Année politique Suisse 2010 : Chronique générale / Défense nationale / Défense nationale et société
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Rapport sur la politique de sécurité
Le Conseil fédéral a finalement publié son rapport sur la politique de sécurité. Ce dernier table consensuellement sur la continuité de la politique en place mais sans ligne politique claire. La défense du pays consiste toujours à protéger la capacité d’agir, l’autodétermination et l’intégrité de la Suisse, de sa population et de ses conditions d’existence, et de contribuer à la stabilité en dehors de ses frontières. L’évaluation de la menace n’a pas changé et cible les catastrophes naturelles et industrielles, le terrorisme, l’espionnage et le crime organisé. Le gouvernement a toutefois intégré les menaces de cyberattaque, mais sans proposer de mesures de défense. La menace militaire est considérée comme faible et les ennemis potentiels difficilement identifiables. S’agissant de l’analyse stratégique, la coopération internationale de sécurité a été supprimée au profit de la création d’un réseau national de sécurité et de collaboration avec d’autres Etats. Au niveau international, le gouvernement souhaite augmenter les capacités de l’armée destinées à la promotion de la paix à travers des contributions de plus grande qualité auprès de la communauté internationale. Au niveau national, il introduit des mesures afin de remédier aux problèmes rencontrés dans la gestion des crises de grande envergure tout en rationnalisant les coûts. Il propose de la sorte d’optimiser la coopération entre la Confédération, les cantons et les communes et d’améliorer la coordination entre les différents instruments nationaux de sécurité. Le rapport donne encore les lignes directrices du développement, des tâches et des moyens de l’armée sans établir de ligne détaillée. Cette dernière ainsi que les pistes d’adaptations des forces militaires, notamment dans le cadre du remplacement de la flotte aérienne, doivent être présentées dans le rapport sur l’armée (voir infra). Ainsi, la priorité de l’armée consiste comme par le passé en des engagements d’appui auprès des autorités civiles. Les engagements de surveillance, de protection et de sûreté deviennent par contre subsidiaires. Du reste, si le nombre de militaires vise à être réduit, le système de milice et l’obligation de servir sont maintenus. Une première version du rapport avait été présentée au Conseil fédéral en avril. Elle avait été accompagnée de cinq corapports très critiques émanant d’autres membres du gouvernement. Le Conseil fédéral avait alors demandé des informations complémentaires au DDPS afin de l’améliorer. Le texte avait fait l’objet de fuites et avait été fortement critiqué pour son manque de perspective.
Le rapport n’a pas suscité l’enthousiasme des partis. L’UDC a déclaré être agréablement surprise par un rapport consensuel maintenant l’armée de milice. Toutefois, elle s’est opposée aux engagements à l’étranger. Les autres partis se sont montrés déçus constatant une absence de vision et le renvoi à une politique de sécurité dépassée. Ils ont ainsi fortement critiqué le travail d’Ueli Maurer. L’ASIN a estimé que le rapport contrevient à la neutralité suisse et le GSsA a regretté l’absence de décision concernant le remplacement des avions de combat. Selon certains observateurs, Ueli Maurer souhaiterait d’une part dégager des financements pour une armée de milice classique en excluant l’achat de nouveaux avions de combat, et d’autre part ne pas être responsable d’un rapport promouvant une conception de l’armée opposée à celle de son parti.
Au Conseil des Etats, la CPS-CE a estimé que le rapport ne présente aucune priorité, ni hiérarchie des risques. Il ne permet en outre aucunement d’envisager l’avenir en matière de politique de sécurité et ne propose aucune ligne politique. La commission a considéré qu’il présente un état de la situation sans donner d’impulsion ni prendre de décision contraignante concernant, notamment, l’architecture européenne de défense et de sécurité. Elle a donc demandé des remaniements au gouvernement afin de définir plus clairement l’orientation de la politique de sécurité, les priorités et les conséquences des menaces, et de préciser les intentions du gouvernement en ce qui concerne la coopération internationale. Toutefois, la commission a estimé que le rapport constitue une base appropriée pour poursuivre la discussion. La chambre haute a pris acte du rapport avec scepticisme [6].
 
[6] BO CE, 2010, p. 1301 ss. LT, 19.3.10; NZZ, 27.3.10 (fuites); LT, 30.3 (fuites) et 5.6.10 (CPS-CE); presse du 1.4 au 23.4.10 (rapport et réactions). Voir APS 2009, p. 84.