Année politique Suisse 2008 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Trafic aérien
Le DETEC a mis en consultation la
première des trois révisions partielles prévues de la loi sur l’aviation. Le projet se fonde sur le rapport sur la politique aéronautique de la Suisse de 2004 et en concrétise plusieurs recommandations. Ce premier paquet vise d’abord à renforcer la sécurité aérienne par la prise en compte systématique de l’état de la technique, en plus des normes internationales. Il contient également une nouvelle réglementation des redevances aéroportuaires permettant aux aéroports de moduler le montant des redevances (par exemple, en différenciant heures creuses et de pointe). Le Conseil fédéral propose en outre d’introduire une redevance de sûreté afin de financer les surcoûts générés par le renforcement des mesures de sécurité contre les actes terroristes. Les redevances finançant les services de navigation aérienne seront quant à elles différenciées selon le type d’aéroport, de sorte à proscrire les subventions indirectes que versent actuellement les aéroports rentables à ceux qui ne le sont pas. Le projet prévoit encore l’introduction d’une taxe de surveillance pour l’aviation commerciale afin de financer les coûts non couverts de l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC), notamment en matière de surveillance de la sécurité
[63].
Lors de la
consultation, le Conseil d’Etat genevois a vivement dénoncé une tentative de la Confédération de s’approprier l’aéroport de Genève-Cointrin. Selon lui, le financement proposé de l’OFAC par la nouvelle taxe de surveillance vise à nationaliser les bénéfices des deux grands aéroports du pays au détriment des investissements nécessaires au développement des infrastructures du trafic aérien. Les milieux de l’aviation et l’UDC ont également condamné les nouvelles taxe et redevance, jugeant qu’elles alourdiraient excessivement les coûts et affaibliraient par conséquent la compétitivité de l’aviation suisse. Pour la même raison, le PRD et le PDC ont refusé la redevance de sécurité, mais ont soutenu la taxe de surveillance. Enfin, le PS fut le seul parti gouvernemental à soutenir pleinement le projet du Conseil fédéral, estimant nécessaire de consolider le financement de l’OFAC pour garantir la sécurité aérienne du pays
[64].
À l’approche du Championnat d’Europe de football 2008, le parlement a approuvé sans discussion
l’Accord entre la Suisse et l’Autriche relatif à la collaboration en matière de sûreté aérienne contre les menaces non militaires. Identique à l’accord avec l’Allemagne ratifié l’année précédente, le contenu de celui-ci prévoit notamment l’échange systématique de renseignements entre les deux pays et l’amélioration de leurs capacités d’intervention respectives face à une menace concrète
[65].
La Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil des Etats (CEATE-CE) s’est saisie du
projet de loi sur les garanties de procédure accordées en cas d’indemnisation pour nuisances sonores approuvé l’année précédente par la chambre basse. Concrétisant l’initiative parlementaire Hegetschweiler (prd, ZH) concernant les moins-value immobilières aux abords des aéroports, le projet vise à modifier la loi sur l’expropriation et la loi sur l’aviation de sorte à prolonger de 5 à 10 ans le délai de prescription pour les indemnisations en matière de nuisances sonores imputables aux aéroports et à en étendre le principe aux domaines ferroviaire et routier. La CEATE-CE a jugé totalement inacceptable l’extension du champ d’application du principe d’indemnisation à l’ensemble des infrastructures dans lesquelles une compétence de la Confédération est engagée. Selon elle, non seulement le coût de cette extension se chiffrerait en milliards, mais en plus cela engendrerait une forte complication des procédures, alors que l’objectif initial était précisément de les simplifier pour que les propriétaires puissent faire valoir leurs droits. Enfin, la commission a estimé que, malgré la suppression par le Conseil national d’une clause explicite de rétroactivité, le projet permet de facto la réouverture de procédures prescrites. Pour ces raisons, la CEATE-CE a recommandé au plénum de ne pas entrer en matière. Toutefois, convaincue de la nécessité d’agir, la commission a déposé une
motion chargeant le Conseil fédéral de soumettre un projet législatif apportant les garanties procédurales demandées par l’initiative parlementaire et excluant toute possibilité de rétroactivité vis-à-vis des procédures prescrites. Suivant leur CEATE, les sénateurs ont refusé d’entrer en matière sur le projet du Conseil national et adopté la motion. La chambre basse a de justesse réaffirmé sa position en approuvant une seconde fois, par 90 voix contre 89, l’entrée en matière. Suivant la majorité de la CEATE-CN, la coalition victorieuse, issue des groupes écologiste, socialiste et démocrate-chrétien, souhaite éviter que le traitement du problème ne reparte de zéro et ne dure encore des années
[66].
Les chambres se sont saisies du projet gouvernemental de modification de l’art. 86 de la Constitution fédérale et de création d’un financement spécial en faveur du trafic aérien. Cette révision constitutionnelle établit la base juridique nécessaire à la création d’un fonds spécial en faveur de mesures environnementales, de contrôle et de sécurité dans le domaine aéronautique et alimenté par la moitié du produit de l’impôt sur le kérosène et la totalité de la surtaxe. Fin 2007, le Conseil national avait décidé, par 106 voix contre 76, d’entrer en matière malgré la vive opposition des groupes socialiste et écologiste, ainsi que de députés radicaux et PDC qui critiquaient le manque de clarté des objectifs du fonds et la disproportion des moyens (révision constitutionnelle) et des fins (financement de 44 millions de francs par an, selon les chiffres 2006). Au cours de l’année sous revue, lors de la discussion par article, plusieurs amendements ont été proposés afin de préciser la notion de « mesures de protection de l’environnement ». Tous ont été rejetés, le plénum se ralliant à l’opinion de la majorité de la CTT-CN, laquelle a jugé que les précisions utiles à la mise en œuvre du fonds trouveraient leur place au niveau législatif et non constitutionnel. Sur proposition de sa commission, le plénum a modifié le projet afin d’intégrer des mesures de sécurité ne relevant pas de l’Etat (contrôle des bagages, surveillance des avions, etc.) dans le catalogue des mesures bénéficiant du soutien du fonds. Au vote sur l’ensemble, le projet ainsi modifié a été approuvé par 110 voix contre 61 et 1 abstention, la majorité bourgeoise le soutenant et les groupes socialiste et écologiste le rejetant unanimement.
Le
Conseil des Etats s’est quant à lui rallié au Conseil fédéral, estimant que les mesures de sécurité se limitent à la lutte contre les actes de malveillance contre le trafic aérien. De la responsabilité de l’Etat, ces tâches sont actuellement financées par le budget de la Confédération et le seront désormais par le fonds spécial. Les sénateurs ont ainsi exclu que le fonds prenne en charge des tâches incombant aux entreprises exploitant les aéroports et aux compagnies aériennes. Le Conseil national a réitéré sa prise de position, faisant valoir que les attentats et les détournements visent l’Etat et non les entreprises du transport aérien. La chambre haute a, pour sa part, cédé en suivant, par 25 voix contre 17, l’avis d’une minorité Rolf Büttiker (prd, SO). Elle a ainsi adopté une formulation de l’art. 86, al. 3bis let. b équivalente sur le fond à celle du Conseil national, mais qui, du point de vue formel, supprime l’expression – constitutionnellement absurde – « ne relevant pas de l’Etat » («
nichthoheitlichen ») de la version initialement adoptée par la chambre basse. Il en résulte que les tâches de sécurité dont la responsabilité incombe aux autorités publiques seront financées par le budget ordinaire de l’Etat, tandis que celles incombant aux entreprises du secteur aérien bénéficieront du soutien du fonds spécial. La chambre basse s’est ralliée à cette formulation sans discussion et, en votation finale, le projet a été adopté par 124 voix contre 63 au Conseil national et par 33 voix contre 7 au Conseil des Etats
[67].
Suite au crash d’un avion expérimental en pleine ville de Bâle, en juillet 2007, la conseillère aux Etats Anita Fetz (ps, BS) a déposé un postulat demandant au Conseil fédéral d’examiner l’opportunité d’augmenter la
couverture d’assurance responsabilité civile des propriétaires d’avions amateurs. Les sénateurs ont transmis, à l’unanimité moins 3 abstentions, le postulat au gouvernement
[68].
Après une série d’accidents de planeur, dont plusieurs mortels, l’OFAC a adopté un
train de mesures visant à améliorer la sécurité du vol à voile. De nature essentiellement préventive, ce plan d’action oblige notamment les pilotes âgés de 60 ans et plus à se soumettre à un examen médical périodique et à un vol de contrôle pour obtenir le renouvellement de leur licence. Tous les pilotes, indépendamment de leur âge, seront en outre tenus d’annoncer tout fait médical important susceptible d’avoir des répercussions sur leur capacité de pilotage. Globalement bien accueillies par les milieux concernés, ces mesures entreront en vigueur au 1er janvier 2009
[69].
Le Conseil fédéral a défini les
objectifs
stratégiques assignés à Skyguide pour la période 2008-2011. Il a ainsi chargé la société de participer activement à l’élaboration d’un espace aérien européen commun (Ciel unique européen) et à la gestion d’un bloc d'espace aérien fonctionnel (FAB), tout en faisant le nécessaire afin que l'espace aérien suisse fasse partie d'un FAB. Grâce à cette participation, Skyguide doit nouer des partenariats avec d’autres entreprises de sécurité aérienne, de sorte à garantir sa survie à moyen terme
[70].
En fin d’année, le directeur de l’OFAC et le chef de l’Etat-major des Forces aériennes ont signé conjointement avec leurs homologues allemands, belges, français, luxembourgeois et néerlandais une déclaration d’intention en vue de la
création d’un bloc d’espace aérien couvrant les six Etats et baptisé FABEC (pour Functional Airspace Block Europe Central). Cette démarche est conçue dans la perspective du projet de Ciel unique européen (Single European Sky, SES) lancé par l’UE. Les prestataires de services de navigation aérienne concernés, notamment Skyguide, ont pour leur part conclu un accord jetant les bases d’une collaboration renforcée sur le plan opérationnel. Si les travaux ont déjà débuté, l’accord international créant formellement le FABEC sera soumis aux chambres fédérales en 2010
[71].
Le Conseil national a rejeté, par 129 voix contre 41, une motion de sa CTT visant à transférer à la Confédération les
fonds « bruit » des aéroports nationaux. Suivant l’avis du Conseil fédéral, le plénum a refusé que l’Etat fédéral octroie des aides financières, alors que ses compétences décisionnelles en matière d’aéroports sont très restreintes
[72].
Les
négociations avec l’Allemagne concernant les restrictions de survol du territoire allemand pour les atterrissages à l’aéroport de Zurich sont au point mort, malgré l’entretien que le président de la Confédération, Pascal Couchepin, a eu à ce sujet avec la Chancelière allemande, Angela Merkel, lors de la visite officielle de cette dernière en Suisse en avril de l’année sous revue. En septembre, dans sa réponse à une interpellation du conseiller aux Etats Felix Gutzwiller (prd, ZH), le Conseil fédéral a précisé que, si l’entretien avait bien débouché sur un accord pour la création d’un groupe de travail binational, le mandat de ce dernier était encore en phase d’élaboration
[73].
L’OFAC a finalement rejeté la demande d’autorisation déposée par la société exploitant l’aéroport de Zurich (Flughafen Zürich AG) pour la
procédure d’approche coudée par le nord. Cette procédure impliquant un atterrissage à vue compliqué par un virage délicat à faible distance de la piste, l’OFAC l’a jugée excessivement risquée en comparaison avec la procédure aux instruments ou celle de précision (guidage par radar). Se référant aux études disponibles au niveau international, il a estimé ce risque environ quatre fois supérieur pour l’approche à vue par rapport aux deux autres approches
[74].
Le conflit opposant les riverains et la direction de l’aéroport de Zurich concernant les
atterrissages par l’approche orientale n’a pas faibli au cours de l’année sous revue. Tout d’abord, les gouvernements cantonaux de la Suisse orientale, ainsi que 86 communes situées à proximité de l’aéroport de Zurich ont adopté une prise de position commune contre la construction d’une nouvelle piste occidentale. Rappelant les nuisances sonores que la population de cette région subit à longueur d’année, les représentants cantonaux ont exigé l’intervention du Conseil fédéral. Sur le terrain judiciaire, ensuite, le Tribunal administratif fédéral a rejeté douze recours émanant d’habitants et associations de riverains. Les recourants ont vainement tenté d’obtenir l’annulation de l’autorisation délivrée par l’OFAC en 2007 pour les atterrissages par l’approche orientale utilisant le système d’atterrissage aux instruments
[75].
La société exploitant l’aéroport de Zurich a pu fournir une
première estimation du montant global des dédommagements qu’elle devra verser aux riverains. En effet, le Tribunal fédéral a précisé les critères donnant droit à une indemnisation à l’occasion de l’examen d’une première série de demandes émanant d’habitants d’Opfikon (ZH). Selon ces critères, le coût total avoisinera les 760 millions de francs et sera intégralement payé par le fond pour le bruit créé en 2003 et alimenté par une taxe de 5 francs par billet d’avion. Plusieurs questions demeurent toutefois sans réponse. Selon les futures décisions du Tribunal fédéral, la facture pourrait atteindre 1,1 milliards de francs et exiger un financement complémentaire
[76].
La tension est fortement montée chez les riverains bâlois et soleurois de
l’aéroport de Bâle-Mulhouse qui se sont plaints auprès de l’OFAC des nuisances occasionnées par la procédure d’atterrissage aux instruments par le sud. Après enquête, l’OFAC a communiqué que les émissions sonores mesurées pour cette approche étaient conformes à la convention conclue entre les autorités aéronautiques françaises et suisses en 2007
[77].
[64]
TG, 30.9.08 (GE);
LT, 4.10.08 (UDC et milieux de l’aviation);
NZZ, 7.10.08 (PDC, PRD et PS).
[65]
BO CN, 2007, p. 2047;
BO CE, 2008, p. 166 s. Cf.
APS 2007, p. 182.
[66]
BO CE, 2008, p. 519 ss.;
BO CN, 2008, p. 1381 ss. Cf.
APS 2007, p. 182 s.
[67]
BO CN, 2008, p. 434 ss., 673 ss., 1379 s. et 1574;
BO CE, 2008, p. 275 ss., 665 ss. et 828;
FF, 2008, 7471 s. Cf.
APS 2007, p. 183 s. Au vu du résultat des délibérations, le CN a estimé que les objectifs visés par l’initiative Hegetschweiler (prd, ZH) étaient atteints et décidé de la classer (
BO CN, 2008, p. 1950).
[68]
BO CE, 2008, p. 192 s.
[71] Presse du 21.11.08. Cf.
APS 2006, p. 157.
[72]
BO CN, 2008, p. 552 s.
[73]
BO CE, 2008, p. 669 s.;
NZZ, 9.9.08.
[74] Presse du 4.7.08. Cf.
APS 2004, p. 144 s. et
2007, p. 185.
[75]
NZZ, 23.1 (cantons) et 22.2.08 (TAF). Cf.
APS 2004, p. 145 et
2007, p. 185.
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