Année politique Suisse 2008 : Infrastructure, aménagement, environnement / Protection de l'environnement / Politique de protection de l’environnement
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Politique climatique
L’initiative populaire fédérale « pour un climat sain » a formellement abouti début avril. Elle exige une réduction d’au moins 30% des émissions de CO2 d’ici 2020, par rapport à leur niveau de 1990. Les initiants entendent y parvenir par les énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficience énergétique et l’extension de la taxe sur les combustibles aux carburants à travers l’introduction d’une taxe générale sur le CO2. Le produit de cette taxe permettrait de financer des programmes d’assainissement des bâtiments, de recherche et de promotion des énergies renouvelables. Combattue par les partis bourgeois, l’initiative est soutenue par le PS, les Verts et le PEV, ainsi que par une trentaine d’organisations environnementales (ATE, WWF, Greenpeace, Initiative des Alpes, Pro Natura, etc.) [1].
En début d’année, le WWF a publié une étude selon laquelle la Suisse ne parviendrait pas à respecter les engagements pris en matière de réduction des émissions CO2 dans le cadre du Protocole de Kyoto (48,6 millions de tonnes), ni ceux inscrits dans la loi sur le CO2 (36,8 millions de tonnes). Selon l’organisation, en 2010, les émissions dues aux combustibles s’établiront entre 22,2 et 23,7 millions de tonnes au lieu des 21,58 millions tonnes fixées dans la loi, soit un écart oscillant entre 0,65 et 2,15 millions de tonnes. Quant aux émissions dues aux carburants, le WWF a estimé qu’elles atteindraient 15,7 millions de tonnes, c’est-à-dire 1,4 millions de tonnes de plus que la prescription légale (14,3). Par conséquent, en lieu et place des 8% du Protocole de Kyoto et des 10% de la loi sur le CO2, la réduction ne serait que de 5%. Ces écarts s’expliquent par la forte croissance économique et le boom immobilier des années 2004-2006. L’organisation a également souligné l’efficacité insuffisante de la taxe sur le CO2 sur les combustibles et déploré l’absence de taxe sur les carburants. L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a répliqué en faisant valoir que la consommation devrait décroître d’ici 2012, de telle sorte que l’excédent d’émissions s’élèverait à seulement 0,5 million de tonnes. Ce dépassement des exigences de Kyoto vaudrait à la Suisse une pénalité de l’ordre de 100 millions de francs, selon l’OFEV [2].
Le Conseil fédéral a pris les premières décisions stratégiques concernant la politique climatique post-Kyoto (à partir de 2012). Il a ainsi décidé de réviser la loi sur le CO2 pour y inscrire de nouveaux objectifs de réduction alignés sur ceux de l’UE. En l’occurrence, le gouvernement veut réduire d’au moins 20% (par rapport à 1990) les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020. Il a rappelé que, selon les prévisions de l’OFEV, en l’absence de nouvelles mesures, les émissions de CO2 à l’horizon 2012 excéderaient d’environ 500 000 tonnes les objectifs énoncés dans la loi. Le Conseil fédéral a cependant renoncé à l’introduction de la taxe sur le CO2 pour les carburants d’ici à 2012. Il a en effet privilégié des mesures en matière énergétique et adopté des plans d’action « efficacité énergétique » et « énergies renouvelables ». Complémentaires au centime climatique, ces mesures permettraient d’atteindre les objectifs fixés par le Protocole de Kyoto et d’éviter ainsi toute pénalité pécuniaire.
Les partis bourgeois et les milieux économiques et routiers ont accueilli plutôt favorablement les décisions du Conseil fédéral, en particulier son renoncement à l’introduction immédiate de la taxe sur les carburants. À l’inverse, le PS, les Verts et les organisations de protection de l’environnement les ont jugées catastrophiques et ont déploré la modestie du nouvel objectif de réduction (20% d’ici 2020), prônant à l’instar de l’initiative « pour un climat sain » une baisse de 30% au moins [3].
En fin d’année, le Conseil fédéral a mis en consultation son projet de révision de la loi sur le CO2, présenté comme contre-projet indirect à l’initiative « pour un climat sain ». Le projet comporte deux variantes impliquant toutes deux l’introduction d’une taxe sur les carburants. La première, intitulée « objectifs climatiques contraignants », se concentre sur des mesures réalisées sur le territoire suisse en fonction d’objectifs alignés sur ceux de l’UE, à savoir une réduction des émissions de CO2 de 20% à 30% d’ici à 2020 (selon la voie suivie par l’UE). Le montant de la taxe sur l’essence et le diesel serait fixé en fonction de l’efficacité des autres mesures et du prix du pétrole. Au vu des conditions actuelles, sa quotité serait de 15 centimes par litre de carburant, mais pourrait atteindre 30 centimes au maximum. La seconde variante, dite « étapes contraignantes en vue de la neutralité climatique », ambitionne une réduction de 50% des émissions d’ici 2020 grâce à l’achat de certificats étrangers et à une taxe sur les carburants de 9 centimes par litre. Le chef du DETEC, Moritz Leuenberger, a indiqué que les deux variantes pourraient être combinées en fonction du futur régime climatique mondial [4].
Au printemps, le Conseil fédéral a actualisé sa stratégie pour le développement durable en adoptant des lignes directrices et un plan d’action pour la période 2008-2011. Parmi quelque trente mesures, le plan d’action prévoit notamment une loi sur le climat pour régler les problèmes relevant du changement climatique et des dangers naturels et une stratégie immobilière axée sur la réduction de la consommation énergétique et des émissions de CO2 des bâtiments de la Confédération. Le Conseil fédéral a cependant insisté sur le fait que ce plan d’action ne venait pas simplement s’ajouter aux autres programmes existants, mais visait à infléchir les politiques sectorielles menées dans ces programmes selon les principes du développement durable [5].
Le Conseil fédéral a décidé de ne pas augmenter la taxe sur le CO2 sur les combustibles pour l’année 2009 (12 francs par tonne) en raison de la nette diminution des émissions dues aux combustibles entre 2006 et 2007 (-7%). Fin 2007, les émissions ont en effet atteint 88,8% du niveau de 1990. Le gouvernement en a conclu à l’efficacité de sa politique climatique incitant l’industrie et les propriétaires fonciers à assainir leurs bâtiments et à privilégier les énergies les moins polluantes. Il a par contre relevé que les émissions dues aux carburants étaient en augmentation (+1,9%), principalement à cause de la croissance économique (+3,1%) et du faible prix des carburants en Suisse en comparaison européenne. Par conséquent, fin 2007, les émissions dues à l’essence et au diesel ont été 11,4% plus élevées qu’en 1990, alors que la loi sur le CO2 prescrit une baisse de 8% [6].
L’initiative populaire fédérale « pour des véhicules plus respectueux des personnes et de l’environnement » a formellement abouti à l’automne. Lancée par les Jeunes Verts et soutenue par le PS, les Verts, le mouvement Ecologie libérale et des organisations écologistes (ATE, WWF, Greenpeace), cette initiative vise à interdire l’importation de véhicules qui émettent des quantités excessives de substances nocives (notamment le CO2 et les poussières fines) et ceux particulièrement dangereux pour les cyclistes et les piétons. Les véhicules émettant plus de 250 grammes de CO2 par kilomètre ou plus de 2,5 milligrammes de particules par kilomètre seraient interdits en Suisse, tout comme les voitures de tourisme d’un poids excédant 2,2 tonnes. L’initiative est combattue par les partis bourgeois et les milieux routiers et économiques. En fin d’année, le Conseil fédéral a rejeté l’initiative. Bien qu’il ait admis qu’elle permettrait une réduction de 2% des émissions du trafic routier, il a jugé qu’elle entraînerait une restriction excessive du choix de modèles de voitures de tourisme. Il a par ailleurs estimé que les objectifs visés par l’initiative étaient parfaitement réalisables par la révision des normes et valeurs limites en matière d’émissions polluantes comme de sécurité routière en faisant l’économie des contraintes et inconvénients impliqués par le texte des initiants [7].
En 2007, les chambres avaient approuvé une initiative parlementaire Jakob Büchler (pdc, SG) visant à repousser le délai accordé aux cantons pour assainir les buttes de tir du 1er novembre 2008 au 31 décembre 2012. Pour concrétiser cette décision de principe, le Conseil national a adopté à l’unanimité la révision de la loi fédérale sur la protection de l’environnement que lui a soumis sa commission de l’environnement (CEATE-CN) lors de la session d’hiver [8].
À la suite du Conseil national l’année précédente, le Conseil des Etats a approuvé la motion Ursula Wyss (ps, BE) chargeant le Conseil fédéral d’élaborer un programme de mise en œuvre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques pour l’après-Kyoto. Cette politique climatique nationale aura notamment pour objectif de réduire de 15 à 30% les émissions de CO2 entre 2012 et 2020 [9].
Le Conseil national a rejeté, par 99 voix contre 66, une initiative parlementaire Bernhardsgrütter (pe, SG) visant à créer une base légale pour l’introduction d’un dimanche sans voitures par année civile dans le cadre d’un week end en faveur de la protection du climat. Le plénum a suivi l’avis de la majorité de la commission des transports, qui jugeait la mesure inapplicable et inefficace [10].
 
[1] FF, 2008, p. 2327 s.; presse du 1.3.08. Cf. APS 2007, p. 193.
[2] LT, 16.1.08; TA, 17.1.08.
[3] Presse du 19 au 22.2.08. Concernant les plans d’action en matière énergétique, cf. supra, partie I, 6a (Politique énergétique).
[4] Presse du 4 au 6.12.08.
[5] Presse du 17.4.08.
[6] NZZ, 27.6.08.
[7] FF, 2008, p. 7199 s.; LT, 4.2 et 7.7.08; NZZ, 7.7.08; presse du 26.8.08 (initiative); NZZ, 20.12.08 (CF). Cf. APS 2007, p. 193.
[8] BO CN, 2008, p. 1892 s.
[9] BO CE, 2008, p. 140 s. Cf. APS 2007, p. 193.
[10] BO CN, 2008, p. 148 s.