur 505,6 millions de francs (+75,8 millions par rapport à 2007), creusant un peu plus la dette du groupe. Enfin, le segment infrastructure a très légèrement régressé, son bénéfice baissant de 32,2 à 30,4 millions de francs [45].
 
[37] Presse du 26.6.08.
[38] BO CN, 2008, p. 418 ss.; presse du 5.3 au 17.4.08; presse des 14 et 15.5.08 (début des négociations); LT, Lib. et NZZ, 16 et 17.5.08 (accord FR); presse des 27 et 29.11.08 (accord TI). Cf. APS 2007, p. 176 s.
[39] Presse du 4.9.08 (appel); LT, 26.9.08 (offres).
[40] LT, 28.10.08.
[41] LT, 30.8.08.
[42] TA, 26.9., 3.10 et 4.10.08, LT et NLZ, 27.9.08; NZZ, 29.9.08; Lib. et 24h, 6.10.08; LT, 11.10.08 (marche arrière).
[43] Presse du 16.4 (CFF), du 3.7 (consultation), du 23.9 (PRD/UDC/Economiesuisse) et du 4.11.08 (PS/syndicats/PDC). Cf. APS 2007, p. 177.
[44] 24h, 29.1.08.
[45] Presse du 3.4.09; CFF, communiqué de presse, 2.4.09.